Entre glamour et humanisme, Soleure a choisi
La 44e édition des Journées cinématographiques de Soleure débute lundi soir. Avec en vedette un nouveau prix pour le cinéma suisse. Doté de 60'000 francs, celui-ci récompensera un film ou un documentaire à vocation humaniste.
Qu’on se le dise, la tentative de pailleter de glamour les Journées de Soleure a bel et bien échoué. Vitrine de la production filmographique helvétique, la manifestation s’ouvrira avec Du bruit dans la tête du Genevois Vincent Pluss.
Un long métrage que le directeur des journées, Ivo Kummer, juge emblématique d’un cinéma suisse «qui a le feu sacré» et pour lequel les réalisateurs – ou plutôt les auteurs puisque nous sommes à Soleure – sont prêts à prendre tous les risques.
Au programme cette année, des fictions en courts et en longs métrages, des documentaires, des films d’animation ou expérimentaux ainsi qu’une rétrospective consacrée à la cinéaste suisso-canadienne Léa Pool.
Mais la véritable nouveauté, c’est le Prix de Soleure. Remis par un jury présidé par l’ancienne ministre Ruth Dreifuss le 24 janvier, celui-ci doit rendre honneur à un film ou à un documentaire dont le contenu constitue un hommage aux valeurs humanistes. Huit œuvres ont été sélectionnées, toutes portant sur un thème de société actuel.
Deux prix au lieu d’un
Côté fictions, outre Du bruit dans la tête, Happy New Year du Zurichois Christoph Schaub, März du réalisateur d’origine autrichienne Händl Klaus et Home de la Franco-Suisse Ursula Meier sont en lice.
Côté documentaires, La Forteresse de Fernand Melgar – qui porte sur un centre pour requérants d’asile et a passé le cap des 20’000 spectateurs en novembre dernier – sera opposé à In die Welt de Constantin Wulff, Pausenlos de Dieter Gränicher et No more smoking signals de Fanny Bräuning.
Le lauréat se verra remettre 60’000 francs. Et sa consécration ne l’empêchera pas, en théorie, d’être également récompensé par un Prix du cinéma suisse. Avec cette fois paillettes et tapis rouge puisque depuis cette année, ce dernier sera remis non plus lors des Journées de Soleure mais au prestigieux centre de la culture et des congrès de Lucerne (KKL) le 7 mars prochain.
Ivo Kummer dit ne pas regretter cette dissociation, qui a permis de créer un nouveau prix dans le paysage cinématographique. Il relève en outre que les liens ne sont pas tout à fait rompus. L’Académie du cinéma suisse, créée en mai dernier en vue du gala lucernois, fera en effet part de ses préférences à Soleure lors de la «Nuit des nominations» le 24 janvier.
Mais il ne s’agira là que d’un avis consultatif, la responsabilité de l’ensemble de la procédure de nomination incombant encore à la section cinéma de l’Office fédéral de la culture (OFC). Des négociations sont cependant en cours pour la transférer à l’Académie dès l’an prochain.
Traditionnelle polémique
But de toute l’opération? Créer un semblant de starification autour des productions cinématographiques helvétiques et, surtout, leur donner plus de visibilité, conformément au plan du chef de la section cinéma de l’OFC Nicolas Bideau.
Comme avant chaque raout important du cinéma suisse, une polémique a d’ailleurs éclaté la semaine passée via le quotidien zurichois Tages Anzeiger à propos de sa politique, mais aussi de sa personne. Accusé de se mettre trop en avant, le Monsieur Cinéma de la Confédération est plus gravement coupable, aux yeux de la branche, de s’engager insuffisamment et de manière partiale pour l’encouragement du cinéma.
Commentées par plusieurs personnalités du microcosme du cinéma helvétique – les réalisateurs Lionel Baier et Nicolas Wadimoff ou le producteur Robert Boner notamment –, ces critiques ont été transmises au ministre de la culture Pascal Couchepin.
Nicolas Bideau a rétorqué que les associations professionnelles d’où sont partis ces reproches «complètement exagérés» étaient «dans un état maladif». Réfutant les attaques de partialité et de favoritisme face à certains producteurs, il estime que tout se déroule de manière «transparente» et «correcte» dans le cinéma suisse.
Baisse de fréquentation
En termes de fréquentation, celui-ci a perdu quasi la moitié de son public en 2008. Selon une estimation de l’OFC de fin 2008, les films helvétiques ont enregistré environ 400’000 entrées l’an dernier (4% de part de marché). Ils en avaient réalisé 757’000 en 2007 et 1,6 million en 2006, année record.
Si les Alémaniques et les Tessinois ont visionné moins de films suisses (-60%), les Romands revanche ont plébiscité les productions indigènes (+15%).
«Nous restons forts en documentaires, assez forts en films d’art et d’essai mais faibles pour les blockbusters, nos locomotives», avait alors commenté Nicolas Bideau. Il avait aussi indiqué qu’il maintiendrait sa volonté de consacrer à ceux-ci un tiers de son budget.
Parmi les films qui ont le plus séduit les Suisses en 2008 – Bergauf, Bergab (45’000 entrés), Max & Co (30’300), Der Freund (30’000) -, Home (38’140) et La Forteresse (20’000) seront projetés à Soleure.
Carole Wälti, swissinfo.ch
Les Journées de Soleure font partie, avec les festivals de Locarno, Zurich et Nyon (documentaires), des rendez-vous importants du cinéma helvétique.
Tout est parti d’une réunion consacrée au «cinéma suisse actuel» organisée en 1966 à Soleure en réaction à la rareté des films suisses dans les salles du pays.
Pour aller à la rencontre du public, ce rendez-vous qui devait servir, et qui sert toujours, de vitrine à la production de l’année écoulée, a été maintenu.
Instauré en 1998 pour promouvoir la production nationale, le Prix du cinéma suisse a été remis à Soleure pour la dernière fois en 2008.
Cette série de distinctions récompense le meilleur film de fiction et le meilleur documentaire de l’année, mais aussi les meilleurs interprètes féminin et masculin, ainsi que les meilleurs court métrage et scénario.
Les prix – des «Quartz» – seront remis le 7 mars au centre de la culture et des congrès à Lucerne lors d’une cérémonie retransmise en direct par les chaînes de TV nationales.
Les Journées cinématographiques de Soleure se déroulent du 19 au 25 janvier.
Budget: 2,85 millions de francs (27% sont assurés par la manne publique et le reste par les sponsors).
Nombre de spectateurs attendus: 44’000.
Films et vidéos programmés: 253, dont une douzaine de premières.
Prix de Soleure: 60’000 francs.
Salles de projection: 9.
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