Au Carnaval de Salvador, un son ‘Swiss made’
A Salvador de Bahia, au Brésil, débute jeudi le plus grand carnaval du monde. Durant une semaine, chaque jour, près de deux millions de personnes feront la fête. Un ingénieur du son zurichois y participe depuis des années, sonorisant la voix de la chanteuse brésilienne Daniela Mercury.
Alors que Fabio Marc Baltensperger travaille comme ingénieur du son dans le plus important studio d’enregistrement de Salvador, WR Studios, ses qualités attirent l’attention de la chanteuse de renommée internationale Daniela Mercury. L´ingénieur du son zurichois raconte: «Avant-gardiste, Daniela m’invite à mixer sa voix, désireuse de présenter pour la première fois au Carnaval de Salvador un style qui allie «l’axé» (musique typique du carnaval) à la techno.»
«Perché en haut du trio eletrico de Daniela Mercury, où je m’occupais uniquement des effets sonores sur sa voix, poursuit Fabio Marc, j’ai alors été fortement impressionné par cette foule de milliers de participants ondulant sous la pluie devant et derrière notre gigantesque char motorisé, comme si je survolais une mer obscure déchaînée.»
De Gilberto Gil à Olodum
Nous sommes au début des années 1980 et Daniela Mercury, reine de Salvador, est au faîte de sa gloire. Avec elle, Fabio Marc enchaîne les carnavals et, dans la foulée, participe à son disque «Sol da Liberdade».
Trente ans plus tard, Daniela Mercury a cédé la vedette à Ivete Sangalo et Claudia Leitte. Mais le public retrouvera toutes les anciennes gloires que sont notamment Gilberto Gil, chanteur et ancien ministre de la culture brésilienne, Caetano Veloso, Carlinhos Brown et surtout le groupe de percussions d’influences africaines Olodum, archi-connu mondialement pour avoir tourné dans un clip de Michael Jackson.
Fabio Marc décèle deux raisons au succès du Carnaval de Salvador: «il se distingue par sa richesse, sa diversité musicale, surtout rythmique, et par le fait qu’il invite tout le monde à participer. C’est un carnaval populaire de la rue, le plus important au monde.»
Un défilé sur 17 km
Pour l’ingénieur du son zurichois, l’Etat de Bahia, de par ses origines multiethniques, indienne, portugaise et surtout africaine, a offert au Brésil la majorité de ses artistes confirmés.
C’est que le Carnaval de Salvador est la vitrine culturelle annuelle de tout ce qui se fait de mieux à Bahia. A l’enseigne de chaque édition, les chanteurs sortent une nouvelle chanson, les écoles lancent une nouvelle danse.
Pas moins de 240 blocs ou entités carnavalesques vont défiler, costumés et déguisés, sur 17 km, soit trois circuits balisés au travers de la ville. Les cortèges s’étirent sur quatre à cinq kilomètres sur les deux plus longs itinéraires (Campo Grande à Castro Alves et Barra à Ondina), sécurisés par des milliers de cordeiros; alors que le défilé dans le Centre historique du Pelourinho ne fait que quatre cent mètres de long, car constitué d’ensembles plus traditionnels n’interprétant que des musiques acoustiques.
Les classes populaires envahissent ainsi la capitale bahianaise rappelant l´époque où les esclaves affranchis attendaient le carnaval pour manifester bruyamment leur joie. Derrière les acteurs de chaque bloc suit une foule de «folioes» ou sympatisants qui s’amusent en sautant et dansent «le samba de Roda», variante salvadorienne où femmes et hommes avancent et reculent ensemble sur des mouvements du corps cadensés.
Passé à tabac au clair de lune
Reste qu’un tel événement populaire comporte des risques. Ainsi Fabio Marc se rappelle encore de ce jour où il a accompagné une journaliste de Sao Paolo qui désirait s’écarter du cortège pour aller admirer la lune en bord de mer. «En deux minutes, conte Fabio Marc, nous avons été entourés de quatre colosses qui nous ont sommés de leur céder tous nos objets de valeur. Ils nous ont roués de coups. Tentant d’attirer l’attention sur moi, j’ai été projeté à l’eau. Mouillés, ensanglantés, tétanisés, nous avons été contraints de retourner à pied chez nous, car aucun taxi n´avait daigné nous transporter…»
Fabio Marc a d’ailleurs travaillé comme sonorisateur pour l’émission de la Télévision Suisse Alémanique «10 von 10» qui proposait un sujet sur l’organisation – par ailleurs excellente, précise t-il – de la police et des forces de sécurité durant le Carnaval de Salvador. Au cours du reportage, Fabio Marc se souvient: «le cameraman brésilien n’osait pas filmer les bagarres, alors je l’ai fait à sa place! Il y avait des rixes entre Blancs et Noirs.»
Depuis la naissance de ses enfants, Fabio Marc a renoncé au carnaval. Encore que cette année, l’envie le démange à nouveau: «je vais sonoriser durant une journée la musique du bloc Mascarados, tandis que les cinq jours suivants, je vais faire des interviews dans les camarotes, ces tribunes de fortune installées le long du parcours des cortèges pour le compte de youtube.com/carnaval.»
Vie privée. Cet Helvético-Brésilien (52 ans) est né d’une mère carioca et d’un père zurichois physicien. Il réside à Salvador depuis 13 ans, avec sa compagne du Parana et leurs deux enfants brésiliens.
Vie professionnelle. Il travaille dans sa propriété aux commandes de son studio d’enregistrement mobile canivetedigital.
Deux millions. Le Carnaval de Salvador débute ce jeudi 3 mars. Il dure six jours et six nuits. Il attire deux millions de personnes par jour.
Affluence. Cinq cent mille étrangers vont débarquer au Carnaval de Salvador, cette année, informe Salvador Tourisme, dont 30% proviennent de tours opérateurs italiens par lesquels afflueraient la majorité des Suisses.
Information. Davantage de postes d’information, de panneaux de signalisation et de sorties de secours le long des parcours du carnaval devraient aider le touriste à mieux se repérer. Sans oublier l’hospitalité du bahianais.
Secours. Beaucoup plus de postes de secours médical et de toilettes publiques devraient rassurer le participant qui doit impérativement se vêtir de manière légère et confortable tant une journée de carnaval est épuisante.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.