Lauberhorn: trois Suisses rêvent de victoire
Ce vendredi sera donné le coup d’envoi de la 80e édition des courses du Lauberhorn avec la tenue d’un super-combiné. Mais le point d’orgue de ce week-end sera bien sûr la légendaire descente agendée samedi. Cuche, Janka et Défago affichent leurs ambitions.
Au deuxième étage de l’école primaire de Wengen, dans une classe transformée le temps d’une semaine en lieu de rencontre avec la presse, un brouhaha incessant entoure les membres de l’équipe de Suisse de ski.
Au milieu de la mêlée, serein, Martin Rufener, le patron du ski masculin, dévoile ses objectifs pour le week-end: «Devant notre public et avec notre potentiel, on devra au moins monter sur le podium en super-combiné vendredi et en descente samedi. Quant au slalom, notre discipline un peu plus faible, on peut toujours rêver d’un exploit dimanche».
Mais à Wengen, tout le monde espère voir à nouveau un athlète du cru triompher sur le mythique tracé du Lauberhorn, comme l’avait fait Didier Défago l’an dernier. Avec Didier Cuche, Didier Défago et Carlo Janka, l’équipe de Suisse possède en effet trois atouts capables de briguer les avant-postes.
La victoire promise
«Je vous mentirais si je vous affirmais que la victoire ne trotte pas dans un coin de ma tête», affirme ainsi Didier Cuche, dauphin de l’Américain Bode Miller en 2007 et 2008. «J’ai longtemps entretenu une relation d’amour-haine avec cette piste», explique le champion neuchâtelois, élu sportif suisse de l’année 2009.
«Avant ma blessure de 2005, mon état d’esprit ne me permettait pas de prendre le recul nécessaire par rapport à mes performances et j’étais souvent très déçu en rentrant de Wengen. Depuis quelques années, je réussis à maîtriser le Lauberhorn quasiment parfaitement et ça me procure beaucoup de plaisir. Mais cette piste reste mythique et impressionnante. Il faut la respecter.»
Vainqueur du premier entraînement de mardi, le solide athlète du Val-de-Ruz a d’emblée trouvé ses marques au pied de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau, les trois imposantes montagnes bernoises qui offrent un arrière-plan majestueux aux courses de Wengen. «Il faudra juste qu’il évite de ‘sur-skier’ et de se montrer trop agressif dans certains passages. Mais si les conditions restent équitables, il a vraiment toutes les cartes en main pour gagner», souligne Martin Rufener.
Deux Didier en forme
L’autre Didier, Défago de son nom, croit également en ses chances: «J’ai déjà gagné l’année passée. Je sais donc que je peux être rapide sur cette piste». Auteur d’un doublé Wengen-Kitzbühel en 2009, «Déf» compte une dizaine de skieurs capables de s’imposer samedi: «Celui qui prendra le plus de risques et fera le moins de fautes gagnera», assène-il.
Il faudra cependant que toutes les conditions soient réunies. «La météo peut être capricieuse à Wengen, même si ça s’annonce plutôt bien pour samedi», poursuit Défago.
Le choix des skis sera également primordial. «Sur un total de 2’20’’ de course, il y a 1’15’’ de glisse. Contrairement à Bormio ou Kitzbühel, le matériel joue un rôle important au Lauberhorn», souligne Défago.
Du changement
Martin Rufener estime que Défago pourra profiter de son histoire particulière à Wengen: «Il a ses repères sur cette piste et sa motivation sera décuplée. Sa deuxième place récente en descente à Bormio lui a également redonné une confiance totale en ses moyens».
Cette année, plusieurs changements ont été apportés à la piste afin d’accroître un peu plus la sécurité des coureurs. Des portes ont été déplacées avant les passages-clé de la Tête de Chien, du Haneggscuss ou encore dans le carrousel final afin de rendre le tracé plus tournant.
Pas de quoi vraiment réjouir Didier Défago: «La sécurité, d’accord. Mais je ne sois pas sûr que ce soit vraiment bien de faire tourner encore un peu plus le ‘S’ final alors qu’on a déjà 2’25’’ de course dans les jambes…». Et d’ajouter, avec un petit sourire au coin des lèvres: «Quand on est descendeur, on aime bien que ça file un peu plus».
Carlo Janka, le 3e homme
Le troisième larron incontournable de cette équipe de Suisse se nomme Carlo Janka. Vainqueur de trois courses d’affilée en début de saison à Beaver Creek, il porte désormais le dossard de favori au départ de toutes les épreuves de Coupe du monde, excepté en slalom. Surnommé «Iceman», l’homme que la presse a souvent décrit comme introverti, voire taiseux, se montre en tout cas très ouvert et prolixe à l’heure des interviews.
