Gilles Jobin, «DJ chorégraphique»
A la demande du Festival de La Bâtie, l'artiste lausannois crée au BFM «Two Thousand-And-Three».
Une pièce chorégraphiée très attendue dans laquelle il dirige le Ballet du Grand Théâtre de Genève. Entretien.
Pour que la danse ne soit pas un simple objet de consommation, Gilles Jobin, 39 ans, chorégraphe de renom, vaudois de naissance, londonien d’adoption, a plus d’un tour dans son sac. Qu’il crée pour sa propre compagnie ou qu’il mette au point des spectacles collectifs, le public, avec lui, est invité à ouvrir les yeux sur notre époque.
Pour preuve «Two Thousand-And-Three» (Deux mille trois), sa nouvelle pièce qu’il chorégraphie à Genève, sur commande du Festival de la Bâtie. Il y dirige le corps de Ballet du Grand Théâtre. Avant-goût d’une création très attendue.
swissinfo: Le titre de vos pièces («A+B=X», «The Moebius Strip», «Two Thousand-And-Three»…) évoquent des formules algébriques, des figures géométriques, des chiffres. Les mathématiques vous inspirent-elles donc?
– Gilles Jobin: (Rires) Non pas du tout. Les titres constituent pour moi des pistes d’indication qui me laissent une marge de manœuvre assez large au moment où je commence mon travail. «Two Thousand…», par exemple, correspond en partie à l’histoire de la troupe du Grand Théâtre de Genève. Laquelle entame une nouvelle ère avec, à sa tête, un nouveau directeur, Philippe Cohen.
2003, c’est également une année particulière pour ceux qui y voient la canicule tragique de cet été. Pour d’autres, ce sera la guerre en Irak ou le terrorisme. J’ai une réelle volonté de marquer cette pièce dans le temps. Peut-être que dans 5 ans elle paraîtra démodée. Ou peut-être restera-t-elle actuelle si le propos que j’y tiens résiste au temps.
Vous êtes de la même génération que Jan Fabre, Sasha Waltz, Meg Stewart, chorégraphes internationaux comme vous. Comment vous situez-vous par rapport à eux?
– G.J: Ils ont commencé à créer très jeunes, bien avant moi. Ce qui fait que j’ai un avantage sur eux: j’ai pu examiner leur travail. Mais s’il y a quelqu’un qui m’a influencé, c’est bien Merce Cunningham. A celui-ci, il faut ajouter certains compagnons de toujours, comme le Suisse Yann Marussich ou La Ribot (danseuse madrilène, épouse de Jobin, NDLR). Ensemble, nous avons appris à «casser» l’espace de la représentation.
Qu’entendez-vous par là?
-G.J: C’est à dire, penser différemment la scène en jouant, par exemple, dans des lieux non conventionnels. En ce qui me concerne, je n’utilise pas de décor et encore moins de costumes. Les corps de mes danseurs sont quasi nus, éclairés très souvent par des lumières sophistiquées, mais jamais montrés comme tels. Quant à la musique, elle est très structurée dans mes spectacles.
Depuis 1997, vous travaillez précisément avec le compositeur Franz Treichler (voix des Young Gods, NDLR). Comment se passe la collaboration?
– G.J: Ce qui rythme mes spectacles en général, c’est la musique électronique, que j’aime beaucoup. Elle permet pour la danse une variété d’ambiances que Treichler réussit très bien. Avec deux autres musiciens – Clive Jenkins et Christian Vogel – il utilisera pour «Two Thousand…» les techniques de mélange des DJ’s.
Ensemble, nous nous prêtons donc au jeu du mixage, tout en essayant d’obtenir un décalage entre son et danse. A ma façon, je tente d’être un DJ chorégraphique.
swissinfo, Ghania Adamo
«Two-Thousand-And-Three», Festival de la Bâtie, Genève. Au BFM, du 10 au 12 septembre.
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