Le français a le vent en poupe dans les villes bilingues de Bienne et Fribourg
La proportion de germanophones dans les agglomérations du pays recule, comme le montrent les statistiques des villes suisses 2024. A l'inverse, la part des francophones se maintient voire augmente, surtout dans les villes bilingues de Bienne et Fribourg. SRF a essayé de comprendre pourquoi.
La proportion de germanophones dans les villes suisses a diminué au fil des décennies, comme le montrent les statistiques des villes suisses publiées mardi. Alors qu’en 1970, 64% des habitants déclaraient encore l’allemand comme langue principale, ils sont moins de 60% aujourd’hui.
Dans le même temps, la proportion de citadins francophones a légèrement crû, passant de 19% il y a une cinquantaine d’années à un peu moins de 23% aujourd’hui. Dans certaines villes, cette part a même augmenté de manière plus significative, comme à Bienne.
Dans les années 1920, environ deux tiers des Biennoises et des Biennois se déclaraient germanophones. Au fil du temps, cette proportion n’a cessé de fondre pour atteindre environ 50% actuellement. Avec 42% de francophones contre 30% il y a un siècle, la ville s’approche désormais de la parité.
Une évolution similaire peut être observée à Fribourg. Un tiers de la population y parlait allemand en 1920. Aujourd’hui, moins d’un habitant sur cinq est germanophone. A l’inverse, la proportion des Fribourgeoises et Fribourgeois parlant la langue de Voltaire dépasse désormais les 70%
Maire de Bienne depuis 2011, Erich Fehr se réjouit de l’essor du français dans sa ville: «Bienne a le bilinguisme dans son ADN.» Germanophone mais parfaitement bilingue, le socialiste explique cette progression par les mesures que la ville prend pour promouvoir la minorité francophone.
Par exemple, Bienne a veillé à ce que l’ensemble du programme éducatif jusqu’à l’école secondaire soit disponible en français, note Erich Fehr. L’offre culturelle pour les Romands est également encouragée. «Il est important pour nous de garantir l’égalité des droits entre les deux groupes linguistiques», déclare le maire, qui quittera son poste à la fin de l’année.
Des mouvements internes qui favorisent le français
Les mouvements migratoires à l’intérieur de la Suisse sont l’une des raisons de la montée du français, explique Raphael Berthelé, professeur à l’Université de Fribourg et spécialiste du multilinguisme. «Pour de nombreuses personnes, la vie dans les grandes villes de Suisse romande devient progressivement trop chère. Pour ces personnes, des villes comme Fribourg ou Bienne sont de bonnes alternatives. La vie y est plus abordable, cela reste une ville et on peut continuer à parler sa langue maternelle.»
L’immigration en provenance de l’étranger joue également un rôle. «Les personnes originaires du continent africain, qui parlent souvent déjà le français ou sont plus familières avec cette langue qu’avec l’allemand, sont plus enclines à parler français à Bienne. Les immigrés d’Europe de l’Est ou de Turquie, en revanche, ont tendance à y parler allemand», explique Raphael Berthelé.
En Suisse romande, l’immigration en provenance du Portugal est également importante. En raison de la proximité entre les langues latines, ces immigrés sont plus susceptibles d’apprendre le français, relève Raphael Berthelé. De plus, «les personnes qui s’installent quelque part ont tendance à apprendre la langue qui y est la plus répandue – à Fribourg, c’est incontestablement le français.»
Des villes attrayantes en Suisse romande?
A Bienne, ville bilingue modèle, Virginie Borel dirige le Forum du bilinguisme. Elle lie aussi l’essor du français à l’attrait des villes romandes aux yeux des immigrés. «La Suisse romande est économiquement active et offre une bonne qualité de vie», souligne Virginie Borel. Les personnes qui s’installent en Suisse sont attentives à ces aspects. Les immigrés recherchent également la tolérance lorsqu’ils choisissent leur lieu de résidence: «Bienne est une ville très tolérante, justement peut-être en raison de son bilinguisme.»
Malgré la proportion croissante de francophones dans les villes suisses, l’allemand reste la langue la plus parlée en Suisse. Près des deux tiers de la population déclarent l’allemand comme langue principale.
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Grüezi-Adieu: pourquoi la Suisse est un pays modèle en matière de multilinguisme
Traduit de l’allemand par Didier Kottelat/sj
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