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Les dangers d’une vente de chars pour l’Irak

Albert Stahel, professeur à l'EPFZ, estime que la Suisse doit rester neutre face au monde musulman. Keystone

L’expert en stratégie Albert Stahel craint que la vente de blindés de transport de troupes pour l'Irak ne transforme la Suisse en cible d'attentats terroristes.

Il a averti que cette vente, approuvée récemment, pouvait porter atteinte à la neutralité helvétique. Surtout depuis les attentats de jeudi à Londres.

Le 29 juin dernier, le gouvernement fédéral avait donné son feu vert au Secrétariat d’Etat à l’économie (seco) pour la vente de 180 chars de transport de troupes M113 aux Emirats Arabes Unis, qui veulent les offrir à l’Irak.

Le ministre de l’Economie, Joseph Deiss, avait expliqué que cette décision correspondait à la demande du Conseil de sécurité de l’ONU d’aider Bagdad à mettre en place des services de sécurité efficaces.

«Il est dans l’intérêt de la Suisse que la situation en Irak, où les attentats terroristes se multiplient, se stabilise aussi rapidement que possible», avait précisé M. Deiss.

La neutralité à tout prix

Ce n’est pas l’avis d’Albert Stahel, surtout depuis les attentats qui ont fait au moins 50 morts jeudi à Londres. Il estime que si la Suisse exportait maintenant ces chars, elle ferait fausse route car cela équivaudrait à prendre parti dans le conflit irakien.

«Dans cette guerre, nous devons rester absolument neutres», a-t-il déclaré samedi à la radio alémanique DRS.

Le professeur à l’Académie militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich a encore estimé que la Suisse doit soigner ses relations avec le monde islamique si elle ne veut pas se retrouver dans le collimateur du terrorisme.

Elle doit veiller à ne pas émettre de mauvais signaux en prenant de mauvaises décisions. Albert Stahel estime en effet que les 180 blindés M113 en question, qui proviennent des surplus de l’armée, peuvent très bien servir à autre chose, comme par exemple à la protection des ambassades étrangères en Suisse.

Et ce d’autant plus à la lumière des derniers attentats de Londres. Albert Stahel estime que les ambassades et autres sites sensibles devraient être mieux protégés pour éviter tout risque d’attentats.

Politiciens critiques

De leur côté, les députés et membres de la Commission de politique de sécurité du parlement (CPS) Boris Banga (Parti socialiste) et Ulrich Schlüer (Union démocratique du centre, UDC, droite dure), se sont exprimés dans le Blick de samedi. Ils estiment également que ce contrat militaire pourrait accroître le danger terroriste pour la Suisse.

A l’annonce de l’autorisation de la vente de chars aux Emirats Arabes Unis, les partis de centre droit avaient soutenu l’approche du gouvernement. Mais l’UDC, les socialistes et les Verts avaient déjà réagi de manière plutôt critique.

Conserver une bonne image

Jeudi, après les attentats de Londres, Albert Stahel avait déjà estimé que la menace terroriste était minime pour la Confédération. Selon lui, la Suisse bénéficie toujours d’une bonne image dans le monde arabe, notamment grâce au Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

L’expert en stratégie avait également relevé que, pour les militants islamistes, la Suisse était plutôt «un pays de repos ou de transit» et que, tant qu’elle ne prendrait pas fait et cause dans le conflit irakien, elle devrait rester préservée.

Albert Stahel s’est encore dit convaincu que la problématique de l’Irak et, plus généralement, les points de friction entre l’Occident et le monde islamique restent au centre des attentats.

swissinfo et les agences

D’ici à 2010, l’armée suisse doit liquider pour environ 10 milliards de francs de matériel, dont 1200 blindés légers M109 et M113.
Les Emirats Arabes Unis veulent acheter 180 M113 pour l’Irak. Le gouvernement suisse a donné son accord de principe le 29 juin.
Les partis de centre-droit soutiennent Berne, mais la droite dure et la gauche estiment que cette vente porterait atteinte à la neutralité.

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