Un accord avec Europol renforce la police suisse
La Suisse a complété son arsenal de lutte contre la criminalité en signant un accord de coopération avec le service de renseignement européen Europol. Ce traité devra être ratifié par les Chambres fédérales courant 2005.
Dans une interview à swissinfo, Marco Gamma, conseiller d’Europol auprès de la police fédérale, est convaincu que cet accord profite aux deux parties.
Désormais, Berne sera en mesure d’accéder aux fichiers d’Europol en matière de crime organisé, de trafic de drogue et de terrorisme.
En tant que non-membre de l’Union européenne (UE), la Suisse ne bénéficie pas pour autant d’un accès direct, mais elle devra demander des informations au cas par cas.
Malgré tout, Marco Gamma maintient que cet accord est un progrès important dans la lutte de la Suisse contre la criminalité internationale.
swissinfo: La Suisse n’est pas épargnée par le terrorisme, le trafic de drogue, la contrebande de cigarettes ou le blanchiment d’argent. En quoi cet accord l’aidera-t-elle dans son travail?
Marco Gamma: Premièrement, les enquêtes sur le crime organisé et le terrorisme sont très complexes. Elles exigent beaucoup de temps et des effectifs importants. Il faut des instruments d’investigation spéciaux et, bien sûr, des informations fiables ainsi qu’un bon travail d’analyse.
Grâce à cet accord de coopération, nous serons en mesure de partager les informations, les analyses, les expertises et les méthodes de formation, c’est donc un progrès considérable.
swissinfo: C’est un apport important à la lutte contre la criminalité en Suisse?
M. G.: Certainement. C’est la première fois que nous avons la possibilité de coopérer avec l’UE en matière de crime organisé et de terrorisme, qui touchent la Suisse comme les autres pays d’Europe.
swissinfo: La Suisse a-t-elle été gênée dans sa lutte contre la criminalité, particulièrement contre le terrorisme, par le fait d’être en-dehors d’Europol?
M. G.: Non. Le mot «gênée» ne me semble pas le bon. Nous avons toujours eu nos piliers traditionnels – le réseau global tissé avec Interpol et le réseau bilatéral construit avec d’autres pays – qui nous ont permis d’échanger des informations.
Mais, bien sûr, nous n’étions pas en mesure de bénéficier du travail d’analyse effectué par Europol dans le domaine du contre-terrorisme et cet accord de coopération va combler cette lacune.
swissinfo: La Suisse aura donc accès aux fichiers d’Europol, mais l’accord n’inclut pas l’accès au Système d’information de Schengen+ sur le crime transfrontalier. Cela ne pose-t-il pas un problème?
M. G.: Europol et Schengen sont deux outils différents, bien que complémentaires, en matière de lutte contre le crime international.
Europol fournit essentiellement des analyses criminelles et un échange d’informations, alors que Schengen produit des mandats concernant des personnes et des objets recherchés ou disparus. La Suisse s’efforce d’obtenir à la fois à une coopération avec Europol et une association à Schengen.
swissinfo: Un policier sera envoyé à La Haye. Quel sera son rôle?
M. G.: Nous prévoyons d’y envoyer au moins un officier de liaison. Sa tâche sera d’ouvrir les portes à la Suisse. Cela signifie qu’il devra favoriser et coordonner la coopération entre la Suisse et les autres pays de l’UE.
swissinfo: La Suisse accède à Europol en même temps que de nouveaux pays membres rejoignent l’UE et donc élargissent le champ d’action de son service de renseignement. Est-ce le moment opportun de signer cet accord?
M. G.: Certainement. Etre en contact via Europol avec 15 Etats comme avec 25 est un grand pas en avant, particulièrement si l’on considère que ces nouveaux pays membres sont située en Europe centrale et orientale, régions qui recèlent de nombreux crimes.
swissinfo: Europol est opérationnelle depuis six ans. Comment jugez-vous son efficacité?
M. G.: C’est une organisation récente mais son efficacité ne fait que croître. Le nombre de cas traités l’année dernière est beaucoup plus élevé que l’année précédente. Pour qu’Europol soit efficace, je pense qu’elle doit disposer des informations nécessaires pour effectuer son travail d’analyse. Cet échange d’informations s’améliore de jour en jour et d’année en année.
swissinfo: Nous avons parlé de ce qu’Europol peut apporter à la Suisse, mais que peut apporter la Suisse à celle-ci en contrepartie?
M. G.: D’abord, Europol a besoin d’informations et cela, nous sommes en mesure de le faire. Et donc de combler d’importantes lacunes.
Ensuite, la Suisse bénéficie d’une vaste expérience, par exemple en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. C’est ce savoir que nous pouvons apporter à Europol.
Interview swissinfo: Adam Beaumont
(traduction: Isabelle Eichenberger)
Europol a traité 4700 cas en 2003.
C’est presque 40% de plus que l’année précédente.
Sept des 10 nouveaux pays membres de l’UE sont devenus membres à part entière d’Europol cette année.
Malte, la Pologne et l’Estonie devraient la rejoindre cette année encore.
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