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Les chiffres de la criminalité en question

Les chiffres suggèrent à tort que tout prévenu a commis les crimes dont il est accusé. Keystone Archive

A en croire les statistiques, les étrangers seraient responsables de plus de la moitié des délits. Mais ces chiffres sont trompeurs.

La police fédérale avoue qu’ils ne brossent pas un tableau complet car ils recensent les prévenus et non les condamnés.

En 2003, les étrangers ont été accusés de 55,3% des délits commis en Suisse. Ce qui représente une hausse de 4,5% par rapport aux chiffres de l’année précédente, mais également un record historique après le taux de 54,85% atteint en 1998.

Mais l’Office fédéral de la police (fedpol – qui a récemment publié ces chiffres – admet lui-même qu’ils ne donnent pas une image complète de la criminalité des étrangers.

«Les statistiques restent muettes sur l’origine de ces gens et sur leurs motivations, explique à swissinfo Guido Balmer, porte-parole de fedpol. Nous savons juste si les criminels sont suisses ou étrangers.»

Et d’ajouter que l’Office fédéral de la statistique est en train de revoir tout le système afin d’offrir une vision plus claire de la criminalité en Suisse.

«Interprétations erronées»

De son côté, la Commission fédérale des étrangers (CFE) avertit que les statistiques pourraient conduire à des «interprétations erronées». Elles donnent en effet l’impression que tout prévenu a effectivement commis les crimes dont il est accusé.

«Seule une statistique se fondant sur le nombre des personnes condamnées permettrait de mentionner le nombre d’étrangers réellement criminels. Or, actuellement toute donnée à ce sujet fait complètement défaut», note la CFE dans un communiqué.

De plus, certains experts en criminalité font remarquer que les statistiques ne font aucune distinction entre les étrangers qui vivent en Suisse depuis des années et ceux qui y effectuent une rapide incursion, par exemple pour y commettre un vol dans la ville frontalière de Genève.

Malgré cela, Martin Killias, criminologue à l’Université de Lausanne, explique à swissinfo que peu de pays d’Europe occidentale comptent autant d’étrangers parmi leurs criminels présumés.

Selon lui, le taux important de la population étrangère en Suisse (près de 20%) constitue certainement un début d’explication.

Un problème de minorités

«Ce taux de population étrangère est significatif, explique Martin Killias. Les pays qui abritent d’importantes minorités connaissent généralement des taux plus élevés de délinquance au sein de ces minorités. On peut le voir aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et ailleurs dans le monde.»

Autre facteur important, selon le professeur de criminologie: les écarts importants entre les conditions socio-économiques des minorités et celles du reste de la population.

Et pour les criminels qui passent la frontière, la richesse de la Suisse en fait évidemment une cible attirante.

«Par exemple, relève Martin Killias, vendre de la drogue est certainement plus lucratif en Suisse qu’en Italie. Simplement parce que les prix sont bien plus élevés et que les gens d’ici peuvent payer plus cher.»

Pas de xénophobie pour autant

L’état des statistiques, basées sur le nombre de délits signalés dans les 26 cantons, refléterait-il des préjugés xénophobes? Le criminologue lausannois n’y croit pas une seconde.

«Si vous prenez les enquêtes sur la criminalité, qui sont menées depuis vingt ans auprès des victimes, vous verrez que le nombre de suspects étrangers correspond à celui des statistiques de la police», note Martin Killias.

«Nous nous sommes même demandé si les victimes, surtout lorsqu’elles sont suisses, n’auraient pas tendance à dénoncer plus facilement un suspect lorsqu’il est étranger. Mais nous nous sommes aperçus que ce n’était pas le cas», ajoute le professeur.

Quant à l’Office fédéral de la police, il ne s’inquiète pas outre mesure de l’augmentation du nombre de prévenus étrangers enregistrée entre 2002 et 2003.

«Depuis 1996, les chiffres dépassent 50%, note le porte-parole Guido Balmer. Si bien que l’augmentation enregistrée l’année dernière ne peut pas être considérée comme la marque d’une tendance à la hausse.»

swissinfo, Isobel Leybold
(Traduction, Marc-André Miserez)

– En 2003, 55,3% des personnes accusées d’un délit étaient des étrangers.

– Par rapport à 2002, ce chiffre est en augmentation de 4,5%.

– Depuis 1996, le nombre de suspects étrangers dépasse les 50%.

– Sur les 5000 détenus des prisons helvétiques, 3500 sont des étrangers.

– Les statistiques recensent des prévenus et non des condamnés.

– Elles ne distinguent pas les étrangers résidant en Suisse de ceux qui sont de passage.

– Pour ces raisons, les experts et l’Office fédéral de la police admettent que les chiffres ne reflètent pas l’état réel de la criminalité étrangère en Suisse.

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