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Alice Cooper & Apocalyptica ébranlent Montreux

Alice Cooper, en grande forme à Montreux! MJF

Un vieux cauchemar parental est ressuscité sur la scène de l’Auditorium Stravinsky: Alice Cooper en personne, et son goût pour le grand-guignol morbide. Il était précédé du groupe 'Apocalyptica’, des Finlandais pour lesquels le violoncelle est une arme sonore de destruction massive.

Le hard rock (et ses dérivés: heavy metal, death metal et tout cela) se porte bien, merci pour lui. Déclaré pourtant comble de ringardise depuis un bon quart de siècle, le voilà qui montre sa face hirsute et hurlante dans tous les festivals d’ici et d’ailleurs: ainsi Rammstein sera au Paléo Festival de Nyon, pourtant peu habitué à ce registre.

A Montreux, le hard, c’est une vieille histoire d’amour. Même si Claude Nobs est essentiellement un passionné de jazz et de rythm n’blues, c’est dès la fin des années 60 que Led Zeppelin découvrait grâce à lui la riviera vaudoise. Sans parler de Deep Purple qui immortalisa les lieux à travers ‘Smoke on the Water’, ou de Queen, pour lesquels Montreux devint quasiment une seconde patrie.

Dinosaures et nouvelle génération – ZZ Top en 2003, Deep Purple ou Korn en 2004 – la tradition continue… et joue même de la bravade en cette année 2005. Quoi, l’épouvantail Alice Cooper, ce sommet de mauvais goût dans les boiseries chic et prestigieuses de l’Auditorium Stravinsky? Ben oui. Montreux a gardé le sens de la provocation…

Cordes explosives

D’autant plus que pour chauffer les lieux, le MJF a fait appel à ‘Apocalyptica’, rouleau compresseur finlandais constitué de violoncellistes qui ont décidé de démontrer que Mstislav Rostropovitch n’a peut-être pas exploité toutes les possibilités de son instrument…

A l’origine, donc, trois violoncellistes finlandais qui ont fréquenté le très sérieux ‘Sibelius Academy’. Et qui un beau jour ont décidé de frayer avec le hard en reprenant à leur façon le répertoire d’un groupe célèbre… A l’arrivée, «Apocalyptica Plays Metallica By Four Cellos» (1996).

Presque dix ans plus tard, c’est essentiellement leur propre répertoire que jouent Eicca Toppinen, Paavo Lötjönen, Perttu Kivilaakso, appuyés en l’occurrence par un 4e viollonceliste, Antero Manninen et par Mikko Siren, un batteur qui semble avoir douze bras et autant de jambes.

Quatre trônes occupent la scène, ajourés de têtes de mort. Les musiciens jouent assis. Et déferle le hard de ces phénomènes classico-rock, où alternent et se mêlent la pureté des cordes et la violence de la distorsion. De nombreux moments de furie («Fisheye») et quelques instants d’apaisement («Farewell»), au cours de ce show uniquement instrumental.

Ambiance de messe noire, univers gothique et sombre, romantique en diable – au sens originel du terme: crépusculaire et ténébreux.

Jusqu’à ce que l’on approche de la fin, que les violoncellistes se lèvent, et torses nus, secouant frénétiquement leur crinière, se mettent à donner dans le cliché du hardeux lourdingue pour buveurs de bière. Dommage…

L’affaire se conclura par une relecture speedée de «Hall of the Mountain King», tiré de Peer Gynt, d’Edvard Grieg. Puis le public aura 30 minutes pour tenter – pari perdu d’avance – de remettre ses oreilles à zéro avant d’accueillir le terrible Maître de la soirée.

Devenir Alice

Alice Cooper, guignol patenté et néanmoins père du rock théâtral tendance kitsch, de Kiss à Marilyn Manson en passant par Iron Maiden. En fait, presque inventeur: le très oublié Arthur Brown (‘Fire’), était passé par là à peine avant lui…

Alice Cooper, apparemment fou furieux et néanmoins excellent ‘songwriter’: son nouvel album, «Dirty Diamonds», est là pour le rappeler.

