Bienne, l’hymne au gris
Gros-plan sur les «arteplages» qui constituent le socle d'Expo.02. Premier épisode, celui de Bienne, placé sous le thème générique «Pouvoir et Liberté».
L’arteplage biennois est double. Côté ville, sur la Commune de Nidau, une large étendue, l’ «Expopark», à l’ambiance bizarrement austère. Sur un plancher de bois clair, les pavillons relèvent plutôt de l’entrepôt que de la folie architecturale. Les espaces, vastes, sont ponctués d’arbres, déposés dans d’énormes sacs de plastique… gris. Respiration de couleur, tout de même, avec un bâtiment rouge éclatant, celui qui présente l’exposition «Happy End».
En suivant une superbe passerelle, le «Pont-Hélix», on enjambe le port pour parvenir au «Forum», longue plate-forme construite sur pilotis. C’est là que s’élève «l’ icône» de l’arteplage biennois: trois hautes tours… grises. Mais un gris qui laisse entrevoir leur squelette: elles sont revêtues d’un filet de plastique aux mailles fines. Univers glacial et poli. Et paradoxalement accueillant. Peut-être grâce aux incroyables sons que nous envoie la «Klangturm», la tour sonore…
L’architecture du Forum est dû au bureau viennois ‘CoopHimmelb(l)au’. Et la nuit, c’est grâce à l’éclairage du Français Yann Kersalé que le «Forum» prend toute sa dimension futuriste.
Deux pôles, deux raisons d’être
Quelques chiffres? La superficie totale de l’arteplage est de 120.000 m2. Le Forum, lui, s’étale sur 13.681 m2 et repose sur 236 pieux. Les 3 tours du Forum s’élèvent à 40 mètres de hauteur, et le Pont-Hélix, avec sa magnifique spirale qui s’enroule autour des tours, fait 620 mètres de long.
«A Bienne, nous avons décidé très tôt de jouer différemment les deux espaces. D’un côté, le design, avec des expositions situées entre la plate-forme et le toit, mais qui ne sont pas au premier plan. De l’autre, l’ «Expoparc», où ce sont les expositions qui sont prioritaires, et mises en valeur», explique le Zurichois Pidu Russek, responsable artistique de l’Arteplage biennois.
Un choix conceptuel auquel s’ajoutent des critères techniques: «Le Forum ne permet pas les mêmes possibilité de construction que la berge. Là, ce sont des constructions à plusieurs étages, plutôt lourdes, qu’on ne pouvait envisager sur le Forum».
Du réel à l’utopie
A Bienne, outre un «Fun-Park» de près de 9.000 m2, ce sont 12 expositions que l’on peut découvrir et qui déclinent, chacune à leur façon, la thématique «Pouvoir et Liberté». Amusement de Pidu Russek: «C’est marrant, ces thématiques liées à chaque arteplage, c’est peut-être la seule chose qui n’a jamais changé à l’Expo. Elles ont été créées très tôt, parmi les premiers concepts».
Comment les 12 expositions illustrent-elles cette problématique? «C’est un thème très lié à la réalité. Et qui implique donc de parler de l’argent, du travail… mais aussi des vœux. Car aucun pouvoir ne peut interdire les vœux».
L’argent est donc là au travers d’une exposition financée par la Banque Nationale, et montée par le très provocateur Harald Szeemann. «Strangers in Paradise» évoque les clichés et les réalités helvétiques. «Territoire imaginaire» invente une autre Suisse, entre cauchemar et utopie. Et «sWISH», magnifiquement, s’intéresse aux vœux des Suisses. Nous y reviendrons…
Ce qu’il en restera
Les infrastructures d’Expo.02, on le sait, sont censées être éphémères: à l’issue de la manifestation, tout doit disparaître. Mais les choses ne seront pas si simples… «Depuis qu’on a commencé à construire, il y a eu un enthousiasme énorme à Bienne. Il faut dire que c’est une ville qui a connu une longue crise industrielle», rappelle Pidu Russek.
Comme une sorte de nouveau départ, donc. Premier élément d’attachement. Et puis, étonnamment, Bienne vit plutôt dos au lac, et n’a jamais vraiment su exploiter ses rives. «Avec l’Expo, les Biennois découvrent leur lac. Après l’Expo, l’idée est d’aménager un grand parc qui irait de Bienne à Nidau. Comme cela s’est d’ailleurs passé en 39 à Zurich et en 64 à Lausanne».
Et au niveau des constructions? Car là aussi, l’attachement va sans doute jouer. Bien sûr, certains éléments n’ont pas été bâtis pour durer éternellement. «Mais on pourrait les garder un certain temps, pas besoin de les démonter tout de suite», constate Pidu Russek. Qui, même s’il reste vague, évoque ensuite le cas de la Tour Eiffel…
swissinfo/Bernard Léchot
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