Mettre fin à l’exploitation sexuelle dans le sport
Protéger les jeunes contre la violence sexuelle qui s’exerce dans le monde du sport, c’est un des volets d’une vaste campagne pour le fair-play, lancée mercredi.
La Confédération et Swiss Olympic réagissent ainsi aux nombreux cas d’abus, parfois graves, révélés ces dernières années.
Chaque année, dans les clubs et associations sportives suisses, entre 2500 et 5000 enfants, jeunes gens ou jeunes filles sont victimes de violence sexuelle ou de comportements dépassant les limites acceptables.
Il s’agit là d’une estimation, fournie par l’Association mira, qui s’occupe depuis six ans de prévention de l’exploitation sexuelle dans le monde des loisirs en général et dans celui du sport en particulier.
La plupart du temps, ces abus sont commis par les entraîneurs ou par d’autres responsables des sociétés sportives.
Depuis quelques années, de nombreux cas douloureux ont attiré l’attention sur ce problème. Des cas qui ont parfois abouti à la condamnation de leurs auteurs.
L’été dernier, l’Office fédéral du sport (OFSPO) a décidé de réagir. Aujourd’hui, il enfonce le clou. Conjointement avec Swiss Olympic, l’association faîtière du sport suisse, l’OFSPO lance la campagne pour le fair-play.
Celle-ci devrait durer entre quatre et cinq ans, avec trois axes principaux: la violence dans les stades, le dopage et le harcèlement sexuel.
Engagement ferme
Pour ce dernier sujet, l’action ne peut pas se limiter à une campagne d’affichage. Dès l’automne, un travail direct sera entrepris auprès de tous les groupes concernés, soit les jeunes, leurs parents, les entraîneurs, les responsables d’associations, les fonctionnaires et le personnel des installations sportives.
Les clubs et les sociétés sportives devront s’engager fermement à lutter contre les violences sexuelles.
Cet engagement comprend notamment le respect mutuel que se doivent les entraîneurs et leurs poulains. Et il insiste sur l’obligation de garantir totalement l’intégrité physique et psychique de chacune et de chacun.
Le tout est basé sur la «Charte d’éthique dans le sport» de Swiss Olympic et particulièrement sur son sixième principe: «s’opposer à la violence, à l’exploitation et au harcèlement sexuel».
Une marque de qualité
Les travaux préparatoires de cette campagne ont commencé l’été dernier. On y a associé des représentants des autorités et du monde du sport, mais également des professionnels de la prévention, comme les gens de mira, représentés en l’occurrence par leur directeur Urs Hofmann.
Ce dernier salue le fait que l’OFSPO «ait décidé de retrousser ses manches». Pour Urs Hofmann, il est en outre indispensable de penser la prévention à long terme.
«Si une société sportive attire l’attention des jeunes et des parents sur le fait que des abus peuvent aussi se produire dans son domaine, cela devrait être pris comme une marque de qualité», estime le directeur de mira.
A l’opposé, Urs Hofmann estime qu’il faut plutôt se méfier de ceux qui diraient «non, des choses pareilles n’arrivent pas chez nous».
Fairplay.ch
La campagne devrait coûter quelque 350’000 francs. «Pour l’instant, nous sommes parvenus à assurer un bon tiers du budget», affirme à swissinfo Judith Conrad, responsable des domaines développement et formation chez Swiss Olympic.
Mercredi, l’OFSPO et Swiss Olympic ont donc présenté fairplay.ch, leur nouvelle plateforme Internet d’information.
Les enfants et les jeunes qui auraient été harcelés ou qui se sentent mal à l’aise dans leurs contacts avec leur entraîneur ou avec les responsables de leur société y trouveront des informations et des contacts utiles en cas d’urgence.
«Ce site est aussi une sorte de carte du pays, où chacun trouvera les liens vers des associations de professionnels de l’aide aux victimes auxquels on peut s’adresser en tous temps», précise Judith Conrad.
Et dès l’automne, la campagne deviendra nettement plus visible, avec des annonces dans la presse, à la radio et à la télévision. Une série de concerts est également prévue, donnés par des groupes suisses afin d’attaquer de front ce thème encore tabou.
La pire des choses
Présente au lancement de la campagne, Sonja Nef souhaite vivement que le tabou soit brisé, «non seulement dans le monde du sport, mais également dans la société en général».
«Les abus sexuels sont la pire des choses qui puissent arriver à un enfant, rappelle la championne de ski. Et les jeunes doivent absolument en savoir le plus possible sur le sujet pour pouvoir gérer des situations limites».
«Nous devons expliquer rapidement aux jeunes athlètes où ils doivent mettre les barrières», ajoute Marco Blatter.
Pour le patron de Swiss Olympic, s’il est impossible de changer l’attitude d’un coach qui aurait tendance à dépasser certaines limites, il est par contre impératif de rendre l’entourage plus attentif et vigilant par rapport à ce qui se passe.
«Nous devons également aiguiser la conscience des enfants, ajoute Marco Blatter. Lorsqu’une limite a été franchie, ces derniers n’osent souvent pas parler à cause du sentiment de culpabilité».
Urs Hofmann confirme que la plupart des cas signalés relèvent plus du comportement limite que de la pure agression sexuelle. Selon son expérience, seul un indélicat sur six environ peut être taxé de vrai pédophile.
«C’est pourquoi une campagne qui dirait «les harceleurs sont tous des cochons» serait totalement contre-productive», estime le directeur de mira.
Pour lui, il est plus utile de faire comprendre aux jeunes que, par exemple, celui qui, après la piscine, n’a pas envie de se déshabiller devant tout le monde a parfaitement le droit de s’isoler.
swissinfo, Renat Künzi et Vanessa Mock
(traduction et adaptation: Marc-André Miserez)
Près de 5000 jeunes sportifs sont victimes de comportements inapropriés.
Plusieurs cas d’abus sexuels dans le sport ont été rendus publics et certains ont abouti à des peines de prison.
– L’OFSPO et Swiss Olympic ont lancé une campagne contre les débordements à caractère sexuel dans le sport.
– La prévention et l’information sont les axes principaux de cette action qui va durer plusieurs années.
– Cette campagne a pour objectif de mieux protéger les enfants et les jeunes adolescents des éventuels abus ou manquements au respect de leur sphère intime.
– En plus des enfants et des adolescents, cette campagne s’adresse aux parents, entraîneurs, accompagnateurs et responsables de clubs ou de fédérations.
– Elle vise en outre à une meilleure sensibilisation du public et à la création d’un dialogue plus ouvert.
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