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Les politiciens «exagèrent» le problème de la criminalité juvénile

La société doit aider les jeunes à comprendre que la violence n'est pas le seul moyen de résoudre les conflits. Keystone

Les jeunes, en particulier les étrangers, sont les otages du discours des politiciens en cette année électorale, estime Allan Guggenbühl, psychothérapeute spécialiste de l'enfance et de l'adolescence.

La question de la violence juvénile fait la une de l’actualité en Suisse depuis qu’ont été révélés plusieurs viols présumés commis par des mineurs.

Les statistiques récentes en la matière le confirment, la criminalité des mineurs tend à augmenter en Suisse. Surtout pour ce qui est des infractions violentes. Quant à la responsabilité de cette progression, elle est souvent attribuée aux jeunes d’origine étrangère.

Au début février, le chef de la police criminelle du canton de Zurich Bernhard Herren a ainsi exigé des mesures drastiques, «allant jusqu’à l’expulsion de toute la famille».

De son côté, la revue ‘Schweizerzeit’, soutenue par l’Union démocratique du centre (UDC/ droite dure), présentera lundi une pétition aux autorités fédérales.

Outre des peines de prison plus sévères pour les jeunes délinquants, ce texte réclame la facilitation des procédures d’expulsion, la possibilité de rendre les parents d’origine étrangère responsables des agissements de leurs enfants, ainsi que des tests obligatoires de citoyenneté pour obtenir le passeport suisse.

Professeur à l’Université de Zurich, psychothérapeute spécialiste de l’enfance et de l’adolescence, Allan Guggenbühl estime que le problème a été exagéré et utilisé à tort et à travers par certains politiciens.

swissinfo: Le fait que les politiciens utilisent le thème de la délinquance juvénile dans une visée électoraliste vous préoccupe-t-il?

Allan Guggenbühl: Ce qui m’inquiète, c’est que la jeunesse soit prise en otage par le débat politique. On fait beaucoup de bruit autour de cette question afin d’exagérer le problème.

Des suggestions ont été faites pour introduire des mesures très dures et inappropriées. Il y a un danger réel que ces mesures conduisent à intensifier le problème en ouvrant un nouveau champ en bataille et en creusant le fossé entre les jeunes et les adultes.

swissinfo: Cependant, les dernières statistiques criminelles montrent une augmentation des infractions commises par les mineurs. Cela vous inquiète-t-il?

A.G.: Ces chiffres doivent être lus correctement. La police compte les infractions, mais pas les coupables. Ils pourraient donc être trompeurs.

La tendance à relater ces violences dans les journaux s’est accrue car de nombreuses personnes sont plus préoccupées qu’avant à propos de ce phénomène.

Quant à moi, je ne suis pas sûr que la violence entre jeunes a vraiment augmenté, mais il est clair qu’une nouvelle forme de brutalité a fait son apparition. Il ne s’agit donc pas d’une augmentation, mais plutôt d’un nouveau phénomène.

swissinfo: Que se cache-t-il derrière cette brutalité?

A.G.: A l’adolescence, les jeunes tentent de se forger un profil afin d’impressionner les autres et la société. Aujourd’hui, on voit certains de ces jeunes, qui ne sont pas intégrés dans notre société, qui n’ont pas de buts ou de perspectives dans leur vie scolaire ou professionnelle, choisir la violence afin de se donner un profil.

swissinfo: Ce sont en particulier les jeunes étrangers qui sont pointés du doigt. Etes-vous d’accord avec cela?

A.G.: Nous avons un problème avec une minorité de jeunes étrangers, mais ils ne constituent pas une menace nationale. Le nombre de mineurs d’origine étrangère ayant commis des crimes est élevé, mais cela est compréhensible. Ils ne sont en effet pas intégrés et viennent de pays où la situation est problématique.

swissinfo: Le choc des cultures n’explique-t-il pas en partie leur forte représentation dans les statistiques?

A.G.: Certains jeunes viennent de pays où l’usage de la violence est plus ou moins courant, par exemple pour s’en prendre à quelqu’un qui, pensent-ils, les a insultés. Il est donc normal [pour eux] de recourir à la violence, d’en venir aux mains.

Il y a cent ou deux cents ans, cela passait aussi comme cela en Suisse. Aujourd’hui, la société est devenue beaucoup plus retenue. Le problème est que ces jeunes ont une approche différente de la confrontation physique.

Mais souvent ces confrontations ne constituent pas des incidents trop sérieux.

swissinfo: Que peut faire la société pour lutter contre la violence juvénile?

A.G.: Nous devons transmettre à ces jeunes nos valeurs fondamentales quant à la manière dont nous résolvons les conflits et pouvons être critiques les uns à l’égard des autres.

De nombreux adolescents ne sont pas au clair. Ils ne savent pas comment agir vis-à-vis de l’autre sexe. Nous devons dire à ces adolescents quelles valeurs ils doivent accepter. Le problème est qu’il n’y a pas assez de gens qui leur font face. Ils se sentent donc perdus ou marginalisés.

Interview swissinfo: Matthew Allen
(Traduction de l’anglais: Carole Wälti)

14’106 mineurs (11’189 garçons et 2917 filles) ont été condamnés pour divers délits en 2005, selon l’Office fédéral de la statistique. Ils étaient un peu plus de 2000 en 1999.

62,7% des jeunes condamnés sont de nationalité suisse.

Le nombre de condamnations pour infractions au code de la route, atteintes à l’intégrité corporelle et dommages à la propriété affiche une progression depuis 1999.

Le nombre d’infractions liées à la drogue a par contre diminué.

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