Le monde réuni à Genève au chevet de la Libye
Réuni lundi à Genève pour l’ouverture du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, le gratin de la diplomatie mondiale a accru la pression sur le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, laissant augurer de nouvelles sanctions pour obtenir son départ.
Suite à la décision unanime, vendredi par le Conseil des droits de l’homme, de suspendre la Libye et d’ouvrir une enquête, les représentants de la diplomatie internationale ont convergé vers Genève lundi pour assister à l’ouverture de la session ordinaire du Conseil.
En ouvrant la session aux côtés de la haut commissaire de l’ONU Navi Pillay, la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey a affirmé que «des crimes contre l’humanité ont été commis et continuent d’être commis en Libye».
Appelant à l’arrêt immédiat des violences, la cheffe de la diplomatie suisse a «salué la décision du Conseil de Sécurité de l’ONU de saisir la Cour pénale internationale pour qu’elle enquête sur la situation en Libye».
La Suisse a déjà bloqué les avoirs de la famille Kadhafi. Mais Mme Calmy-Rey n’a pas souhaité en préciser le montant, ni se prononcer sur le sort de la société pétrolière libyenne Tamoil Suisse. «Nous nous occuperons de cela une fois que l’ONU aura décidé des sanctions à prendre», a précisé la présidente suisse.
Lundi, une liste de vingt-deux nouveaux noms de personnes physiques et morales liées au régime a été adressée aux autorités suisses par l’avocat de Fribourg Ridha Ajmi, mandaté par l’ONG Arab Transparency Organisation.
Une première liste de 12 noms a déjà été adressée il y a une semaine à la Confédération, laquelle possédait une liste propre de 29 noms suspects,
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Un «devoir moral»
De son côté, la représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Catherine Ashton avait fait le voyage à Genève, tout comme la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, pour définir l’aide humanitaire et politique à apporter à la population libyenne.
Le président de l’Assemblée générale de l’ONU Joseph Deiss s’est également exprimé à l’ouverture des débats du Conseil des droits de l’homme. «La situation en Libye est profondément choquante» et nous avons «le devoir moral au nom de l’humanité de ne pas laisser impunies ces violations», a lancé le Suisse.
Sans vouloir préjuger des décisions que prendra l’Assemblée générale de l’ONU mardi à New York, Joseph Deiss a précisé que la suspension de la Libye par le Conseil des droits de l’Homme était «exceptionnelle». Il a également relevé la prise de conscience croissante à Genève comme à New York de la gravité de la situation. Pour lui, la crédibilité de l’ONU est en jeu.
Coordonner les sanctions internationales
De son côté, Hillary Clinton a apporté son soutien aux transitions en cours dans les pays arabes. Elle a affirmé que Kadhafi et son entourage devront rendre des comptes, sans exclure des mesures supplémentaires de la communauté internationale.
Soutenir les transitions en cours vers la démocratie dans le monde arabe n’est «pas seulement une affaire d’idéal», mais aussi «un impératif stratégique», a-t-elle ajouté. Mme Clinton a multiplié les entretiens avec ses homologues européens et de plusieurs pays arabes en vue de préparer «l’après-Kadhafi».
Ainsi, un moratoire complet des paiements à la Libye pendant 60 jours a été discuté entre les Européens et les Etats-Unis dans le but d’éviter que de l’argent parvienne au dictateur.
Catherine Ashton, la représentante diplomatique de l’Union européenne, a annoncé que l’UE a décidé ses propres sanctions lundi, deux jours après les Etats-Unis et l’ONU. Mouammar Kadhafi, ses sept fils et sa fille étaient déjà visés par l’ONU, l’UE y a rajouté des noms de militaires et de responsables des services de sécurité, selon un diplomate.
«Il est très important d’agir ensemble pour avoir le plus fort impact possible», a relevé Mme Ashton, insistant sur la nécessité de coordonner les sanctions internationales et d’une mise en œuvre rapide de celles-ci par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Alors que les témoignages se multiplient sur l’utilisation d’avions de chasse de l’armée libyenne contre les manifestants, Catherine Ashton a confirmé que la communauté internationale discute aussi de l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne.
La balle est dans le camp de l’Assemblée générale de l’ONU, laquelle doit débattre, mardi à New York, de la suspension de la Libye du Conseil des droits de l’homme. L’accord des deux tiers des 192 Etats membres de l’ONU est nécessaire pour que cette décision devienne effective.
Hilary Clinton a annoncé l’envoi de deux équipes humanitaires américaines sur les frontières, précisant qu’aucune intervention militaire n’est prévue.
Forts du contrôle de l’est et de plusieurs villes de l’ouest, les Libyens en révolte refusent toute intervention directe de la communauté internationale, qui les déposséderait de leur soulèvement.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a demandé lundi d’accéder à l’ouest du pays, après deux semaines d’absence.
Le Haut Commissariet de l’ONU pour les réfugiés a lancé lundi un appel à l’aide pour l’évacuation de Libye de dizaines de milliers d’étrangers. On estime qu’ily a 1,5 million de travailleurs et migrants clandestinss, des Africains ou des Asiatiques.
La Cour pénale internationale (CPI) a commencé lundi à examiner si les violences contre la population civile constituent des crimes contre l’humanité.
Selon le commissaire européen à l’Energie Gunther Oettinger, le régime de Kadhafi ne contrôle plus les principaux champs de pétrole de Libye, passés aux mains de l’insurrection.
Les exportations ont même repris lundi dans l’est.
L’Arabie Saoudite, 1er exportateur mondial, s’est engagée lundi à assurer la «stabilité du marché» du brut, après la baisse de la production libyenne.
Membre de l’Opep, la Libye, l’un des quatre principaux producteurs de pétrole d’Afrique, produit 1,69 million de barils par jour et en exporte 1,49 million, dont 85% vers l’Europe.
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