Une Académie pour les Conventions de Genève
Inauguration à Genève de l'Académie de droit international humanitaire et de droits humains, en présence de la présidente de la Confédération.
Unique au monde, ce centre va permettre à la diplomatie suisse de renforcer son rôle de promoteur des Conventions de Genève. Rencontre avec son directeur Andrew Clapham.
Avec la «guerre au terrorisme» lancée après le 11 septembre 2001, les conflits n’ont plus lieu seulement sur des champs de bataille éloignés. La Suisse, les Etats-Unis et les pays européens sont aussi en «situation de conflit».
Dès lors, quel droit appliquer ? Le professeur Andrew Clapham inaugure ce jeudi à Genève une Académie unique au monde, centrée sur le droit relatif aux guerres, principalement contenu dans les Conventions de Genève.
Ce centre offre une formation post-grade de quatre branches du droit international habituellement abordées séparément: les droits de l’homme, le droit international humanitaire (DIH), le droit des réfugiés et le droit pénal international.
swissinfo: Après le Conseil des droits de l’homme, l’Académie. Ne craignez-vous pas une «indigestion» de droits de l’homme à Genève ?
Andrew Clapham: Non, car il y a beaucoup de violations des droits de l’homme dans le monde et une meilleure conscience de celles-ci, ce qui justifie une recrudescence des activités.
De plus, de nouveaux traités sont adoptés – comme celui sur les disparitions forcées et celui sur les handicapés – et les juristes, les diplomates et les représentants d’ONG ont besoin de nouvelles compétences.
swissinfo: Des académies semblables existent déjà à Florence et La Haye, ainsi qu’à Harvard et aux Etats-Unis. Pourquoi encore une?
A.C.: Cette Académie est unique au monde. Nous allons en effet aborder les situations de conflit du point de vue conjoint de quatre branches qui, d’habitude, sont étudiées séparément.
C’est une première, dictée par l’évolution de la configuration internationale. La guerre contre le terrorisme fait que les situations de conflit ne se trouvent plus seulement sur des champs de bataille éloignés, mais aussi en Suisse, en Europe ou aux Etats-Unis.
Guantanamo est un cas d’école: la Cour suprême américaine doit-elle appliquer le DIH, qui est le droit des conflits armés, ou les droits de l’homme ?
Même question si on arrête un présumé terroriste à Londres ou en Irak. La jurisprudence récente de la Cour internationale de justice insiste sur l’obligation de respecter les droits de l’homme – comme la liberté d’expression – même en situation de conflit. Car ceux-ci offrent souvent une protection plus étendue.
Prenez le cas des enfants soldats: les Conventions de Genève interdisent de recruter des enfants de moins de quinze ans, alors que le protocole facultatif à la Convention sur les droits des enfants fixe cette limite à 18 ans.
swissinfo: Quel type de débouché offrez-vous aux jeunes étudiants ?
A.C.: Ce peut être le Comité international de la Croix Rouge ou l’ONU et certaines de ses agences comme le Haut Commissariat aux réfugiés ou celui des droits de l’homme ou des ONG comme Amnesty international. Il est également possible de faire un doctorat et de la recherche ou d’enseigner.
swissinfo: Quel est votre public cible ?
A.C.: Des juristes, des journalistes, des responsables d’ONG ou toute autre personne ayant déjà une expérience professionnelle pertinente. Nous allons offrir aussi bien un master sur douze mois que des cours de formation continue.
Dans le long terme, nous voulons mettre aussi en place une formation à distance. Qui sait, peut-être allons-nous former de futurs rapporteurs spéciaux… Certains commencent d’ailleurs à prendre en considération, dans leurs rapports, le droit humanitaire au même titre que les droits de l’homme.
swissinfo: Cette Académie sera également un centre d’expertise pour les organisations qui à Genève traitent des droits de l’homme et de l’action humanitaire…
A.C.: Absolument. Elle pourra fournir des analyses d’ordre juridique qui touchent le champ humanitaire. Notre Académie permettra aussi au gouvernement suisse de renforcer les compétences de ses diplomates engagés dans la résolution des conflits, en particulier dans la conformité avec le droit contenu dans les Conventions de Genève.
Interview swissinfo: Carole Vann et Isolda Agazzi/Infosud
Professeur de droit international, Andrew Clapham a rejoint l’Institut universitaire de hautes études internationales en 1997, après avoir représenté Amnesty international au siège des Nations Unies à New York.
Andrew Clapham a pris la direction de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains qui succède au Centre universitaire de droit international humanitaire.
Selon le ministère des Affaires étrangères:
La Suisse met en œuvre sa politique humanitaire dans les forums internationaux (comme les Nations Unies) pour améliorer les conditions générales de fourniture de l’aide humanitaire. Elle contribue en outre au développement des politiques d’action internationales.
Elle fait connaître le droit international humanitaire et intervient pour que celui-ci soit respecté dans le monde entier. La protection des populations civiles dans les conflits armés est un élément essentiel du droit international humanitaire. La Suisse est dépositaire des Conventions de Genève.
Elle fournit une aide humanitaire et protège ainsi la vie et la dignité humaines pendant et après les situations de crise. L’aide humanitaire de la Suisse est neutre, indépendante, universelle et dépourvue de motivations politiques.
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