Alice Cooper, cauchemar de la pensée puritaine américaine, et pourtant lucide: «Lorsque je joue Alice, je deviens sincèrement Alice. La seule manière d’arriver là et de se retrouver en face de 20’000 personnes est de devenir Alice – car il est mon opposé. Alice n’a pas peur lorsqu’il va sur scène et ose tout faire. Je suis l’opposé de ça» dit-il, cité sur le site web Alice Cooper – France.

A Montreux, Vincent Furnier, 57 ans au compteur, une fois de plus, est donc devenu Alice.

Coup de poing

A l’écoute de «Dirty Diamonds», sorte de retour aux sources qui alterne rock tendu et balades quasi acoustiques, on aurait pu s’attendre à un spectacle jouant des contrastes, sinon de la nuance… Erreur! Alice Cooper en scène, cela reste un coup de poing. Pas le temps de reprendre son souffle, ou presque. Pas de commentaire entre les chansons. Juste du rock n’roll.

Energie permanente et électricité débordante, qu’il s’agisse d’interpréter les titres classiques («No More Mr. Nice Guy», «Billion Dollar Babies», «I’m Eighteen»), les intermédiaires («Lost in America») ou les tout récents («Woman of Mass Distraction», «Dirty Diamonds»).

Et le show est à la mesure de la légende: maquillage millésimé seventies, redingotes et hauts-de-forme, canne à pommeau argenté. Poubelles et cercueil en guise de décor.

«Welcome to my Nightmare» amène bien sûr la partie la plus théâtrale du spectacle, avec tentative de meurtre sur une blonde jeune femme, camisole de force et passage sous le couperet de la guillotine pour Alice le criminel.

Ridicule? Oui, sans doute. Mais force est de constater que l’homme est un show man hors-pair, avec une vraie présence, hanté qu’il est par son personnage et cet univers qui navigue entre film gore et théâtre guignol pour adultes.

«School’s Out» mettra un terme au spectacle, et un furieux «Under My Wheels» conclura les rappels. Non sans qu’Alice Cooper ait présenté ses musiciens, et la jeune femme blonde qui a joué successivement la Mistress Domina armée d’un fouet, la danseuse agressée, l’exécutrice d’Alice Cooper et la Barbie déglinguée…

«My little daughter, Calico Cooper!» dit fièrement papa Alice. La preuve qu’il ne faut jamais se fier aux apparences.

swissinfo, Bernard Léchot à Montreux

Le 39e Montreux Jazz Festival a lieu jusqu’au 16 juillet.
Il se décline en une multitude de lieux: le cœur de la manifestation, le Centre des congrès (Auditorium Stravinsky et Miles Davis Hall), mais aussi le Casino Barrière pour les concerts plus spécifiquement jazz.
La fête se prolonge en général au ‘Montreux Jazz Café’ ou au ‘Montreux Jazz Club’.
Et c’est sur plusieurs scènes le long des quais que se tient le festival off, gratuit, rebaptisé depuis peu ‘Montreux Jazz Under The Sky’.
Parallèlement aux concerts proprement dits, des concours instrumentaux et des workshops ont lieu chaque année.

– ALICE COOPER: Vincent Damon Furnier naît en 1948 à Detroit (USA). C’est vers la fin des années 60 qu’il crée le groupe – et le personnage – Alice Cooper.

– C’est avec son 3e album, ‘Love it to death’ (1970) que le groupe rencontre le succès. Essai transformé avec ‘Killer’ (1971), ‘School’s Out’ (1972) et ‘Billon Dollar Babies’ (1973).

– Au-delà de la musique, c’est avec sa folie théâtrale qu’Alice Cooper fait parler de lui: boa constrictor, guillotine, incendie et maquillage dégoulinant participent au mythe.

– Depuis, les albums se sont succédés. Le dernier en date, ‘Dirty Diamonds’, est sorti début juillet 2005.

– APOCALYPTICA est un groupe finlandais créé en 1993 par Eicca Toppinen, Paavo Lötjönen et Perttu Kivilaakso.

– Sa spécificité: du hard rock à la fois brutal et mélodique, construit sur le jeu de 3 violoncellistes. Apocalyptica est passé de reprises de Metallica à des compositions personnelles.

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