Naturalisation: comment sortir de l’impasse d’Emmen
Après le vote d’Emmen sur la naturalisation d’étrangers et les réactions qu’il a suscitées en Suisse, notamment au sein du Conseil fédéral, l’impasse est totale. Et la voie pour en sortir est étroite.
Après le vote d’Emmen sur la naturalisation d’étrangers et les réactions qu’il a suscitées en Suisse, notamment au sein du Conseil fédéral, l’impasse est totale. Et la voie pour en sortir est étroite.
Répondant à la gauche du Parlement lundi, la conseillère fédérale Ruth Metzler a parfaitement résumé la situation: le vote d’Emmen est inquiétant, mais on se trouve face à une contradiction entre le respect des principes démocratiques et celui des droits fondamentaux des individus.
Certes un groupe de travail, créé par le Conseil fédéral, prépare, pour la fin de l’année, des scénarios d’harmonisation des mécanismes de recours au niveau national pour les refuser. (On notera que certains cantons et communes se sont dotés de telles instances.) De même, il planche sur un projet de simplification de la naturalisation, notamment des jeunes nés et scolarisés en Suisse. Mais on connaît les lenteurs de la «commissionnite» fédérale.
Certes, Rosemarie Simmen, la nouvelle présidente de la commission des étrangers, préconise une naturalisation systématique des jeunes étrangers. Mais n’oublions pas qu’un projet analogue a échoué, bien que de justesse, face au verdict populaire en 1994.
Jusqu’ici, seule la gauche s’est engagée en faveur d’une amélioration. Le parti socialiste a présenté trois motions la semaine dernière, demandant que la Suisse aligne sa pratique en matière de naturalisation sur la Convention européenne sur la nationalité, entrée en vigueur le 1er mars.
Or, la Suisse ne peut pas, précisément, appliquer ladite Convention européenne sur la nationalité, parce que la naturalisation demeure une prérogative du pouvoir politique. La solution, alors, se trouve-t-elle dans la politique? On peut douter que le PS réussisse, à lui tout seul, à renverser la vapeur. Les partis du centre restent plutôt discrets alors que l’extrême droite n’a pas renoncé à jeter de l’huile sur le feu anti-étrangers. Les événements de ces derniers temps le prouvent.
Tout le blocage est là: le problème est politique, mais on ne peut le résoudre sur le plan politique. Car, on y revient toujours, pour changer la loi, il faut faire voter le peuple. Sans compter le risque de référendum.
Il y a donc contradiction entre le respect des principes démocratiques et celui des droits fondamentaux des individus. Le professeur Andreas Auer, directeur du Centre d’étude sur la démocratie directe à l’Université de Genève, avance une solution intéressante: sortir du domaine politique pour trouver un moyen juridique.
«Cette affaire soulève le problème de la constitutionnalité de la réglementation en vigueur à Emmen et dans d’autres communes alémaniques, estime Andreas Auer. Nous touchons ici aux limites fonctionnelles de la démocratie directe: ces réglementations ne sont pas conformes aux droits fondamentaux, d’une part, et à la démocratie directe, de l’autre. Donc il n’y a pas besoin de changer la Constitution. Les personnes refusées d’Emmen pourraient soutenir que la décision était arbitraire, et ainsi remettre en cause la réglementation elle-même devant le Tribunal fédéral. Ce serait la solution la plus élégante du point de vue politique car cela éviterait de reposer la question en votation populaire».
Un solution juridique pour contourner l’écueil politique? La chose n’est pas évidente, mais défendable.
Isabelle Eichenberger
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