Les Américains échappent encore à la CPI
Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté jeudi une résolution présentée par Washington exemptant les Américains de poursuites pour douze mois de plus devant la Cour pénale internationale (CPI).
La Suisse était contre la prolongation de cette immunité.
Le texte américain a été accepté, en dépit des réticences internationales, par 12 voix et trois abstentions, celles de la France, de l’Allemagne et de la Syrie. La Suisse, qui ne fait pas partie du Conseil de sécurité, n’a pas voté.
Le débat, que les Etats-Unis auraient préféré éviter, avait été demandé par cinq pays, dont la Suisse.
Avant le scrutin, le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a souligné que le Conseil «saperait sa propre autorité et celle de la CPI» si ce renouvellement devenait «une routine».
Opérations de maintien de la paix
La Cour est le premier tribunal international permanent chargé d’enquêter et de juger les individus accusés de violations massives du droit international humanitaire et des droits de l’Homme.
Le texte américain adopté jeudi est identique à la résolution 1422, un texte de compromis adopté le 12 juillet 2002 à l’issue d’une âpre bataille diplomatique avec les Etats-Unis.
Ce texte établit que la CPI ne peut engager, pendant une période d’un an éventuellement renouvelable par période de 12 mois, de poursuites contre des membres des opérations de maintien de la paix, ressortissants de pays non-signataires du traité de Rome.
Le poids de la crise irakienne
L’année dernière, pour parvenir à leurs fins, les Etats-Unis avaient mis leur veto au renouvellement de la résolution prolongeant la mission des Nations unies pour la Bosnie-Herzégovine (MINUBH).
Ils avaient aussi menacé de fermer toutes les opérations de l’ONU au fur et à mesure de l’expiration de leur mandat.
«Après les affrontements sur l’Irak, il n’y a pas de goût au Conseil pour une autre bataille», a relevé un diplomate. Des gestes de bonne volonté des deux côtés l’ont évitée.
Les Etats-Unis, a expliqué un autre diplomate, n’ont pas demandé que l’exemption devienne permanente et nous n’avons donc pas fait un cheval de bataille de son renouvellement pour un an.
La Suisse ferme
Dans un discours ferme, l’ambassadeur de Suisse à l’ONU Jenö Staehelin a de son côté indiqué que Berne s’opposait à cette prolongation.
«La Suisse désapprouve la résolution 1422 dans son principe aussi bien que dans ses modalités», a-t-il dit avant le vote.
«Il est très préoccupant de voir le Conseil de sécurité adopter une résolution dans le but de limiter la portée d’un traité en vigueur, alors que ce traité est pleinement conforme à la Charte des Nations unies», a déclaré le représentant helvétique.
La Suisse conteste en particulier l’opposition, contenue dans la résolution 1422, entre la juridiction pénale internationale et les opérations de maintien de la paix. «Cette approche est erronée. Loin d’être en contradiction, les deux se complètent», a insisté M. Staehelin.
Progrès historique entravé
Pour la Suisse, une immunité globale pour tous les participants aux opérations de maintien de la paix revient «à considérer que la Cour internationale est, par elle-même, un obstacle à la paix. Nous ne pouvons pas être d’accord avec cette logique», a affirmé le diplomate.
Les Etats-Unis redoutent un dévoiement politique de la CPI, dont ils deviendraient en raison de leurs interventions dans le monde les cibles principales.
L’administration Bush a retiré la signature américaine du Traité de Rome (1998), qui avait été paraphé à contrecœur par l’administration Clinton.
Washington a ensuite entrepris de mettre en place une série d’accords bilatéraux destinés à soustraire les ressortissants américains à la juridiction de la CPI. Trente-sept pays ont jusqu’à présent signé ces accords, selon le Département d’Etat.
Le premier procureur de la CPI, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, doit prendre ses fonctions lundi prochain.
swissinfo et les agences
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.