Silvan, l’éclosion tardive de l’autre Zurbriggen
A bientôt 30 ans, Silvan Zurbriggen est l’une des révélations suisses de l’hiver. Lointain cousin du légendaire Pirmin, le Haut-Valaisan a surmonté de graves blessures pour s’imposer comme l’un des skieurs les plus polyvalents de sa génération. Portrait.
Ce ne seront certainement pas les Mondiaux de Silvan Zurbriggen. Douzième de la descente, 13e du super-G, puis éliminé lors du super-combiné à Garmisch-Partenkirchen, le Haut-Valaisan n’a plus que le slalom de dimanche pour espérer entrer au pays avec une médaille autour du cou.
Cet hiver, pourtant, le jeune trentenaire est l’un des acteurs majeurs des pistes de Coupe du monde. Il semble enfin récolter les fruits de son labeur après des années de disette passées dans l’ombre des Cuche, Défago et autre Janka.
Comme Daniel Albrecht et Marc Berthod, Silvan Zurbriggen a quitté à 15 ans le cocon familial pour rejoindre le lycée sport-études de Stams, véritable usine à champions du ski autrichien. La Suisse manquait alors de structures adaptées à la relève. Après avoir terminé une maturité économique à Engelberg, il s’est lancé corps et âme dans le ski de compétition.
En 2003, aux Mondiaux de Saint-Moritz, il crée la sensation en s’emparant de l’argent du slalom. La comparaison ne tarde pas. Comment ne pas voir dans ce talent le successeur du grand Pirmin Zurbriggen, un cousin éloigné. «On ne peut pas me comparer à Pirmin. Ce qu’il a réalisé, personne ne pourra le refaire. C’est mon idole», se défend alors le jeune Silvan.
Tracer sa propre voie
Sa médaille d’argent en poche, le jeune homme aura pourtant de la peine à concrétiser les attentes. Seul représentant d’une équipe de slalom en reconstruction, il paye au prix fort son isolement au sein de l’équipe. Sepp Brunner, l’entraîneur des techniciens, avec qui le courant ne passe pas, veut se consacrer entièrement à Daniel Albrecht et Marc Berthod, spécialistes du géant.
Intégré dans l’équipe des descendeurs, aux côtés de Cuche et Défago, Zurbriggen a toujours dû tracer sa propre voie, tiraillé entre les piquets serrés et les pentes abruptes. En 2007, il chute violemment lors de la descente de Val Gardena. A l’hôpital, les médecins lui annoncent cette terrible nouvelle: «Le ski de compétition, c’est terminé».
Une année plus tard, il est de retour, mais le traumatisme est profond. Lorsqu’il revient pour la première fois sur les lieux du drame, son corps s’emballe. «Je me suis levé au milieu de la nuit, trempé de sueur. Pour surpasser le choc, j’ai dû me repasser la chute durant une heure sur mon ordinateur portable», confie-t-il dans une interview à la télévision suisse.
Cette chute lui rappelle un autre souvenir douloureux. Sept ans plus tôt, l’opération d’un kyste sur la colonne vertébrale le tiendra éloigné durant un an des pistes. Là aussi, les médecins, qui lui diagnostiquent initialement une hernie discale, annoncent une fin de carrière prématurée.
La confiance de Pini
Outre ses pépins de santé, il connaît également des soucis avec son matériel. En 2006, il perd confiance dans son serviceman et laisse le soin à son coach mental de préparer ses skis. Les relations avec ses entraîneurs sont parfois chaotiques. C’est Mauro Pini qui, lors de son arrivée à la tête de l’équipe masculine en 2009, le rassure et le convainc de revenir aux bases, le virage de slalom et de géant.
«Mauro Pini est l’un des rares entraîneurs qui lui a fait entièrement confiance. Il l’a mis au même niveau que Didier Cuche», affirme Roman Lareida, journaliste sportif au quotidien Walliser Bote. «Silvan est une personne qui a un fort besoin de dialogue, d’interaction humaine. J’ai travaillé différemment avec lui qu’avec les routiniers de l’équipe», dit Mauro Pini.
