Le soutien critique de la Suisse à l’Amérique
A Washington, le conseiller fédéral Samuel Schmid a clarifié la position de la Suisse dans la lutte contre le terrorisme. Solidaire et critique.
Samuel Schmid entame mardi la dernière étape de sa tournée étasunienne. Elle a débuté à Salt Lake City, lors de l’inauguration des JO. Le ministre de la Défense et des sports a tenu à marquer par sa présence son soutien aux athlètes suisses.
Une visite de circonstance
Mais ce qui retiendra sans doute l’attention des observateurs de la scène politique suisse, c’est sa rencontre, prévue dans l’après-midi à New York, avec Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU. Celle-ci prend en effet l’allure d’une visite de circonstance, juste avant les votations du 3 mars sur l’adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies.
Mais le périple américain du conseiller fédéral l’a aussi amené à Washington. Lundi, il a eu des entretiens politiques extrêmement pointus avec des responsables de l’administration Bush. Avec un ordre du jour d’actualité: la guerre contre le terrorisme et la protection des populations civiles contre l’éventualité de nouveaux attentats.
Samuel Schmid s’est entretenu pendant environ 45 minutes avec Paul Wolfowitz, le ministre adjoint de la Défense, l’un des durs de l’administration Bush. Les deux hommes ont discuté des progrès de la guerre contre le terrorisme et des questions de sécurité intérieure.
Lors d’un point de presse organisé à l’issue de la rencontre, Samuel Schmid a qualifié ses discussions avec Paul Wolfowitz de «collégiales». Il a souligné que la lutte contre le terrorisme est un «combat commun». Il a également considéré que les deux pays sont confrontés à des «problèmes similaires», comme le financement de la sécurité des aéroports.
Autre ressemblance avec les Etats-Unis: les menaces d’attentat qui pèsent actuellement sur la Suisse. Le Conseiller fédéral considère que «le risque d’assister à des activités dangereuses de la part d’acteurs non-étatiques existe».
Neutre mais pas préservée des attentats
La Suisse est certes un pays neutre. Mais elle n’échappe pas au risque d’être visée par des «fanatiques», souligne Samuel Schmid. Car elle «fait partie de l’Europe et du monde occidental, dans la mesure aussi où elle est un partenaire important dans l’économie mondiale».
Afin de gérer ce risque, la Suisse a renforcé sa coopération avec les Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center et le Pentagone.
Le résultat de cette coopération s’est concrétisé dans un rapport sur la sécurité publié récemment par le Conseil fédéral. Il s’est fondé notamment sur des conclusions tirées par un groupe de travail qui s’était déplacé à New York et Washington après les attentats. Il a été notamment décidé de mettre en place un nouveau système de collaboration entre les autorités fédérales et cantonales.
Les échanges ne se sont pas fait à sens unique. Puisque parallèlement, une délégation américaine s’est récemment rendue en Suisse pour étudier les possibilités de coopération en matière de protection civile.
Des divergences de fond
Cela dit, coopération bilatérale ne signifie pas totale harmonie. Surtout dans le contexte international actuel. Des divergences sont apparues entre les gouvernements américain et helvétique.
En effet, le conseiller fédéral a saisi l’occasion de sa rencontre avec le numéro deux du Pentagone pour exprimer sa préoccupation quant au traitement et au sort des Talibans et des membres d’Al-Qaida fait prisonniers par les Etats-Unis en Afghanistan et détenus sur la base américaine de Guantanamo à Cuba.
Samuel Schmid a souhaité que le Pentagone respecte les droits de l’homme et le pont de vue du Comite International de la Croix Rouge (CICR). Il a également appelé les Etats-Unis à appliquer les Conventions de Genève.
Autre point de friction potentiel entre Américains et Suisses: le concept d’«axe du mal» développé par George W Bush. Cela peut conditionner la tournure que pourrait prendre la suite de la guerre menée contre le terrorisme. La semaine dernière, en effet, le président des Etats-Unis a lancé un avertissement à cet «axe du mal», incarné par l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord.
Le recours l’ONU
Ce week-end, les pays-membres de l’Union européenne ont qualifié l’approche américaine de «simpliste» et mis en garde contre de nouvelles opérations militaires. Pour sa part, le Russe Vladimir Poutine a déclaré au Wall Street Journal que Washington devra obtenir l’approbation de l’ONU pour toute intervention contre l’Irak.
Interrogé par swissinfo sur la controverse, Samuel Schmid a déclaré que «chaque action militaire supplémentaire comporte le danger de déstabiliser à nouveau ces régions».
«Il existe, dans certains pays, des armes de destruction massive qui représentent un danger. Et les opérations militaires ne sont que l’un des aspects du combat contre le terrorisme qui nécessite une approche globale», poursuit le conseiller fédéral, avant d’ajouter: «de mon point de vue personnel, il faudrait une approbation de l’ONU».
Marie-Christine Bonzom, Washington
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