Procès Swissair: la loi du silence est brisée
Contrairement aux cinq autres anciens membres du conseil d'administration de Swissair qui ont déjà comparu devant la justice, Thomas Schmidheiny a décidé jeudi de parler.
L’industriel a défendu la stratégie de l’ancienne compagnie aérienne nationale, soulignant que la fin des subventions à la compagnie belge Sabena aurait compromis les relations entre la Suisse et l’UE.
Au 3e jour du procès Swissair au Tribunal administratif de Bülach (Zurich), Thomas Schmidheiny a rompu la loi du silence. L’homme a défendu le travail du conseil d’administration de SairGroup.
Actionnaire principal du cimentier Holcim, Thomas Schmidheiny (61 ans) a été membre du conseil d’administration de SAirGroup de 1980 à 2001. Il est accusé de gestion déloyale et de diminution de l’actif au préjudice des créanciers.
Thomas Schmidheiny a défendu son travail pour la compagnie aérienne sous l’œil attentif de son avocat et devant quelque 300 spectateurs. Pour la première fois, le président du Tribunal Andreas Fischer n’a donc pas posé ses questions sur la faillite de SAirGroup dans le vide.
Risques pris en compte
Le conseil d’administration a toujours discuté des risques et vérifié le bien-fondé de la stratégie dite du «chasseur», menée à la fin des années 1990, a-t-il dit. Cette stratégie, qui a conduit à la ruine du groupe aérien, consistait à acheter des participations minoritaires dans des compagnies aériennes.
Toutes les propositions de rachat de Philippe Bruggisser (l’ancien patron du SAirGroup) n’ont d’ailleurs pas été acceptées par le conseil d’administration, par exemple Alitalia, Turkish Airlines ou China Eastern, a affirmé Thomas Schmidheiny.
Parallèlement, SAirGroup disposait de sécurités: si nécessaire, il pouvait céder ses sociétés rentables Nuance et Gate Gourmet. Leur vente, qui était en négociation à mi-2000, aurait permis de mobiliser 3 milliards de francs. «En 2000, ni SairLines ni SairGroup n’étaient surendettés, a justifié l’industriel. Je conteste les expertises fournies par l’accusation.»
Cette double voie, stratégie du chasseur et garantie grâce à des sociétés rentables, a fonctionné, selon lui. Les paiements de la maison-mère SAirGroup pour assainir sa filiale SAirLines n’ont lésé aucune des entreprises. Pour l’accusation, ces versements ont provoqué une perte de 1,177 milliard de francs.
Menaces de la Belgique
Interrogé sur la recapitalisation de la filiale Sabena, alors que la compagnie belge était au bord du gouffre, Thomas Schmidheiny a affirmé que la Belgique avait menacé le groupe à l’époque. Si celui-ci n’injectait pas les fonds nécessaires, la signature des accords bilatéraux avec l’UE aurait échoué.
A fin 2000, le conseil d’administration avait notamment un plan pour restructurer Sabena. Basé sur la suppression de 700 à 800 emplois, il aurait permis à la compagnie de survivre, selon l’industriel.
Avant de prendre congé du tribunal, Thomas Schmidheiny a regretté dans une déclaration personnelle le grounding et ses conséquences pour les collaborateurs: «Nous avons agi en notre âme et conscience, avec les connaissances que nous avions à l’époque. Je suis en revanche désolé pour tous les employés qui ont subi les conséquences de la fin de Swissair.»
Silence de Vreni Spoerry
Le matin, l’ancienne sénatrice zurichoise Vreni Spoerry, 68 ans, membre du conseil d’administration de SAirGroup de 1988 à 2001, a préféré se taire. Elle a seulement indiqué être non coupable après avoir effectué une déclaration. Les quatre administrateurs à l’avoir précédée au tribunal ont appliqué la même tactique.
Le procès contre 19 anciens responsables de SAirGroup se poursuit. Vendredi, Gaudenz Stähelin, administrateur de 1984 à 2001, sera entendu. Il était notamment président de la Chambre de commerce des deux Bâle et membre du conseil d’administration du Credit Suisse.
swissinfo et les agences
Swissair était la compagnie aérienne nationale. Longtemps qualifiée de «coffre-fort volant», elle a pourtant été clouée au sol en octobre 2001 (grounding) à cause d’un manque de liquidités.
Mise en faillite, Swissair a été remplacée, grâce à l’aide de la Confédération, par une nouvelle compagnie baptisée Swiss, une compagnie désormais reprise par Lufthansa.
Le procès pénal de Bülach, qui a débuté le 16 janvier et se poursuivra jusqu’au 9 mars, vise à faire la lumière sur cette débâcle et à déterminer les responsabilités.
L’acte d’accusation compte 100 pages et 19 prévenus se retrouvent aujourd’hui sur le banc des accusés.
Le Ministère public prépare encore une 2e procédure, civile celle-là, qui traitera des comptes de la compagnie aérienne en faillite.
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