Silvan Zurbriggen est aussi décrit comme un perfectionniste jusqu’au-boutiste. «Il est très exigeant dans le choix des skis et il sait donner les feedbacks nécessaires aux préparateurs», souligne Angelo Maina, chef de course de la marque qui équipe le Valaisan. «Il n’a pas reçu un don du ciel comme d’autres skieurs. Tout ce qu’il a accompli, c’est grâce à sa volonté», complète Roman Lareida.
Un personnage complexe
Avec ses 1,85 m pour 99 kg et sa bouille d’adolescent, le Haut-Valaisan ressemble plus à un sympathique montagnard qu’à un tueur des pistes. Deux affaires de mœurs noircissent cependant les portraits qui lui sont consacrés par la presse internationale.
Réputé solitaire, le Haut-Valaisan ne compte que peu d’amis dans le milieu. Lorsqu’il doit décompresser, comme après un mois de janvier des plus chargés, il aime se retrouver seul avec les vaches d’Hérens qu’élève la famille de sa compagne. A l’automne, il s’adonne à l’autre de ses passions: la chasse.
A bientôt 30 ans, Silvan Zurbriggen a atteint l’âge mûr du skieur d’élite. Depuis deux ans, ses progrès en descente ont été fulgurants, comme en atteste sa victoire à Val Gardena, suivie d’une deuxième place à Bormio en décembre.
«Le potentiel était toujours là, il a simplement été bloqué par sa chute de 2007», estime Angelo Maina. Aujourd’hui, si certains lui enjoignent de faire un choix entre le slalom et la vitesse, Angelo Maina prône la polyvalence: «Dans le ski moderne, il est important de maîtriser plusieurs disciplines. Il doit juste se montrer un peu plus régulier».
Ivica Kostelic, slalomeur devenu bon descendeur et actuellement en tête de la Coupe du monde, en est la preuve. «Sur quelle discipline faudrait-il que je me concentre? Je dois m’améliorer en géant, car c’est la base. Mais j’ai beaucoup de plaisir dans les disciplines de vitesse», soutient le Haut-Valaisan.
Une polyvalence qui pourra peut-être lui permettre à l’avenir de lorgner vers le globe couronnant le meilleur skieur de la saison, celui que son idole Pirmin a décroché quatre fois dans les années 1980. Angelo Maina est en tout cas certain de posséder dans son écurie «un vainqueur potentiel du général de la Coupe du monde».
Bio. Né le 15 août 1981 à Brigue, dans le Valais germanophone, Silvan Zurbriggen est un skieur polyvalent. Il est un cousin éloigné de Pirmin et Heidi Zurbriggen, multiples champions du monde et olympiques.
Coupe du monde. Durant sa carrière, il est déjà monté à douze reprises sur un podium de Coupe du monde. Il a obtenu sa première victoire en janvier 2009 lors du super-combiné de Kitzbühel. Il a également décroché une victoire lors de la descente de Val Gardena en novembre 2010. Au classement du général de la Coupe du monde, il est en embuscade derrière le Croate Ivica Kostelic.
Mondiaux et JO. En 2003, il a obtenu l’argent du slalom aux Championnats du monde disputés à Saint-Moritz, dans les Grisons. En 2009, à Val-d’Isère, il rate la médaille de bronze du super-combiné pour un centième. En 2010, à Vancouver, il s’adjuge le bronze du super-combiné.
Les Championnats du monde de ski alpin ont lieu du 7 au 20 février dans la station allemande de Garmisch-Partenkirchen. Située en Bavière, à quelques kilomètres de la frontière autrichienne, Garmisch-Partenkirchen est une station de sports d’hiver qui a notamment accueilli les Jeux olympiques d’hiver en 1936. C’est la deuxième fois que cette ville de 25’000 habitants organise des Championnats du monde, après 1978. La ville est partie prenante de la candidature de Munich pour les Jeux olympiques de 2018.
La descente de la Kandahar de Garmisch-Partenkirchen, étape incontournable de la Coupe du monde de ski alpin, est réputée comme l’une des plus exigeantes de la planète. Le nom fait référence à un général britannique qui occupa la ville de Kandahar en Afghanistan et qui est à l’origine de l’Arlberg-Kandahar (AK), une épreuve mythique de l’histoire du ski alpin qui fut organisée pour la première fois dans la station allemande en 1954.
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