Vers un oui à la médecine complémentaire
La première projection de l'Institut gfs.bern pour le compte de SSR idée suisse indique 67% de oui à l'inscription de la médecine complémentaire dans le catalogue de base de l'assurance maladie. Nettement plus contesté, le sort du passeport biométrique reste par contre incertain.
Introduit en 1915, le passeport helvétique, qui à l’époque était vert foncé, est en passe d’entrer dans l’ère de la biométrie. La Suisse rejoindra ainsi les pays de l’Union européenne (UE), qui tous émettent désormais des documents biométriques avec photo électronique. Et les empreintes digitales doivent suivre.
Pour s’adapter à cette situation et aux exigences de l’Espace Schengen, mais aussi pour répondre aux normes sécuritaires américaines, Berne a mis en chantier la révision de sa législation sur les documents d’identité.
Ce dimanche, les citoyens helvétiques devaient donc dire s’ils acceptent ou non de voir une photo biométrique de leur visage, ainsi que deux empreintes digitales, désormais inscrites dans leur passeport. Par là, ils se prononçaient aussi sur la mise en place d’une banque de données où seront centralisées ces informations.
Et c’est là l’essentiel du débat. La Suisse en effet, contrairement par exemple à l’Allemagne qui y a récemment renoncé, a prévu d’introduire une telle banque de données. Or celle-ci n’est pourtant pas exigée par les accords de Schengen.
Estimant que c’était aller trop loin, un comité interparti composé de membres issus de la gauche, mais aussi de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice), a lancé le référendum. Celui-ci a abouti en octobre 2008 avec 63’733 signatures valables.
Fausses empreintes en silicone
Vingt ans après le scandale des fiches, les adversaires du passeport biométrique, dont la plupart ne sont pas opposés sur le fond au nouveau document, craignent en fait les dérives que pourrait occasionner cette centralisation.
Ils ont de leur côté, notamment, le Préposé fédéral à la protection des données Hanspeter Thür. Lors de la procédure de consultation, celui-ci avait en effet estimé que la centralisation était exagérée. Selon lui, plusieurs affaires à l’étranger ont prouvé que de telles banques de données peuvent être détournées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été conçues.
Au cours d’une campagne très axée sur la question de la sécurisation des données, plusieurs spécialistes en informatique ont par ailleurs mis en garde contre les risques de falsification et de détournement d’informations.
Une étude menée par l’Université de Lausanne et l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, publiée en juillet 2008, a ainsi montré qu’il était possible de créer de fausses empreintes digitales en silicone et que se laisser pousser les cheveux ou la barbe pouvait générer des problèmes lors de la comparaison avec la photo digitalisée du visage.
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Référendum
Liberté de voyager
Face à ces critiques évoquant le «Big Brother» orwellien, les partisans du passeport biométrique ont fait valoir que la liberté de voyager avec un passeport reconnu et plus sûr comptait davantage qu’une vague crainte liée à une éventuelle utilisation abusive.
La ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf, très présente dans la campagne, a répété à plusieurs reprises que le nouveau document protégeait mieux contre les usurpations d’identité. Selon elle, le regroupement des données dans un registre unique permettra en outre une protection des données plus efficace à un coût moindre.
Risques de l’Etat fouineur contre liberté de voyager, les Suisses sont divisés. Le dernier sondage de l’Institut gfs.bern pour le compte de SRG SSR idée suisse indiquait en effet que seule une petite moitié d’entre eux (49%) est favorable à l’introduction de données électroniques, contre 37% de personnes défavorables et 14% d’indécis.
Si le non devait l’emporter, la Suisse aurait jusqu’au 1er mars 2010 pour mettre en œuvre un nouveau projet. A partir de cette date, elle disposerait encore de 90 jours pour trouver avec l’UE un régime spécial – comme l’ont fait la Grande-Bretagne, l’Irlande ou le Danemark -, lequel éviterait de dénoncer les accords de Schengen/Dublin.
Vers un oui à la médecine douce
Pour ce qui est du second objet soumis au peuple, son destin paraît beaucoup moins incertain. Jouissant d’une forte popularité, la médecine complémentaire risque bien de se voir inscrite dans la Constitution, comme l’ont souhaité 69% des Suisses lors du même sondage.
C’est précisément ce plébiscite que les Chambres ont anticipé. En présentant un contre-projet direct très légèrement édulcoré par rapport à la version originale de l’initiative «Oui aux médecines complémentaires», les parlementaires ont proposé une solution qui a convenu aux initiants, lesquels ont retiré leur texte.
Ils n’ont par contre pas renoncé à leur objectif, qui est de voir réintégrées dans le catalogue des soins remboursés par l’assurance de base les 5 médecines complémentaires qui en avaient été retirées en 2005 par le ministre de la Santé Pascal Couchepin.
Les partisans des pratiques alternatives estiment aussi que celles-ci complètent efficacement la médecine classique et que, moins onéreuses, elles permettent de contenir la hausse des coûts. Un argument contesté par leurs adversaires, qui se recrutent, bien qu’en nombre réduit, avant tout dans les rangs des partis bourgeois (UDC, droite conservatrice; PLR, droite; PDC, centre droit).
Selon eux, un oui à cet objet induirait un renchérissement de l’assurance-maladie, qu’ils ont chiffré à demi-milliard de francs. D’autres estimations font état d’une hausse annuelle de 80 à 100 millions de francs en cas de réintégration des cinq médecines alternatives biffées en 2005.
Face au oui qui se profile, Pascal Couchepin a pour sa part d’ores et déjà rappelé que la mise en œuvre de ce nouvel article constitutionnel devra de toute façon être traitée dans une loi par le Parlement. Les discussions enfiévrées autour de la médecine complémentaire sont donc loin d’être terminées.
Carole Wälti, swissinfo.ch
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Initiative populaire
Le nouveau passeport biométrique sera muni d’une puce électronique sur laquelle seront enregistrées les données usuelles, la photo biométrique et deux empreintes digitales du détenteur.
La Suisse prévoit de centraliser ces informations dans la banque de données ISA. Ce système, qui existe depuis 2003, est interdit d’utilisation à des fins d’enquête policière, en Suisse comme à l’étranger.
Actuellement, neuf pays membres de l’Espace Schengen conservent les données dans une telle base centralisée. La France, le Portugal et les Pays-Bas prévoient d’introduire les empreintes digitales dans ce système.
Le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE) a recommandé, par 43 voix contre 16 et 3 abstentions, de voter oui à l’arrêté fédéral sur le passeport biométrique.
Les cinq principales pratiques alternatives sont l’homéopathie, la phytothérapie, la médecine chinoise, la médecine anthroposophique et la thérapie neurale.
Introduites provisoirement dans le catalogue des soins remboursés par l’assurance maladie de base en 1999, ces pratiques en ont été retirées en 2005.
Un programme d’évaluation (PEK) a montré qu’elles ne répondaient pas aux trois critères fixés par la loi (efficacité, économicité, adéquation) pour bénéficier du remboursement. Ce programme d’évaluation a cependant été contesté.
Les partisans des médecines alternatives ont alors lancé une initiative demandant une «prise en compte complète des médecines complémentaires» par la Confédération et les cantons. Elle a abouti en un temps record avec 138’724 signatures valables.
En Suisse, environ 20’000 thérapeutes non-médecins et quelque 3000 médecins utilisent près de 200 techniques de médecines complémentaires.
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