Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, Jean Ziegler milite pour la suppression du secret bancaire.
Ce contenu a été publié sur
3 minutes
Dans son dernier ouvrage*, l’ancien professeur critique violemment «les seigneurs du capital» et dénonce l’évasion fiscale.
swissinfo: Dans votre livre, vous dénoncez les maîtres du monde que vous qualifiez de prédateurs. Les banquiers suisses appartiennent à cette catégorie?
J. Z.: Oui. Beaucoup d’entre eux sont des pirates, ils assimilent l’impôt à une confiscation. Pour le prédateur, l’inspecteur du fisc est l’incarnation du mal. Pour ces banquiers, le paradis fiscal est une conquête de la civilisation.
La Suisse doit donc introduire l’entraide judiciaire internationale en matière fiscale et supprimer le secret bancaire?
J. Z.: C’est évident. J’espère que l’UE va imposer à Berne la disparition du secret bancaire. La confidentialité des affaires restera, mais la Suisse ne doit pas servir de sanctuaire aux corrompus et aux criminels.
Comme Suisse je refuse de vivre de l’argent du crime, de celui de la fuite des capitaux du tiers monde ou de celui de l’évasion fiscale.
Aujourd’hui la symbiose entre les capitaux d’origine légale et ceux d’origine criminelle est presque achevée.
Les filières utilisées pour soustraire de l’argent au fisc étranger recoupent celles des blanchisseurs de fonds mafieux provenant de la traite d’êtres humains, du trafic d’armes ou de la drogue.
Pourtant le Conseil fédéral répète que le secret bancaire n’est pas négociable.
J. Z.: C’est inadmissible. Messieurs Villiger et Couchepin se comportent comme de vulgaires mercenaires des banquiers helvétiques.
Le rôle de la Suisse, en tant que pays riche, est de se joindre à la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale au niveau mondial.
Les banquiers estiment que la suppression du secret bancaire va fortement réduire leur compétitivité et provoquer une perte d’emploi massive.
J. Z.: C’est du chantage pur et simple. Ces banquiers mentent. Notre économie ne va pas s’effondrer pour cela. Elle est forte, prospère et créative.
Les fonds honnêtes resteront en Suisse si les banques sont capables de les gérer correctement. Certains établissements ont de mauvais gestionnaires et ils misent sur le secret bancaire pour masquer leurs faiblesses et attirer l’argent sale.
Mais la nouvelle loi anti-blanchiment est très stricte.
J. Z.: Absolument pas, elle ne punit pas la négligence mais seulement l’intention. C’est une loi inefficace et d’ailleurs elle n’a engendré que de rares sanctions contre les banques malgré les innombrables affaires qui ont été mises au jour.
swissinfo/Propos recueillis par Luigino Canal
* «Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent». Editions Fayard, Paris 2002.
Les plus appréciés
Plus
Identités
#detrans: La personne trans la plus connue de Suisse ne veut plus être une femme
L’économie suisse devrait-elle respecter les limites planétaires, comme le propose l’initiative pour la responsabilité environnementale, ou cela serait-il nocif pour la prospérité du pays? Et pourquoi?
Votre avis sur l'initiative pour la responsabilité environnementale nous intéresse.
Avez-vous le sentiment que la désinformation représente un danger particulier pour les démocraties directes?
Un expert de l'EPFZ s'attend à ce que la désinformation soit particulièrement dangereuse pour les États où les votations sont nombreuses, comme la Suisse.
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.
En savoir plus
Plus
Secret bancaire: «C’est Stalingrad»
Ce contenu a été publié sur
L’avocat genevois considère que Londres veut s’emparer des fonds gérés par la place financière helvétique. swissinfo: Le secret bancaire et partant la place financière suisse sont menacés. Comment en est-on arrivé là? Carlo Lombardini: Avec une honnêteté bien helvétique, nos autorités ont largement ouvert la porte à l’entraide internationale en matière pénale. Celle-ci a été…
Ce contenu a été publié sur
Cet échange d’informations, adopté sous la pression des Britanniques, sonnerait le glas du secret bancaire. En juin 2000, suite au sommet européen de Feira, le ciel est presque tombé sur la tête des banquiers suisses. C’est dans cette cité portugaise que, pour harmoniser la fiscalité des revenus de l’épargne au sein de l’UE, les Quinze…
Ce contenu a été publié sur
Une situation fortement décriée et que la Confédération aura du mal à maintenir à long terme. S’il est relativement simple de démontrer que l’association secret bancaire-terrorisme est totalement infondée et malhonnête, les critiques concernant la soustraction fiscale posent un problème moral que la Suisse devra tôt ou tard résoudre. Le secret bancaire permet d’éviter le…
Ce contenu a été publié sur
Pourtant, la Suisse dispose d’une loi anti-blanchiment qui figure parmi les plus strictes du monde. Depuis 1998, la Suisse s’est dotée d’une législation anti-blanchiment très stricte. Les fonds issus d’activités criminelles ou terroristes sont traqués tant par les banques que par la justice. Les banques ont l’obligation de collaborer lors d’une enquête pénale et le…
Ce contenu a été publié sur
Sa disparition entraînerait une perte d’attractivité et une chute des actifs détenus par le florissant secteur de la gestion de fortune. A l’origine, le secret bancaire n’est qu’une simple obligation de discrétion du banquier qui vise à protéger son client. Les banques estiment qu’il peut être comparé au secret professionnel des avocats, des médecins ou…
Ce contenu a été publié sur
Entre mythe et réalité, analyse d’une loi devenue mondialement légendaire. Sous couvert d’arguments moraux ou de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, l’Union européenne (UE), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et Washington veulent faire plier Berne sur le secret bancaire. En fait, la plupart de ces pressions internationales reposent sur…
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.