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Nouvelle plainte contre des banques suisses

Les rues de Johannesburg au temps de l'apartheid. Keystone Archive

L'avocat américain Michael Hausfeld a déposé, mardi à New York, une plainte collective contre des sociétés qui ont collaboré avec l'ancien régime sud-africain d'apartheid.

Visés, l’UBS et le Credit Suisse Group rejettent ces accusations.

Le contenu de cette nouvelle action en justice a été dévoilé simultanément mardi matin sur Internet et lors d’une conférence de presse très médiatique donnée à Johannesburg.

Pour l’occasion, les avocats de «Jubilee 2000», ceux de l’organisation d’entraide «Khulumani» et quelque 200 victimes du régime de l’apartheid, étaient réunis dans l’Eglise méthodiste de la capitale économique d’Afrique du Sud.

Ils ont assisté à la présentation officielle de la nouvelle plainte déposée en leur nom devant un tribunal de New York par l’avocat sud-africain Charles Abrahams et son confrère américain Michael Hausfeld.

La Suisse n’est pas le pays le plus visé

Aucun Suisse n’était présent à Johannesburg, précise à swissinfo l’un des coordinateurs pour la Suisse de «Jubilee 2000» qui est aussi secrétaire du département justice et paix de la Conférence épiscopale d’Afrique du Sud.

Et Neville Gabriel de souligner que «la Suisse n’est pas le pays qui compte le plus d’entreprises concernées par cette nouvelle plainte».

Au total, 21 multinationales (américaines, anglaises, allemandes et françaises) sont accusées d’avoir jadis soutenu le régime de l’apartheid. Parmi elles, deux seulement sont helvétiques, l’UBS et le Credit Suisse Group (CSG).

A noter que l’ancienne société suisse Oerlikon-Contraves figure indirectement sur cette liste. En effet, ce constructeur de systèmes de défense anti-aérienne appartient depuis 1999 au groupe allemand Rheinmetall, qui est mentionné dans la plainte.

L’UBS et le CSG rejettent les accusations

Les deux banques suisses ont aussitôt réagi. En déclarant qu’elles rejetaient cette nouvelle action en justice qu’elles qualifient de «totalement injustifiée et sans fondement».

«Il n’y a aucun lien entre nos activités et la souffrance endurée par les citoyens d’Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid», précise Andreas Hildenbrand, porte-parole du CSG.

Et sa collègue de l’UBS, Monika Dunant, d’ajouter: «Dans ses relations commerciales avec l’Afrique du Sud, l’UBS a toujours agi en respectant la politique officielle de la Suisse».

Une plainte orchestrée par «Jubilee 2000»

La plainte a été officiellement déposée au nom de 85 victimes du régime de l’apartheid – qui symbolisent différentes formes de violations des droits de l’homme. Mais aussi au nom du groupe d’entraide «Khulamani» et de celui de l’association «Jubilee 2000».

D’autres victimes devraient se joindre par la suite, précise l’avocat Charles Abrahams. Qui espère que cette affaire créera un précédent international en matière de responsabilité sociale des entreprises.

De son côté, Neville Gabriel de «Jubilee 2000» rappelle que l’action en justice a été entamée après quatre années de vaines tentatives de nouer un dialogue sérieux avec les banques suisses et allemandes, qui ont accordé des prêts au gouvernement sud-africain après 1985.

Fondée en 1998, «Jubilee 2000» regroupe 4000 organisations non gouvernementales (ONG). Elle réclame notamment l’annulation des dettes contractées par l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid ainsi que l’indemnisation des victimes de ce régime.

Elle s’est retournée, entre autres, contre les banques étrangères. Qui, par leurs prêts et leurs investissements, ont financé l’apartheid, lui permettant de survivre malgré l’embargo décrété par l’ONU.

Des sanctions internationales auxquelles la Suisse ne s’est d’ailleurs jamais associée.

Après l’Holocauste, l’apartheid

Après avoir retrouvé des victimes de l’apartheid grâce à des petites annonces publiées dans la presse sud-africaine, Ed Fagan et Michael Hausfeld se sont emparés du dossier.

Ces deux avocats américains – qui avaient défendu les victimes de l’Holocauste contre les banques suisses – ont déposé en juin 2002 des plaintes collectives dans plusieurs Etats américains.

Ces actions-là visent une trentaine de grands groupes américains et européens, dont les suisses Novartis, Sulzer, UBS, Credit Suisse Group, Roche, Nestlé et EMS.

«Jubilee 2000» se distancie d’Ed Fagan

Entre-temps, les ONG et le gouvernement sud-africain se sont distanciés des méthodes agressives de l’avocat Ed Fagan. «Cette affaire n’est pas une loterie, où l’on fait croire aux gens que l’argent va tomber du ciel», commente MP Giyose, président de «Jubilee 2000».

En effet, les ONG sud-africaines réclament, avant tout, des réparations morales et collectives. Qu’elles jugent, en l’occurrence, plus adéquates que des indemnisations individuelles.

C’est pour cette raison qu’elles ont décidé de se retirer de l’action en justice lancée en juin par Ed Fagan. En revanche, Michael Hausfeld, lui, a conservé la confiance d’un large mouvement international anti-apartheid.

Ed Fagan souhaiterait que toutes les plaintes déposées au nom des victimes de l’apartheid soient traitées par la même juridiction. Mais, après celle que vient de déposer Michael Hausfeld, les procédures devraient être séparées, au moins dans un premier temps.

swissinfo/Valérie Hirsch à Johannesburg

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