Les drôles de dames suisses de Lyon
Suivant le fil du Rhône, voie d'émigration historique, nombreux sont les Helvètes à s'être installés dans la région lyonnaise. Quatre associations les y représentent, dont le Groupement des Dames suisses de Lyon. Rencontre avec sa présidente Monique Joye.
Lorsqu’elles se réunissent, une fois par mois dans un restaurant, les dames suisses de Lyon le font bien sûr autour d’un thé et d’un gâteau. Mais attention, pour elles, une seule priorité: l’activité.
Cousent-elles, c’est pour envoyer le fruit de leur travail, 45 petites robes, dans un orphelinat à Madagascar. Bricolent-elles ou peignent-elles, c’est pour confectionner des décorations de Noël ou de Pâques.
En plus des traditionnelles visites et excursions, elles organisent des ateliers avec toujours le même mot d’ordre: bouger, se rencontrer, échanger.
A l’image de sa présidente Monique Joye, le Groupement des Dames suisses de Lyon – la seule parmi les quelque 90 associations de Suisses de France à être constituée exclusivement de femmes – se veut pétillant et dynamique.
Esprit de solidarité
Crée dans les années 1960, ce club a vu le jour grâce à des émigrées alémaniques qui ressentaient le besoin de parler le dialecte entre elles. Aujourd’hui, la plupart des membres ont la double nationalité et beaucoup sont même nées en France.
«Notre ancienne présidente comptait encore ses mailles en allemand! Lorsque je le lui faisais remarquer, elle me disait: ‘C’est tellement plus facile qu’en français’!», se souvient Monique Joye en souriant.
Présidente du groupement depuis 1997, elle indique que celui-ci compte quelque 40 membres, dont les plus jeunes ont une soixantaine d’années. Quant à l’allemand, il a pour ainsi dire disparu de la vie du groupe.
L’esprit de solidarité – à l’origine de nombreux clubs et autres amicales helvétiques nés à l’époque où les moyens de communication étaient encore rudimentaires – est lui par contre toujours présent.
Le fil du Rhône
«C’est triste à dire, mais la grande majorité de nos membres ont perdu leur mari, elles vivent donc seules. Grâce à notre groupement, une amitié s’est nouée entre nous. Il est toujours agréable de savoir qu’on peut appeler quelqu’un si on a un problème», témoigne Monique Joye.
Et de poursuivre: «Beaucoup de personnes arrivées à un certain âge croient qu’elles n’ont plus de rôle à jouer dans la société. Le fait de venir coudre, de faire des couvertures ou de la peinture leur permet de réaliser qu’à 80 ans, elles sont encore capables de faire quelque chose. C’est énorme pour elles.»
Région d’émigration pour de nombreux Suisses qui ont suivi le fil du Rhône, le Lyonnais ne risque pas de laisser ces expatriés dépourvus. En plus du Groupement des Dames suisses, trois autres associations affichent en effet le drapeau rouge à croix blanche.
A savoir la Société suisse de bienfaisance, Pro Ticino, et l’Union helvétique de Lyon, dont le mari de Monique Joye a été président. Et les liens avec la mère patrie sont encore solides.
Chaque année, les Suisses de Lyon participent ainsi à l’Escalade à Genève. «On commande et on va chercher la marmite à la Migros. C’est un beau moment. Les Lyonnais d’origine helvétique ont beaucoup de rapports avec la Suisse, qui n’est finalement qu’à 1h30», se félicite la présidente des dames suisses de Lyon.
Emigration économique
Pour ce qui la concerne, c’est dans son enfance qu’elle a entamé son histoire d’amour avec la Suisse. Lyonnaise à la base, Monique Joye avait en effet un père qui adorait ce pays. «Le pauvre, il est mort sans savoir que sa fille a acquis la double nationalité. Il en aurait été content», regrette-t-elle.
Une double nationalité qu’elle a prise par mariage. Son mari, double national lui aussi, avait un père originaire de Fribourg, un canton qui a traversé une période économique difficile à la fin du 19ème siècle.
«Le père de mon mari était venu en France pour chercher du travail, puis il a épousé une Française. On pense toujours qu’en Suisse, tout le monde est banquier, c’est un cliché parmi beaucoup d’autre. La Suisse aussi a ses problèmes économiques», relève-t-elle.
Reste que les deux petites filles de Monique Joye ont effectué le parcours inverse de leur ancêtre. Toutes deux travaillent aujourd’hui en Suisse, ce qui lui permet de remonter souvent le Rhône pour leur rendre visite.
«Après leurs études effectuées en France, elles n’avaient qu’une envie, inspirée je pense par mon mari, aller en Suisse. Elles s’y plaisent et n’ont apparemment pas envie de revenir», précise-t-elle. Comme quoi de belles histoires de filiations peuvent s’écrire dans les marges de l’histoire économique.
swissinfo, Carole Wälti à Roanne
La présence des Suisses en France est très ancienne. Ainsi, certains clubs, amicales ou associations ont atteint l’âge vénérable de 200 ans.
En 1958, au 36ème congrès de l’Organisation des Suisses de l’étranger à Baden, l’impulsion a été donnée en faveur du regroupement de ces organisations sur le modèle de ce qui se passait alors en Allemagne ou en Italie.
L’Union des Suisses de France, devenue par la suite Union des Associations suisses de France (UASF), a vu le jour officiellement en 1959 à l’Abbaye de Royaumont (Val-d’Oise, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris).
L’UASF rassemble aujourd’hui entre 85 et 90 organisations, dont le Groupement des Dames suisses de Lyon.
A la fin du mois d’avril, chaque année, l’UASF organise un congrès de trois jours au cours duquel a lieu son assemblée générale.
Le dernier congrès a eu lieu à Roanne. Le prochain aura lieu à Troyes les 23-24 avril 2010.
En 2007, un Suisse sur dix vivait à l’étranger, soit plus de 668’000 personnes immatriculées.
La France accueille le plus gros contingent (176’723 personnes). Viennent ensuite l’Allemagne (75’008) et les Etats-Unis (73’978).
Près de 80% des Suisses qui vivent en France sont binationaux.
A l’inverse, environ 160’000 Français vivent en Suisse.
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