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Le débat sur l’Irak gagne la politique suisse

Le survol de l'espace aérien helvétqiue par des avions militaires US fait également partie du débat. Keystone

La mobilisation de samedi à Berne scelle l'entente entre les autorités et le peuple contre une attaque américaine.

La marge d’action de Berne se limite à défendre le droit humanitaire et accorder ou non le survol du pays. Là, le débat sera vif.

Les Etats-Unis ont officiellement demandé à la Suisse un droit de survol du territoire helvétique pour leurs appareils militaires en cas de guerre contre l’Irak, a-t-on indiqué mercredi au ministère suisse de la Défense.

La réponse du gouvernement suisse dépendra pour une large part d’un éventuel mandat de l’ONU. Le ministre suisse de la Défense Samuel Schmid avait récemment confirmé la pratique adoptée par la Suisse depuis 1993 consistant à n’accepter une utilisation de son espace aérien qu’en cas d’aval de l’ONU.

D’ici là, le débat s’annonce chaud en Suisse. Surtout depuis que vendredi dernier, les experts de l’ONU sur le désarmement en Irak ont partiellement désavoué les affirmations des «faucons» américains, apportant du même coup de l’eau au moulin des opposants à la guerre.

Les pacifistes, comme Amnesty International, rejettent toute intervention, même avec l’aval des Nations-Unies.

Pascal Herren s’amuse de voir que «l’administration américaine a ressorti de ses tiroirs nos vieux rapports sur l’Irak». Le coordinateur d’Amnesty Suisse martèle que l’usage de la force est injustifié.

Défendre la neutralité suisse

En Suisse, un récent sondage avait déjà indiqué que 87,9% des personnes interrogées rejetaient une intervention américaine sans l’aval des Nations Unies. C’est également la position du Conseil fédéral et – en réponse à la question de swissinfo – des principaux partis gouvernementaux, à l’exception de l’Union démocratique du centre (UDC).

Par souci de défendre la neutralité suisse, l’UDC rejette toute intervention. Elle rejoint ici l’extrême gauche, laquelle invoque de son côté des arguments anti-américains, voire anti-capitalistes.

En Suisse, le débat a été jusqu’ici limité, sinon absent de la scène politique. Cela n’étonne pas la politologue Marie-Hélène Miauton: «Compte tenu de la tradition de neutralité de ce pays, les politiciens répugnent à s’engager dans un débat de politique extérieure».

«Il n’est donc pas étonnant, poursuit la directrice de l’institut de sondages MIS-Trend, que, souvent, le peuple empoigne les débat avant la classe politique.»

Mais ce débat est bel et bien entré dans le vif du sujet depuis que 40 000 citoyens ont répondu samedi dernier à l’appel de la coalition de pacifistes, de partis de gauche, des syndicats et des œuvres d’entraide pour exiger que Berne s’engage à l’ONU contre une guerre et interdise le survol du territoire par des avions de guerre.

Dans le vif du sujet

Avec ce dernier point, la balle est entrée dans le champ politique, même si, à l’exception des socialistes et des Verts, les partis n’étaient pas représentés lors de la manifestation de samedi.

Pour le gouvernement, toute intervention en Irak est injustifiée tant que le Conseil de sécurité de l’ONU n’aura pas voté une deuxième résolution.

Si c’est le cas, ses efforts diplomatiques tendraient à faire en sorte que cette deuxième résolution mentionne dûment le respect du droit international humanitaire.

Claude Frey (PRD/NE), membre de la commission de politique extérieure du Conseil national, précise que «la Suisse s’engagerait pendant et après le conflit sur le plan humanitaire et pour aider à la reconstruction».

Mais on n’en est pas encore là, et les sept membres du Conseil fédéral eux-mêmes ne parlent pas d’une seule voix. Dimanche, le président de la Confédération, Pascal Couchepin, a laissé entendre qu’«on ne doit pas empêcher un conflit à n’importe quel prix».

Auparavant, Samuel Schmid, ministre de la Défense, avait laissé tomber que le conflit était «inéluctable».

De son côté, Micheline Calmy-Rey n’a jamais caché que «tous les moyens diplomatiques doivent être épuisés pour éviter la guerre». Officiellement, a rappelé la cheffe des Affaires étrangères, «la position suisse tout au long de la crise irakienne consiste à réaffirmer sa préoccupation des gens».

Et donc à défendre les Conventions de Genève dont la Suisse est détentrice. Cela étant dit, la marge de manœuvre du gouvernement est étroite.

Une marge de manœuvre étroite

En fait, elle se limite à accorder ou non l’autorisation de survoler le territoire suisse aux avions américains et alliés.

Dieter Ruloff, professeur de relations internationales à l’Université de Zurich, estime que si l’intervention est avalisée par l’ONU, Berne accordera son autorisation de survol.

Cet expert estime que «c’est une pratique qui remonte aux années soixante et qui date donc d’avant l’adhésion de la Suisse aux Nations Unies. C’est aussi l’attitude des autres pays neutres comme l’Autriche. Si la Suisse ne s’y pliait pas, il pourrait lui en cuire.»

C’est la crainte des milieux économiques. Et notamment de Rudolf Ramsauer, de la direction d’economiesuisse: «Je suis sûr que le gouvernement suisse trouvera une solution pragmatique qui ne provoquera pas de tensions politiques avec nos principaux partenaires, l’Union européenne et les Etats-Unis».

Selon Yves Bichsel, porte-parole de l’UDC, dans ce débat, «la seule décision qui implique la Suisse est d’autoriser ou non les Américains à survoler son territoire». La réponse de l’UDC est non, en aucun cas de figure. Là aussi, elle rejoint l’extrême gauche, et même le parti socialiste.

«Nous y sommes hostiles, même en cas d’une deuxième résolution de l’ONU», précise Yves Bichsel.

Mais le débat sur les survols du territoire pourrait, le cas échéant, être relancé pour ce qui concerne le type de vols. Ainsi, Christian Weber, porte-parole du Parti démocrate-chrétien, estime que le gouvernement devra être prudent: «Il y a une différence à autoriser des vols humanitaires ou des transports de chars.»

Prochaines échéances

Quoi qu’il en soit, le Conseil fédéral devra trancher clairement. Cela d’autant plus que les USA ont déposé officiellement une demande à Berne. Lundi prochain, Il revient aux commissions parlementaires de la politique de sécurité doivent de plancher sur ce thème.

Le parti socialiste, enfin, a demandé d’inscrire le sujet à l’ordre du jour de la prochaine session parlementaire qui commence le 3 mars prochain. D’ici là, tout en suivant l’évolution internationale, les partis ont le temps de peaufiner leur position.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

-La Suisse entend tout faire pour éviter la guerre.
-Si ce n’est pas le cas, elle engagera tout son poids diplomatique pour qu’une deuxième résolution de l’ONU sur l’Irak mentionne le droit humanitaire.
-Puis la Suisse s’engagerait pendant et après le conflit sur le plan humanitaire et pour aider à la reconstruction.
-Si un conflit est déclaré unilatéralement par les Etats-Unis et leurs alliés, on est dans une guerre classique dans laquelle c’est la neutralité absolue qui s’applique et la Suisse interdit le survol de son territoire.

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