Tirs croisés autour de la lutte antitabac
Les Genevois se déchirent à propos de la légalité d'une initiative visant à interdire la fumée dans les lieux publics. C'est le Tribunal fédéral qui va devoir trancher.
Au niveau national, la commission de la santé publique de la Chambre du Peuple propose d’interdire la fumée sur tout lieu de travail, cinémas et centres commerciaux compris.
L’avocat Charles Poncet a fait recours à la demande de plusieurs citoyens, parmi lesquels deux députés du Grand Conseil genevois (parlement cantonal).
Le tabac est assurément un fléau social, mais la mesure envisagée est complètement disproportionnée, a déclaré samedi Charles Poncet, confirmant une information parue dans la «Tribune de Genève». Il s’agit d’une fausse bonne idée, symptomatique des dérapages dont est capable la société, a relevé l’homme de loi.
On ne peut imposer une restriction aux libertés plus grande que le but recherché, a rappelé M. Poncet. Le vice-président du comité d’initiative, Roland Burkhard, a qualifié pour sa part le recours déposé par l’avocat genevois de manoeuvre dilatoire. La votation populaire va être retardée «de plusieurs mois».
Deux visions de la liberté
Les milieux pro-tabac défendent la liberté des fumeurs, «nous, nous défendons la liberté de respirer un air normal», a poursuivi M. Burkhard. Pour ce dernier, autoriser des fumoirs dans les lieux publics équivaudrait à y faire rentrer la cigarette par la petite porte.
L’initiative demandant l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics du canton a recueilli plus de 20’000 signatures. Le Grand Conseil a approuvé sa recevabilité. S’il était soumis aux Genevois aujourd’hui, ce texte récolterait entre 75 et 80% de suffrages favorables, assure M. Burkhard.
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Consultation
Avis de droit suspect
L’initiative avait déjà été à l’origine d’une polémique à la fin 2005. Le professeur de l’Université de Genève Andreas Auer avait émis un avis de droit qui estimait le texte anticonstitutionnel.
Dans ce rapport, le professeur Auer s’appuyait sur l’unique étude remettant en question la nocivité de la fumée passive. C’est ce qu’a rappelé samedi Jean-Charles Rielle, le directeur de l’association anti-tabac CIPRET. Et de relever que cet avis de droit avait été commandé par le fabricant de cigarettes Japan Tobacco.
Or, a-t-il conclu, en l’état actuel des connaissances médicales, le doute n’est aujourd’hui plus permis sur la nocivité du tabac.
Projet au niveau national
D’autre part, au niveau national, une législation visant à protéger les travailleurs du tabagisme passif pourrait voir le jour. Vendredi, la commission compétente du Conseil National (Chambre basse) a mis le projet de loi en consultation jusqu’à mi-décembre.
Selon les services du Parlement, cette interdiction s’appliquerait à tous les lieux de travail, y compris les centres commerciaux, les cinémas, les restaurants et les bars.
Toutes les personnes se trouvant sur des lieux de travail seraient protégées par la même occasion. Seules les entreprises sans employés seraient exclues de la réglementation. Par contre le projet estime possible l’aménagement de fumoirs dans des pièces séparées et ventilées.
Verdict en automne 2007
De son côté, le gouvernement suisse s’était déclaré favorable à une protection accrue contre le tabagisme passif en mars dernier. Mais il attend de connaître la position de la sous-commission avant de prendre des mesures concrètes.
A l’issue de la procédure de consultation, le projet, qui concrétise une initiative parlementaire du radical zurichois Felix Gutzwiller, devrait être débattu au Parlement en automne 2007.
swissinfo et les agences
– La protection des non-fumeurs au travail a été introduite dans la loi en 1992.
– La Santé publique relève des 26 cantons. Plusieurs d’entre eux ont limité la fumée dans les lieux publics et les espaces publicitaires pour le tabac.
– Le Tessin est le 1er canton à interdire la fumée dans les lieux publics dès 2007, par décision des citoyens en mars dernier.
– A Genève, les électeurs doivent se prononcer sur une initiative demandant l’interdiction de fumer dans les lieux publics.
– Depuis décembre 2005, la fumée est bannie des wagons CFF.
– Le parlement votera en 2007 sur une initiative sur la protection des travailleurs contre la fumée passive.
Selon l’ISPA, 64% des Suisses sont favorable à une interdiction de fumer dans les lieux publics.
67% demandent la limitation de la publicité sur le tabac.
Un tiers des Suisses fument, soit 36% des hommes et 26% des femmes.
Le tabagisme coûte environ 500 millions de francs et provoque la mort de quelque 400 personnes par an.
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