Farinet l’universel
Passé Martigny, où le Rhône fait un coude à 90°, s’ouvre la plaine du Valais central. A quelques lieues des deux collines qui dominent Sion s’élève celle de Saillon, bourg médiéval encore surmonté de ses tours du 13ème siècle.
C’est ici, dans l’impressionnante gorge de la Salintze que tomba le 17 avril 1880 Samuel Farinet, faux-monnayeur au grand coeur, roi de l’évasion, «Robin des Alpes» dont le mythe n’a pas tardé à passer les frontières du Valais.
A l’époque, les autorités offraient une prime de 800 francs (une fortune) pour sa capture «mort ou vif.» Pourtant, malgré les importantes forces de police et les nombreux coups de feu tirés, aucun gendarme n’osa réclamer la récompense. De peur d’être lynché par la population.
En 1932, Ramuz publie «Farinet ou la fausse monnaie», sous la forme d’un hymne à la liberté et six ans plus tard, un jeune comédien français du nom de Jean-Louis Barrault vient en Valais pour tourner la première version filmée de la vie du héros populaire.
A noter pour la petite histoire qu’aucun des films consacrés à Farinet ne montre sa mort à l’endroit où elle a réellement eu lieu. La gorge est simplement trop escarpée pour un tournage.
Puis en 1980, Barrault revient à Saillon. Entre temps, il est devenu un géant et un homme très engagé. En mai 68, avec sa compagne Madeleine Renaud, il a ouvert les portes de son théâtre de l’Odéon aux manifestants, ce qui lui a coûté sa place de directeur.
Il fonde alors les Amis de Farinet, société «sans base juridique, sans président, sans protocole et sans cotisations.» Une amicale «dont le seul but est de faire rêver le monde et d’exercer une activité sur les valeurs humaines.»
Jean-Louis Barrault fait également l’acquisition de la plus petite vigne du monde. Trois ceps au sommet d’une colline, qui depuis sont travaillés chaque année par des personnalités du monde des arts, du sport ou de la spiritualité. L’abbé Pierre, le Dalaï Lama, Claudia Cardinale, Michael Schumacher, Zinedine Zidane, Renaud, Gilbert Bécaud, Léo Ferré sont tous venus ici, parfois en compagnie d’un groupe d’évadés, ou plus récemment du financier déchu Jean Dorsaz.
«Farinet n’est qu’un prétexte», disait déjà Jean-Louis Barrault. Plus que le souvenir du bandit au grand coeur, ce sont les valeurs humaines que célèbrent les Amis de Farinet. Des valeurs désormais illustrées par 21 vitraux circulaires et en relief qui guident le pèlerin de la plaine à la colline ardente.
Et l’usage veut que l’on se déchausse avant d’y pénétrer.
swissinfo, Marc-André Miserez à Saillon
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