Un espion suisse au service de l’ONU
Jacques Baud, ancien des services de renseignement suisses, va rejoindre Khartoum, la capitale du Soudan, en mission pour l’ONU.
Les Nations Unies ont décidé de se doter de leurs propres services secrets, afin de ne plus être tributaires de ceux des grandes puissances.
Jacques Baud est une star dans le monde discret des espions internationaux. En 1997, ce colonel d’état-major général, ancien analyste au service de renseignement stratégique, publie une «Encyclopédie du renseignement et des services secrets» chez un éditeur français.
Le succès est immédiat. Ce pavé de plus de 700 pages dépasse les 50.000 exemplaires. Ce Genevois, bientôt cinquantenaire, fait grincer quelques dents chez ses collègues à Berne.
Mais à l’étranger, et notamment à Paris et dans les pays de l’Est, les ministères de la Défense utilisent ses livres pour la formation de leurs cadres. Jacques Baud défend une idée simple: il est inutile d’entourer les services secrets d’autant de mystères.
A 90%, les informations détenues par les agents pourraient être accessibles au grand public. «Je ne dévoile que ce qui est dévoilable. Pas question de porter préjudice aux services», précise toutefois Jacques Baud.
L’espion suisse a été choisi pour prendre la tête de la première «Joint Mission Analysis Cell», qui doit se déployer tout prochainement au Soudan. Depuis plusieurs années déjà, l’ONU souhaite se doter de sa propre structure de renseignements.
Expert sur les mines
L’attentat contre les bureaux de l’ONU à Bagdad en août 2003, qui a coûté la vie à son représentant en Irak, Sergio Vieira de Mello, et à plusieurs de ses collaborateurs, a convaincu Kofi Annan de ne plus s’appuyer sur les espions des grandes puissances, notamment américains.
Toutefois, il n’est pas question de parler de services secrets, aucun pays n’acceptant de se faire «espionner» par l’ONU. Jacques Baud dirigera une «Cellule d’analyse interforces», composée d’une trentaine de personnes à Khartoum, et de sept ou huit unités d’une dizaine d’hommes, dispersées dans le pays le plus étendu de l’Afrique.
Pour ce diplômé en politique de sécurité de l’Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales de Genève, le Soudan n’est pas une terre inconnue.
Expert auprès de l’ONU à New York en 1997 et 1998, Jacques Baud a assuré le développement d’un système de renseignement informatisé mondial sur les mines.
Puis, il a mis sur pied des programmes d’éradication des mines au Tchad, au Somaliland et au Soudan. Par ailleurs, l’auteur d’une «Encyclopédie des terrorismes et violences politiques» a été en 1995 le responsable pour la sécurité dans les camps de réfugiés rwandais au Zaïre.
180 000 morts depuis 2003
L’intervention de l’ONU au Soudan est pour l’instant retardée. Malgré le conflit du Darfour qui aurait provoqué la mort de 180 000 personnes depuis 2003, le Conseil de sécurité se dispute sur la question du jugement des auteurs des exactions.
Les responsables des crimes doivent-ils être jugés par une Cour pénale internationale ou par des tribunaux soudanais?
Par ailleurs, le régime de Khartoum pourrait avoir son mot à dire sur les troupes envoyées au Soudan pour tenter de rétablir la paix.
Il risque de réclamer un quota de soldats de confession musulmane. Peut-être va-t-on aussi sélectionner les futurs ‘espions’ onusiens en fonction de leurs religions…
swissinfo, Ian Hamel
Jacques Baud est l’auteur d’une «Encyclopédie du renseignement et des services secrets» (Editions Lavauzelle).
Il vient de publier «Le renseignement et la lutte contre le terrorisme» chez les même éditeur.
– Jacques Baud est analyste stratégique, spécialiste des questions de renseignement et de terrorisme.
– Il est consultant et conseil d’entreprises et de gouvernements dans ces domaines.
– Il a été nommé par l’ONU pour diriger une «Cellule d’analyse interforces», composée d’une trentaine de personnes à Khartoum, au Soudan.
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