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Alain Tanner de A à Z

Alain tanner dans sa maison de Genève. Keystone

Ecrit sous la forme d'un abécédaire, «Ciné-mélanges», dernier opus du grand cinéaste genevois, sort aux éditions du Seuil dans la collection Fiction & Cie.

Avec une caméra cachée au fond du cœur, Tanner éclaire ses souvenirs et revient, avec humour et émotion, sur son travail, ses affres et ses joies.

Entre les lignes de «Ciné-mélanges» chuchotent les ombres du passé. Temps du cinéma, temps de la mémoire qui voit un homme de 78 ans, Alain Tanner, ouvrir la boîte à souvenirs et traverser son territoire intime, de A à Z.

Le livre de Tanner est écrit sous la forme d’un abécédaire. Chaque lettre de l’alphabet donne naissance à un ou deux mots clés posés comme des pierres blanches sur le chemin d’une vie d’artiste. Un tracé parfois drôle, parfois mélancolique, parfois désespéré, parfois confiant, mais jamais nostalgique, jamais revanchard.

Rencontres

On y croise des fées: les actrices que le cinéaste a côtoyées. Des «ennemis du cinéma»: les fonctionnaires de Berne. Des amis respectés: Michel Soutter, Claude Goretta et les autres. Des femmes aimées: l’épouse, les filles et les petites filles. Des censeurs voraces: les lobbies économiques.

Bref, tout une humanité sur laquelle Tanner braque son objectif, une caméra cachée au fond du cœur. Il en résulte un mélange de cinématographies haut en couleur où l’on reconnaît, dès les premières lignes, la pâte du réalisateur: un style anti-naturaliste qui part d’une anecdote, puis décolle brusquement de la réalité pour en tirer une réflexion poétique, politique ou morale.

Tanner chez Kafka

Sous la lettre C, l’auteur a placé le mot «citoyen». Alain Tanner, citoyen suisse donc, raconte avec un humour vitriolé ses démarches cauchemardesques à Berne, en 1962, devant la Commission fédérale du cinéma fraîchement constituée. Cette instance supposée être avisée, lui refuse alors toutes subventions sous le prétexte qu’il est un auteur de fictions et que l’aide n’est accordée qu’aux films documentaires.

A ses interlocuteurs, il fait alors remarquer que «aucune cinématographie, même de peu d’envergure, ne peut s’exclure de la fiction». Réponse des autorités: «La fiction, c’est Brigitte Bardot, et on ne veut pas de ça chez nous». Le verdict tombe comme un couperet, l’ironie de Tanner aussi, celle-là même qui pimente ses films.

Deux versants

De «Charles mort ou vif» à «Paul s’en va», en passant par «La Salamandre» et «Dans la ville blanche», l’œuvre de Tanner «se reconnaît à cette frappe ironique où Voltaire n’est jamais loin», écrit Frédéric Bas dans l’excellente postface qu’il signe pour «Ciné-mélanges».

Soit 70 pages au fil desquelles l’analyste parcourt la filmographie du réalisateur et pose un regard lumineux sur le travail de ce dernier, sur les ambitions d’un artiste qui «s’est affirmé comme le porte-drapeau du nouveau cinéma suisse».

Tanner grande figure, également, du cinéma d’art et d’essai européen, «dépositaire légèrement désespéré des utopies de 68». Et surtout, Tanner «montagne suisse» à deux versants: l’un facétieux et drôle, l’autre grave et contemplatif.

swissinfo, Ghania Adamo

«Ciné-Mélanges» de Alain Tanner
Editions du Seuil (Collection Fiction & Cie)
232 pages

Alain Tanner est né à Genève en 1929. Etudes de sciences économiques. Avec Claude Goretta, il fonde en 1951 le ciné-club universitaire de Genève.

À 23 ans, il s’engage pour un stage de deux ans dans la marine marchande.

De 1955 à 1958, il séjourne à Londres où il se passionnera pour le cinéma et trouve un emploi au British Film Institute de Londres.

De retour d’Angleterre, il entre comme réalisateur à la Télévision Suisse Romande où il signera plusieurs courts métrages et des documentaires.

En 1968, Alain Tanner fonde le «Groupe des 5» avec les réalisateurs Michel Soutter, Claude Goretta, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange.

Parmi ses films les plus célèbres figurent plusieurs œuvres des années 70: La Salamandre, Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000, Charles mort ou vif.

Dernier film en date Paul s’en va (2004).

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