«J’apprécie beaucoup cette descente, surtout la partie technique du milieu. Je suis un peu moins à l’aise sur la partie plate du début, où il s’agira pour moi de perdre le moins de temps possible», explique de sa voix grave le jeune Grison de 24 ans. «Pour un Suisse, c’est toujours quelque chose de spécial de gagner le Lauberhorn. C’est un objectif pour moi et je vais déjà tenter d’y parvenir cette année».
Deuxième du classement général de la Coupe du monde derrière l’Autrichien Benjamin Raich, Janka ne veut pas tirer de plans sur la comète pour autant: «Je suis encore trop jeune pour penser au général. ‘Benni’ est vraiment très fort et avec quatre slaloms agendés en janvier, il va encore accentuer son avance».
Loin des Jeux
Déjà désigné comme le futur Pirmin Zurbriggen du ski suisse, Carlo Janka ne se laisse pas déstabiliser pour autant. La pression et la nervosité semblent totalement extérieures à sa personne. Ainsi, quand on aborde la question des Jeux olympiques, qui débutent dans un moins d’un mois, il répond stoïquement: «C’est encore très loin. Pour l’instant, je suis concentré sur la Coupe du monde. Mais c’est vrai que j’apprécie particulièrement la neige en Amérique du Nord. Elle est plus agressive et moins glacée. J’ai donc un bon feeling pour Vancouver…».
Pour l’encadrement de l’équipe de Suisse, il s’agira avant tout de préserver cette perle rare, comme le confirme Martin Rufener: «Le mois de janvier est très chargé, on va tenter d’accorder à Carlo le maximum de repos quand ce sera possible. Il ne participera ni au slalom de Wengen ni à celui de Kitzbühel».
Mais ce week-end, comme à son habitude, Carlo Janka ne va pas calculer sur les pentes du Lauberhorn. De quoi le placer au même niveau que Cuche et Défago dans les pronostics? «Les trois ont l’expérience suffisante, les moyens techniques et physiques pour gagner», souffle Martin Rufener. «Ce qui est important pour nous, c’est d’avoir trois athlètes capables de s’imposer. Et je suis sûr que l’un d’eux va réussir le pari».
Samuel Jaberg, Wengen, swissinfo.ch
Programme. Les 80es courses du Lauberhorn se déroulent du 15 au 17 janvier 2010 dans la station bernoise de Wengen. Au menu, un super-combiné (descente+slalom) vendredi, une descente samedi et un slalom dimanche.
Descente mythique. Avec la Streif de Kitzbühel, la descente du Lauberhorn est l’autre classique du Cirque blanc. Elle est l’équivalent de Wimbledon en tennis, Monte Carlo en Formule 1 ou Paris-Roubaix en cyclisme.
Tourisme. Cette course, disputée avec à l’arrière plan les sommets majestueux de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau, est également un moteur important pour le tourisme dans l’Oberland bernois. Elle permet de présenter au public international cette région de sports d’hiver et de vacances.
Audience. En 2009, la descente du Lauberhorn a été l’événement sportif le plus regardé de l’année en Suisse après le match de football Suisse-Israël qualificatif pour la Coupe du monde. Plus d’un million de téléspectateurs sont chaque année installés derrière leur écran de télévision.
Rivalité. Les skieurs suisses ont remporté 24 victoires contre 27 pour les Autrichiens. Le dernier Helvète à s’être illustré à Wengen est Didier Défago. C’était l’année dernière. Il s’était imposé au Lauberhorn avant de remporter dans la foulée la descente de Kitzbühel.
1. Andrej Jerman SLO 2’33″42
2. Klaus Kroell AUT + 0″09
3. Peter Fill ITA 0″63
4. Mario Scheiber AUT 0″72
5. Werner Heel ITA 0″75
6. Hans Olsson SWE 0″90
7. Marco Buechel LIE 1″01
8. Didier Cuche SUI 1″28
…
11. Didier Défago SUI 1″65
13. Tobias Gruenenfelder SUI 1″72
25. Patrick Kueng SUI 3″07
27. Ralf Kreuzer SUI 3″14
47. Silvan Zurbriggen SUI 6″07
54. Sandro Viletta SUI 7″59
56. Beat Feuz SUI 7″75
Ambrosi Hoffmann a chuté et soufre de contusions. Carlo Janka a été arrêté après la chute de son coéquipier.
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