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Jethro Tull, comme un bon whisky

Ian Anderson, à Montreux millésime 2003 swissinfo.ch

Moins de cheveux mais une passion et un humour intacts: Ian Anderson et Jethro Tull ont allumé les feux du 37e Montreux Jazz Festival. Flûte traversière et guitare ont démontré que le temps n'a pas de prise sur certaines oeuvres.

Quand Tull joue, Tull donne! Au point de concocter un programme spécial pour Montreux, d’après Claude Nobs – deux parties, l’une presque tranquille, l’autre plutôt musclée – et d’accompagner la chanteuse qui les précède, la pop-rockeuse luxembourgeoise Masha.

A côté du guitariste de la dame, en effet, les musiciens de Jethro Tull défilent avec modestie, y compris Maître Anderson qui joue de sa flûte magique… depuis les coulisses!

A propos de la «ringardise»

Dites à – presque – n’importe qui que vous allez écouter un concert de Jethro Tull. Il vous regardera d’un air compatissant. Car pour lui, votre taux de ringardise a soudain pris des proportions alarmantes.

Il en était de même avec Santana, lorsque celui-ci passa à Montreux il y a quelques années, y donnant un concert survolté. Santana, réputé vieux baba illuminé rabâchant ses notes stridentes depuis Woodstock. Peu après, le guitariste chicano, accompagné de quelques invités dans le coup, publiait l’album «Supernatural». Succès planétaire.

Les critiques professionnels comme les jeunes branchés étaient alors forcés de retourner brutalement leur veste… Comme quoi mode et qualité musicale n’ont rien à voir, mais ça on le savait. «Ringard» n’est parfois que l’antithèse de «jeune inculte» ou de «critique opportuniste».

Rappel

Pour ceux qui ne sauraient pas… ou ne se souviendraient plus. Ian Anderson. Chanteur, flûtiste, guitariste, auteur, compositeur, arrangeur. Et éleveur de saumons sur l’Ile de Skye.

«Le fait que mon élevage de saumons me suffise à vivre me permet de garder une totale liberté musicale», m’avait-il dit un jour. On regrette que tous les artistes n’aient pas un élevage de saumon.

Ian Anderson, symbole de la pop hallucinogène du début des seventies, et néanmoins pétri de culture classique et de folk celtique. Abreuvé de poésie écossaise en général et passionné de Robert Burns en particulier (eh, l’aut’, cé ki çuila?).

Dans les années 70, Ian Anderson, ménestrel hirsute portant bas collants et cache-sexe, les yeux fous, joue et éructe de la flûte traversière perché sur une jambe tel un héron exalté.

Trente ans plus tard, le look s’est assagi. Le contraire serait un peu ridicule. Mais la présence est tout aussi vigoureuse. Ian Anderson alterne toujours virtuosité et humour égrillard, et n’a pas encore renoncé à jouer les échassiers.

Pur Malt

A l’instar d’un bon whisky, Jethro Tull gagne au vieillissement. Car même si le très grand public ne les a pas suivis, eux ont continué à travailler. Trente-cinq années de carrière, une vingtaine d’albums sans compter les «live» et les «best of», le terreau dans lequel ils peuvent puiser le répertoire d’un spectacle est vaste et riche.

Et ils ne s’en privent pas. En tapant dans les sixties («Bourrée» déclinée en version kitsch, puis jazzy, puis funky, ou «Nothing is easy», «Fat Man»), les seventies («Hunting Girl», «Heavy Horses»), les eighties («Budapest»), voire dans le tout récent («Dot Com») ou dans le futur («Pavane» d’après Gabriel Fauré, qui figurera sur «The Jethro Tull Christmas Album», parution cet automne).

Virtuosité de Ian Anderson et du guitariste Martin Barre, qui malgré l’énormité de ses sons, est d’une incroyable précision. Virtuosité et cohésion du groupe, qui, tout en multipliant les changements de rythmes et autres syncopes, donne une impression de fluidité permanente.

A l’heure où la moindre différence d’approche sépare les musiques électroniques en d’innombrables chapelles frisant le dogmatisme, Jethro Tull phagocyte le jazz, la musique classique, le folk, le hard-rock, saute d’un 4/4 massif à une rythmique biscornue en passant par une gigue ou un swing jazzy… Et cela tout en restant immédiatement identifiable.

Et quand, à la fin du concert se succèdent «Aqualung» et «Locomotive Breath», le choc, même déjà moult fois entendu, est imparable.

swissinfo, Bernard Léchot à Montreux

– Au cours de cette tournée européenne, Jethro Tull est constitué de Ian Anderson (voix, guitares, flûte), Martin Barre (guitares), Andrew Giddings (claviers), Jonathan Noyce (basse) et Doane Perry (batterie).

– Le premier album de Jethro Tull date de 1968 («This was»). Mais c’est avec «Stand Up» (1969), sur lequel figure la fameuse «Bourrée», et surtout «Aqualung» (1971) que le groupe va rencontrer un succès mondial.

– Parmi les autres albums qui ont forgé la réputation du groupe: «Thick as a Brick», «Minstrel in the Gallery», «Too Old to Rock and Roll, Too Young to Die», «Songs from the Wood» ou «Heavy Horses».

– A noter que le légendaire double live «Bursting Out» (1978) débute par une annonce effectuée par… Claude Nobs, le patron du Montreux Jazz Festival… La 37e édition de la manifestation se tient jusqu’au 20 juillet, proposant une cinquantaine de concerts payants et 400 autres gratuits.

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