Des perspectives suisses en 10 langues

Offensive de charme de l’armée au Tessin

Treuillé par le Super Puma: un soldat du détachement de reconnaissance armée. Keystone

L'armée suisse a formé une troupe de soldats professionnels hautement spécialisés pour l'évacuation de compatriotes dans des régions en crise. Présentation "en live" à Lugano, à l'occasion des Journées de l'armée 2007.

S’il ressemblent beaucoup à leurs collègues des armées étrangères, ces commandos restent suisses et devront, dans leurs interventions « respecter les principes de neutralité », assurent leurs chefs.

C’est une mission aux objectifs clairs, mais difficile à accomplir: des citoyens suisses doivent être évacués d’une région en crise, quelque part dans le monde.

Le détachement de reconnaissance d’armée (DRA 10), composé actuellement d’une quarantaine de soldats, se met rapidement en route. Les Suisses se sont réfugiés dans une maison – probablement un consulat. Ils attendent de pouvoir rentrer au pays.

Les soldats, armés mais en civil, arrivent dans des véhicules civils. La situation semble calme. Mais c’est un calme trompeur: troubles, batailles de rue, heurts avec des groupes locaux excités, explosions et tirs viennent compliquer la situation.

Comme dans un film d’action

Les soldats et les Suisses réfugiés dans la maison seront évacués par hélicoptère, au moyen d’un «câble d’extraction». Le Super Puma disparaît bientôt derrière les nuages de fumée.

La scène pourrait être celle d’un film d’action, mais elle a lieu «en vrai», sous les yeux de plusieurs centaines de spectateurs, en majorité masculins. Ceux-ci sont équipés de casques de protection pour les oreilles.

Malgré la pluie fine et glaciale, ils ont enlevé leur chapeau ou leur bonnet. Le souffle des pales de l’hélicoptère ne leur laisserait que peu de chance de rester sur les têtes.

Coopération internationale

Sur la place d’armes d’Isone, dans les montagnes non loin de Lugano, au Tessin, le public vient d’assister à la prestation du DRA 10, des grenadiers et des troupes de parachutistes. Une performance de haute précision.

Que se passerait-il, si l’exemple n’était plus fictif, mais réel? «Nous sommes prêts à intervenir et sommes en mesure de planifier et d’accomplir des interventions», déclare à swissinfo Marc-Antoine Tschudi, colonel EMG à la tête du commandement grenadier 1.

«Nos interventions prendront place dans le cadre de la coopération internationale. Nous travaillons donc étroitement avec d’autres armées».

Cela signifie aussi que le DRA 10 utilise des standards militaires internationaux et effectue une grande partie de sa formation à l’étranger. La troupe a ainsi participé ce printemps à un exercie de l’OTAN en Norvège.

Standards de l’OTAN

En cas d’urgence, le détachement suisse pourrait également être appelé à collaborer avec les autres armées sur le plan logistique. Cela fait des années que les cadres de l’armée réclament un avion de transport pour de telles interventions. Mais le Parlement a refusé.

Marc-Antoine Tschudi peut vivre avec cette décision. «Il est toujours possible d’organiser des véhicules d’intervention sur place auprès de nos partenaires ou d’en louer. Nous trouvons toujours une solution.»

S’il existe des parallèles avec des unités spécialisées d’autres armées, le DRA 10 «est une solution suisse, respectant les principes de la neutralité. Nous ne sommes pas une copie», insiste le colonel.

Adhérer à l’OTAN n’est pas une option envisageable, a de son côté déclaré le chef de l’armée Christophe Keckeis à swissinfo. «Mais grâce au Partenariat pour la paix, auquel nous participons depuis 1996, nous pouvons profiter des standards de l’organisation.»

C’est ainsi que les hélicoptères de transport suisses ont pu être intégrés sans problème, l’été dernier, aux dispositif d’intervention pour lutter contre les incendies en Grèce.

Contesté politiquement

Les interventions de l’armée suisse à l’étranger restent un sujet politiquement contesté. Les opposants estiment que la neutralité n’est pas respectée et que la défense du pays s’en trouve affaiblie. En outre, le DRA 10 n’est pas soumis au contrôle démocratique du parlement, fustige encore la droite nationaliste.

Pour les pacifistes et la gauche, il faudrait un mandat de l’ONU. Cette troupe «prolonge la politique colonialiste menée au canon», critique par exemple le conseiller national vert zougois Joe Lang.

C’est le Conseil fédéral qui a la compétence de donner le feu vert à une intervention de la troupe d’élite. Selon la loi militaire, une majorité parlementaire n’est nécessaire que pour des troupes de plus de 2000 soldats.

Sur le plan juridique, la légitimité du DRA 10 est fondée par l’ordonnance du 3 mai 2006 sur l’engagement de la troupe pour la protection de personnes et de biens à l’étranger (OPPBE).

Pas des Rambos!

La sélection des soldats du nouveau détachement suit un processus en plusieurs étapes. Des membres de tous les corps de l’armée peuvent se porter candidats. Dix appelés seront sélectionnés par année, sur à peu près 300 candidatures.

La formation dure 18 mois et couvre «tous les domaines possible d’interventions de combat, sur terre, sur l’eau et dans les airs.»

La formation exige des compétences linguistiques et aborde aussi le respect des civils et des communautés religieuses. Les Rambos sont priés de passer leur chemin, ont conclu les responsables.

swissinfo, Andreas Keiser à Isone
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

L’armée se présente au grand public à Lugano du 20 au 25 novembre. C’est la première fois que ces «Journées de l’armée» ont lieu dans une ville.

La dernière édition avait eu lieu à Frauenfeld en 1998.

En mai 2003, les Suisses ont accepté la réforme Armée XXI.

Outre une réduction de la troupe et une collaboration accrue avec les partenaires étrangers, Armee XXI prévoit aussi un transfert sur trois piliers: l’encouragement à la paix, l’appui aux autorités civiles, de même que la sécurité et la défense du territoire.

Une autre réforme doit permettre à l’armée de fournir davantage de prestations subsidiaires, de type infanterie. Les troupes blindées seront réduites.

Composée pour l’heure de 40 soldats, la nouvelle troupe d’élite est entraînée à coopérer avec les armées partenaires de la Suisse.

Opérationnel avec un effectif partiel depuis le 1er août 2007, le détachement de reconnaissance d’armée (DRA 10) est une troupe d’intervention d’urgence.

Actuellement, 40 hommes sont prêts à intervenir. L’effectif sera complet, avec 91 soldats, en 2011.

Le détachement fait partie des formations de reconnaissance et de grenadiers, dont les parachutistes de reconnaissance et les spécialistes de transport aérien sont aussi membres.

Le DRA 10 se base sur les modèles des troupes d’élite étrangère pour le sauvetage et le rapatriement de Suisses en danger à l’étranger.

La formation a commencé en 2005.

Les coûts annuels s’élèvent à 16 millions de francs.

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