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Joe Bonamassa incendie le blues à Montreux

Joe Bonamassa, un mutant sur les rives du Léman. Daniel Balmat

Mardi soir au Montreux Jazz Festival, le guitariste et chanteur Joe Bonamassa a ébranlé le Miles Davis Hall à coups de riffs et de solos dantesques. Juste avant lui, le bluesman Buddy Guy avait gentiment préparé le terrain...

Or donc, Robert Johnson, un soir qu’il se promenait près de Clarksdale, dans le Mississipi, eut la révélation du blues à un «crossroad» devenu fameux grâce à un être mystérieux qui lui délivra le mystère ultime des trois accords…

C’est ce qu’il raconta, en tout cas. En fait, le musicien avait sans doute repiqué la légende à un autre bluesman, un autre Johnson, mais peu importe: aujourd’hui c’est à lui qu’on l’attribue, lui qui fut un maître pour moult guitaristes, de Jimmy Page à Eric Clapton.

Le dieu du blues ou le diable, c’est sans doute la même chose, aurait donc inspiré Robert Johnson, né le 8 mai 1911. Et quel esprit a donc soufflé sur le berceau de Joe Bonamassa, né exactement 66 ans plus tard près de New York, le 8 mai 1977?

Mystère. Quoi qu’il en soit, à quatre ans, le bambin touchait sa première six cordes. Et à 11, faisait la première partie de BB King. C’est dire. Une grosse vingtaine d’années et une petite dizaine d’albums plus tard, Bonamassa donne son premier concert au Montreux Jazz Festival, avec Buddy Guy, un autre pilier de l’histoire du blues, en première partie…

Buddy Guy, sympathique et sans surprise

Il y a belle lurette que l’authentique bluesman Buddy Guy s’est mué en «entertainer». Guère de surprise à attendre de son set, par conséquent, surtout pour ceux qui l’ont déjà vu à Montreux il y a deux ans.

Décontracté et charmeur, il peut attaquer par «Nobody Understands Me but My Guitar», enchaîner sur «Hoochie Coochie Man» de Muddy Waters, avant de bifurquer sur un presque funky «I Just Wanna Make Love To You», et 35 minutes se sont déjà écoulées… Il faut dire que Buddy Guy ne lésine pas sur les digressions, les improvisations, au cours desquelles il laisse d’ailleurs passablement de place à ses musiciens – remarquable Marty Sammon aux claviers.

Lui-même joue toujours de ses solos bavards et énervés, en alternance avec des passages murmurés, esquissés, moments de retenue qui tournent au procédé pour mieux faire exploser les reprises…

Ne manqueront ni les clins d’œil à John Lee Hooker, ni à Clapton, ni à Hendrix, ni la traversée de la foule jusqu’au bar inclus, en version aller-retour, pour le plus grand plaisir de tous ceux qui sont sur son passage et se retrouvent nez à nez avec the «Legend» – nom, par ailleurs, du club qu’il a ouvert à Chicago.

Avis de tempête sur le Miles Davis Hall

Changement de plateau. Et de génération. Le surdoué le plus mal sapé de l’histoire du rock – costard doré, sangle de guitare à paillettes, lunettes noires et cheveux gominés lissés en arrière – peut démarrer son show sur les chapeaux de roue.

Et consacrer pas loin de deux heures à décoiffer le public – qui, lui, n’a pas pris la précaution de se gominer. Tempos rapides («Last Kiss»), rythmes plombés (zeppelinien «Blue And Evil») ou accalmies (superbe «If Heartaches Were Nickels»), le propos reste quoi qu’il en soit toujours musclé.

Les titres s’enchaînent à toute allure – à peine le guitariste prendra-t-il le temps, à un moment, de dire: «Si un jour j’ai des enfants, je leur dirai: j’ai joué au Festival de Montreux!»

Comment résumer Joe Bonamassa pour ceux qui ne connaîtraient pas? Le fils naturel de Led Zeppelin et de Cream, avec Stevie Ray Vaughan dans le rôle du parrain, peut-être. Stevie Ray Vaughan pour lequel, en passant, le festival servit de tremplin. Un certain David Bowie était dans les parages lors de sa première prestation montreusienne…

Des références blues évidemment, mais un blues survitaminé, exacerbé, joué par un virtuose qui a tout compris de cette musique née dans le delta du Mississipi, poussée à Chicago, et rendue explosive par des Londoniens nommés Jimmy Page ou Pete Townshend. A noter que côté voix, Joe Bonamasa n’est pas en reste. Et là, c’est plutôt du côté des Noirs américains ou de Paul Rodgers (Free, Bad Company) qu’il va chercher ses sources.

