Pas de «compromis boiteux» pour le Kosovo
Conseiller des autorités serbes, le professeur suisse Thomas Fleiner critique les propositions de l'émissaire des Nations-Unies Martti Ahtisaari sur l'avenir du Kosovo.
Toute solution imposée risque de raviver les conflits ethniques, met-il en garde samedi dans les colonnes du quotidien «Le Temps».
«Je ne suis pas du tout optimiste. Pour moi, la seule solution pour le Kosovo est clairement d’aboutir à un consensus entre les parties, et non à un compromis boiteux qui résulte de la pression internationale», déclare le directeur de l’Institut du fédéralisme de Fribourg (IFF).
Pour le professeur, la réunion «de la dernière chance» convoquée par Martti Ahtisaari ce mois-ci à Vienne est «un chantage, une manière de mettre l’une des parties sous pression».
Pas de négociations directes
«Dans les conflits ethniques, le processus et le ‘chemin’ des négociations comptent davantage qu’une solution finale. Mieux vaut dix ans de négociations qu’une journée de guerre civile!», lance le professeur, qui note que «la communauté internationale sait bien prendre son mal en patience pour Chypre ou le conflit israélo-palestinien, par exemple».
Pour Thomas Fleiner, qui regrette que les Nations-Unies n’aient pas permis de véritables négociations directes entre les parties, la situation pourrait être exploitée par les ultranationalistes serbes, vainqueurs des dernières élections législatives.
Suisse pas neutre
S’agissant du rôle de la Suisse, qui s’est ouvertement prononcée pour une «indépendance formelle» du Kosovo, le professeur estime que Berne a surtout évoqué une solution consensuelle. Il invite la Confédération à poursuivre ses efforts mais relève que pour l’instant, elle n’est pas reconnue comme un pays neutre aux yeux des Serbes.
Selon le projet du négociateur finlandais, présenté vendredi à Belgrade et Pristina, le Kosovo obtiendra les symboles d’un Etat avec en particulier une Constitution, un hymne et un drapeau. Il devra en contrepartie accepter d’accorder une très large autonomie aux 100’000 Serbes restés sur place après le conflit de 1998-99.
Pour les Kosovars comme les Serbes, ces propositions ouvrent la voie à une indépendance de la province serbe, une option rejetée par Belgrade.
Le ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE) a quant à lui salué les recommandations de Martti Ahtisaari. La Suisse n’as pas participé aux négociations officielles, mais a collaboré avec l’envoyé de l’ONU en lui apportant ses compétences en matière de décentralisation et de protection des minorités, a indiqué le porte-parole du DFAE Philippe Jeanneret dans «Le Temps».
swissinfo et les agences
Avocat et professeur, Thomas Fleiner dirige depuis 1984 l’Institut du fédéralisme de l’Université de Fribourg.
Le gouvernement serbe l’avait engagé en novembre 2005 comme conseiller permanent de la partie serbe.
Thomas Fleiner a déjà travaillé à plusieurs reprises sur le dossier de l’ex-Yougoslavie. Il avait notamment collaboré avec les autorités serbes au moment de la création de la République de Serbie-et-Monténégro en 2003.
La ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey s’est exprimée publiquement en faveur d’une indépendance formelle du Kosovo en 2005 déjà, jugeant que le statut de la province – sous administration de l’ONU – n’était pas satisfaisant.
Toutefois, pour la Suisse, cette indépendance ne devrait aboutir que dans le cadre d’un dialogue entre les différents partenaires, notamment la Serbie.
La position de Micheline Calmy-Rey avait cependant provoqué des protestations à Belgrade, mais aussi en Suisse où des parlementaires lui avait reproché d’aller à l’encontre de la traditionnelle neutralité helvétique.
La Suisse est tout particulièrement concernée par l’avenir du Kosovo, puisque quelque 200’000 Kosovars vivent sur son sol.
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