Les premiers succès de l’opération Genesis
Le coup de filet contre les acheteurs de pornographie enfantine sur Internet baptisé Genesis est «un succès». Et une «chance».
Satisfaites, les autorités policières fédérales et cantonales admettent toutefois qu’elles devront faire mieux à l’avenir.
Depuis presque un mois, les médias suisses ne parlent plus que de ça.
De simples quidams, mais aussi des enseignants, des magistrats, des éducateurs ont reçu la visite de la police, venue fouiller les entrailles de leur ordinateur. Et ce que les enquêteurs y ont trouvé fait froid dans le dos.
«A plus de 60 ans, je n’avais encore jamais vu ça», lance, visiblement choqué, Roy Kunz, commandant de la police de Glaris.
Jeudi, il était invité avec ses collègues des autres cantons et de la Confédération à présenter un bilan intermédiaire de ce coup de filet sans précédent.
Pas que de simples voyeurs
Baptisée «Genesis», l’opération a permis à ce jour d’opérer 822 interpellations. Dans la moitié des cas, du matériel porographique illicite a été saisi, réparti sur des milliers de CD-ROM, disquettes, vidéos et autres supports papier.
De plus, sept personnes arrêtées sont d’ores et déjà soupçonnées de passage à l’acte. Ce qui démontrerait que les amateurs d’images pédophiles sur internet ne sont pas tous de simples voyeurs.
Réseau mondial
A l’origine de l’opération, une enquête ouverte il y a quatre ans par l’Inspection des postes américaines. Le 8 septembre 1999, les limiers du Minnesota arrêtent Thomes et Janice Reedy, animateurs du portail internet Landslide.
Le premier nommé écopera de la prison à vie, tandis que sa compagne s’en tire avec 14 ans de réclusion. La police américaine découvre petit à petit les ramifications du réseau: 300 sites pédopornographiques, des clients dans 61 pays et des millions de dollars de bénéfice.
L’affaire devient publique
Les premières informations parviennent à Berne, via Interpol, en août 2001.
L’Office fédéral de la police (OFP) n’a pas la compétence d’opérer lui-même les investigations et les arrestations, qui sont l’affaire des cantons.
Il faudra donc une année pour organiser le coup de filet. Et sitôt celui-ci a-t-il démarré qu’une fuite porte Genesis sur la place publique. Le 19 septembre dernier, le Blick évente l’affaire et l’ensemble des médias s’engouffrent dans la brèche.
Pas si simple
S’il cite cette publicité non désirée au nombre des «difficultés rencontrées lors de l’action», le directeur de l’OFP Jean-Luc Vez ne peut pas encore en évaluer l’impact.
Autre problème rencontré par les enquêteurs: l’identification des titulaires de cartes de crédit qui réglaient par ce moyen leurs abjects achats d’images d’enfants violés.
En Suisse en effet, aucun organisme central n’existe pour gérer la monnaie plastique. Trop souvent, les banques et les différents instituts d’émission se renvoient la balle et l’obtention d’un nom peut prendre des mois.
Excellente collaboration
Malgré cela, Jean-Luc Vez tient à souligner le succès de l’opération, notamment au niveau de la collaboration entre Berne et les cantons.
«Le but n’était pas seulement d’interpeller un maximum de suspects, mais également d’atteindre un effet préventif des plus élevés», ajoute le directeur de l’OFP.
Les responsables admettent néanmoins que le système est perfectible. Sur demande directe de la ministre de justice et police Ruth Metzler, l’OFP analysera de manière approfondie les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de Genesis, afin de proposer des améliorations.
La traque continue
Enfin, cette opération a démontré – si besoin était – que rien dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité ne peut se faire sans collaboration internationale.
Dès l’année prochaine, la Suisse apportera sa contribution à l’édifice en réactivant sa cellule de surveillance de l’Internet. Baptisé Kobik, le projet démarrera avec sept cyberpoliciers.
Les cantons sont associés au financement, mais Zurich se fait toujours tirer l’oreille. Dans un premier temps, Kobik se passera donc de lui.
swissinfo/Marc-André Miserez
Opération Genesis:
1100 suspects, 844 perquisitions, 822 interpellations.
Saisie de 1147 ordinateurs, 16’077 CD-ROM et disquettes, 4’879 vidéos, 10’219 revues, écrits et images.
7 personnes suspectées d’actes sexuels avec des enfants.
Entre 1990 et 1999, 7137 condamnations pour atteinte à l’intégrité sexuelle ont été prononcées en Suisse. 4412 concernaient des actes sexuels sur des enfants.
Le code pénal sanctionne le viol d’enfant par des peines allant jusqu’à dix ans de réclusion.
Depuis le 1er avril, la possession de documents de pornographie enfantine relève du pénal. Le délai de prescription a été allongé de dix à quinze ans.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.