En alignant ainsi les références, on se demande soudain où se situe la vraie personnalité de Joe Bonamassa… Il est vrai que sa maîtrise technique est telle, sa culture rock si affirmée et revendiquée, qu’on le cherche parfois un peu derrière cet incroyable déballage musical. Mais le rock n’est-il pas depuis longtemps un vaste système d’autocitation?

Plus gênant peut-être… l’absence de mystère. Si le guitariste et le chanteur nous laissent bouche-bée, dans son costard clinquant et mal coupé, le bonhomme ne fait guère rêver. La sulfureuse aura qui entouraient les Jimmy Page et autres Ritchie Blackmore est bien loin…

Welcome back, Joe!

Après une heure de concert, Joe Bonamassa va offrir un joli cadeau à Montreux: la venue de deux musiciens grecs qui ont participé à l’enregistrement de son dernier album, «Black Rock», sur l’île de Santorin. Une première live, semble-t-il.

Et le bouzouki, la clarinette, la flûte de se mêler magnifiquement au blues-rock acoustique «When The Fire Hits The Sea», au presque folk «Quarryman’s Lament», et, enfin, à une version paroxystique de «Bird On The Wire» de Leonard Cohen, trois titres qui figurent sur «Black Rock».

Exit la délégation grecque… Les affaires reprennent sur un tempo d’enfer, qui ne se calmera pas jusqu’à la fin du concert: gigantesque «Just Got Paid» (ZZ Top) pour conclure, puis, en rappel, «Steal Your Heart Away», et «Young Man Blues» de Mose Allison, rendu célèbre par les Who sur leur tellurique «Live at Leeds». Faut-il préciser que Bonamasa s’inspire davantage de la version Who que de l’original jazzy de 1958?

Public sonné et heureux. Ceux qui n’ont pas mis de protection dans leurs oreilles de mélomanes auront peut-être des regrets demain matin au petit déjeuner. Et Montreux s’est découvert un nouveau chouchou… Claude Nobs, qui est déjà venu annoncer l’artiste, vient le saluer à l’issue du spectacle et lui signaler qu’il est d’ores et déjà invité à participer à l’édition 2011 du Montreux Jazz Festival!

Bernard Léchot, Montreux, swissinfo.ch

New York. Il est né le 8 mai 1977 à Utica, New York.

Précoce. Apprentissage de la guitare dès l’âge de 4 ans, et 1ère partie de BB King à l’âge de 11 ans! Suivont Joe Cocker, Muddy Waters et de nombreux autres…

Fils de… Trois ans plus tard, il forme avec Berry Oakley (fils du bassiste des Allman Brothers) le groupe «Bloodline», en compagnie d’Erin Davis (fils de Miles Davis) et de Waylon Krieger (fils de Robby Krieger, des Doors). Il publient un album.

Solo. En 2000, Joe Bonamassa débute sa carrière solo, et enregistre son premier album «A New Day Yesterday».

Albums. Suivront 7 albums dont les deux derniers sont les plus personnels, soit «The Ballad of John Henry» (2009) et «Black Rock» en 2010.

Live. A cela s’ajoutent plusieurs albums live, et un récent DVD «Live From The Royal Albert Hall» où Eric Clapton lui-même vient croiser le fer…

Supergroupe. Joe Bonamassa s’est joint au bassiste et chanteur Glenn Hughes (Deep Purple, Black Sabbath, Trapeze), au batteur Jason Bonham (Led Zeppelin, Foreigner), et au claviériste Derek Sherinian (Dream Theater, Billy Idol, Alice Cooper) pour former le groupe «Black Country Communion». Un 1er album devrait sortir à la fin de l’été…

Louisiane. Il est en Louisiane (USA) en 1936. Après être «monté» à Chicago, sa rencontre avec BB King l’installera sur la scène blues américaine.

Sixties. Le vrai succès arrive avec les années 60. Quelque peu oublié au cours des années 70 et 80, la reconnaissance de ses cadets revient avec les années 90.

Légende. Sa participation aux côtés des Stones dans «Shine a Light» de Martin Scorcese illustre son statut actuel de légende du blues, au même titre que BB King, John Lee Hooker, Muddy Waters ou Albert King.

Plus de deux semaines. Le 44ème MJF se tient du 1er au 17 juillet.

Partout! Outre les concerts payants donnés dans les deux salles principales du festival (Auditorium Stravinsky et Miles Davis Hall), de nombreuses spectacles et animations complètent le menu, dont les multiples concerts gratuits, les croisières musicales sur le Léman, les workshops instrumentaux, les concours.

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