Les magistrats en guerre contre le chanvre
La culture du cannabis destiné au marché des stupéfiants prend des proportions alarmantes dans toute la Suisse.
Réunis à Bellinzone, les procureurs de neuf cantons ont décidé de suivre l’exemple du Tessin qui traque les gros producteurs.
Invités lundi à Bellinzone par le procureur tessinois Antonio Perugini, les procureurs, magistrats et policiers de neuf cantons suisses l’ont affirmé à l’unisson: «Aucune tolérance pour les cultivateurs et producteurs de chanvre destiné au marché des stupéfiants».
En Argovie, à Berne, à Bâle-Ville, à Zurich, à Schwytz, dans les Grisons, à Fribourg et dans les cantons de Vaud et du Valais, la traque aux chanvriers, producteurs, cultivateurs et gérants de magasins sera menée à l’exemple de celle qui a été lancée au Tessin le 15 mars dernier.
«L’Opération Indoor» comme exemple
«L’Opération Indoor» (du nom du genre de culture sous serre) va donc faire des émules dans une grande partie de la Suisse.
«Le phénomène, lancent les magistrats, prend rapidement une ampleur inquiétante dans toute la Suisse et nous devons faire front commun».
Pour ces même magistrats, à quelques mois du débat au parlement fédéral sur la dépénalisation des drogues douces, «il faut sensibiliser l’opinion publique et les politiciens contre le risque croissant de criminalité et la mise en péril du secteur agricole».
Des ouvriers au noir
La dernière plantation qui a été mise sous scellée, la semaine dernière à Giubiasco près de Bellinzone, disposait de 85 000 m2 de terrain et serres.
Elle était équipée de systèmes d’alarme et surveillance vidéo sophistiquées, d’écrans de contrôle placés jusque dans les chambres des ouvriers agricoles. Qui étaient, pour la plupart, des étrangers ou requérants d’asile employés au noir.
Au total, 45 personnes ont été arrêtées. La police a fait main basse sur 150 000 plantes de cannabis, 1700 kilos de marijuana, 25 véhicules, du matériel de fabrication et 600 000 francs en liquide.
Le chiffre d’affaires global de ce nouveau genre de culture est estimé à quelque 40 millions de francs.
Principe actif plus fort
A Bellinzone, le juge d’instruction valaisan Jo Pitteloud rappelle que la consommation de cannabis peut provoquer de gros dommages pour la santé.
«On ne peut pas comparer le cannabis d’aujourd’hui à celui d’il y a une cinquantaine d’années lorsqu’il remplaçait le tabac», affirme le Valaisan.
Et de précier: «Actuellement les taux de THC (principe actif du cannabis) dans le chanvre sont beaucoup plus élevés qu’autrefois».
De son côté, le procureur zurichois Renato Walty évoque un problème juridique. Il peut se passer des années jusqu’à ce que les autorités décident de faire saisir des plantes de cannabis.
La procédure juridique, estime le magistrat, doit être rapidement abrégée.
La réputation de la Suisse
Au niveau national, la lutte contre les producteurs de cannabis représente un autre enjeu: la réputation de la Suisse à l’étranger.
«Nous nous battons, lance le procureur tessinois Perugini, pour que notre pays n’ait pas une mauvaise image en Europe».
Quelque 400 magasins qui vendent des produits dérivés du chanvre ont ouvert leurs portes en Suisse ces dernières années. Et une grande partie de ces commerces se trouvait au Tessin avant le début des rafles.
«Il y a encore trop de producteurs et de revendeurs, conclut le magistrat. Nous les épinglerons tous.»
swissinfo, Gemma d’Urso, Bellinzone
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