Philippe Weill, Israélien, Suisse et fier de l’être
Délégué à l'assemblée des Suisses de l'étranger, ex-président du Club suisse en Israël, Philippe Weill est le prototype de l'immigrant épanoui. Celui qui a réussi son intégration dans un pays où les soubresauts politiques, mais aussi sociaux et économiques, ne font pourtant pas défaut.
Lorsqu’il est arrivé en Israël il y a douze ans, Philippe Weill avait dans ses bagages une forte tradition familiale juive mêlée d’un solide esprit civique suisse. Mais surtout, sous son air enjoué, le caractère sérieux et volontaire tel qu’il s’inculque à Zurich sur les bancs de l’école. C’est là qu’il est né en octobre 1967, l’année de la guerre des Six Jours.
Une guerre qui, dit-il, a beaucoup «frappé» ses parents. Au logis familial trônaient les photos des aïeuls en grands habits militaires suisses, mais cela n’empêchait pas le cœur de la famille de battre aussi à l’unisson pour Israël.
Après sa scolarité obligatoire, Philippe Weill fait l’apprentissage du métier de banquier. Ses premières années professionnelles en Israël, il les passera d’ailleurs dans un établissement bancaire, avant de voler de ses propres ailes pour devenir gérant de fortune. Il travaille désormais à Tel Aviv au service d’une clientèle internationale et voyage beaucoup, notamment en Suisse.
Les règles de politesse
De sa mère, il se souvient qu’elle l’a éduqué non seulement en respectant les règles de politesse, mais aussi en l’imprégnant de l’esprit civique suisse. «Ma maman était très attachée à la Suisse», complète-t-il.
«Elle avait le sentiment d’avoir été sauvée pendant la deuxième Guerre mondiale, alors elle se sentait très suisse», poursuit-il, soucieux de bien faire comprendre les liens familiaux tissés avec son pays natal. Son père avait également servi dans les rangs de l’armée suisse. «Moi, à cause de ma myopie, j’ai été dispensé du service militaire, dit-il comme à regret. L’armée était quelque chose de très important pour nous en Suisse». Et de préciser dans le même souffle: «comme en Israël».
Aussi loin qu’il se souvienne, le fait d’être Juif et Suisse ne lui a jamais posé de problème. Adolescent, il était tombé amoureux d’une jeune fille non-juive et il a bien géré cette situation. Aujourd’hui, lorsqu’il est invité aux réceptions qu’organise sa banque le vendredi soir, veille de shabbat, il prend soin de revenir chez lui à pied pour ne pas violer le repos sabbatique. Une randonnée «de deux heures et demie» pour regagner le foyer familial.
Ne jamais abandonner son identité
«Autrefois j’étais religieux – je ne le suis plus – mais j’ai quand même participé à la fête de Noël», souligne-t-il, les yeux pétillants derrière les verres de ses lunettes. «Parce que c’était important de participer, tout en restant en phase avec mon mode de vie», précise-t-il, soucieux de démontrer sans doute qu’on peut vivre pleinement sa judéité en Suisse.
«Il faut s’intégrer, mais ne jamais abandonner son identité». Un principe qu’il applique en Israël, où pour rien au monde il n’oublierait son pays de naissance.
Mais pourquoi avoir choisi de vivre en Israël? «J’avais acquis des années d’expérience dans les milieux bancaires, j’étais connu dans les milieux communautaires juifs, mais j’avais le sentiment d’avoir un problème de carrière. Je ne voulais pas me retrouver à soixante ans dans une banque, je voulais mettre un peu d’aventure dans ma vie.»
«En 1995 j’ai dû quitter un emploi et j’en ai profité pour passer plusieurs mois en Israël. J’ai aimé ce que j’ai vu ici, note Philippe Weill. C’était jeune, dynamique. N’oubliez pas que c’était avant l’assassinat d’Yitzhak Rabin, tout le monde parlait de la paix à portée de main.»
«Alors je me suis dit que c’était le moment d’opérer un changement dans ma vie. J’ai immigré en 1996, après le meurtre de Rabin, mais à une semaine des législatives. J’étais sûr que Shimon Peres serait élu sur un programme de paix, pourtant c’est Benjamin Netanyahu qui est devenu Premier ministre.»
Mentalité israélienne
Tout en parlant de l’admiration qu’il éprouve pour son pays d’adoption, Philippe Weill ne cache pas non plus que certains aspects de la mentalité israélienne le dérangent.
«En Israël, la nation prime sur la religion, explique-t-il. A la maison je mange casher, mais en dehors de la maison non casher. Goethe a écrit qu’il fallait donner aux enfants des racines et des ailes, c’est exactement ce que j’ai trouvé ici: mes racines et mes ailes», dit-il en écartant du revers de la main le soupçon de dichotomie.
Dans quelle mesure a-t-il conservé des attaches en Suisse? «La Suisse c’est comme une carte postale, mais les Suisses sont trop pris dans le carcan de leur quotidien, ils ne savent plus improviser, ils leur manquent la joie de vivre. Ici c’est souvent le contraire, j’en arrive à souhaiter un peu plus d’organisation – comme en Suisse.»
Défendre les valeurs suisses
«Cependant il ne faut pas s’y tromper, ici je défends les valeurs suisses… Les Israéliens ne comprennent pas pourquoi je me suis installé parmi eux. Ils me disent qu’en Suisse nous avons « la crème et le lait », la paix, la tranquillité… Récemment j’écoutais les nouvelles à la radio, qui commençaient par les craintes syriennes d’une attaque d’Israël et se terminaient sur une histoire de cheval malade. Alors j’ai fait remarquer à ma femme que lentement, mais sûrement, les médias se mettaient à l’heure suisse».
Et Philippe Weill de préciser qu’«à Zurich les nouvelles commencent parfois sur une histoire de chat mal traité…Les Israéliens n’avoueront jamais qu’ils peuvent apprendre quelque chose de vous parce que d’emblée ils savent tout. En fait ils voyagent de plus en plus à travers le monde et apprennent qu’ils le veuillent ou non».
swissinfo, Simon Léger à Jérusalem
1967 : naissance à Zurich.
Après sa scolarité obligatoire, il fait l’apprentissage du métier de banquier.
1996: Philippe Weill immigre en Israël.
Il travaille aujourd’hui à Tel Aviv comme banquier au service d’une clientèle internationale.
Il est marié à une Israélienne d’origine yéménite, dont il a trois enfants.
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