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La cavalcade d’Arcade Fire à Montreux

Le Texan Win Butler, figure de proue d'Arcade Fire. MJF - Lionel Flusin

Evénement attendu de l’été musical helvétique, les Canado-Américains d’Arcade Fire se sont produits dimanche soir au Montreux Jazz Festival. Lourdement épiques. Pour les nuances, mieux valait écouter James Vincent McMorrow...

Dans la guéguerre que se livrent chaque été les grands festivals de Suisse romande, le Paléo Festival de Nyon et le Montreux Jazz Festival avait trouvé chacun leur «événement»  artistico-médiatique 2011.

Paléo avait décroché Amy Winehouse (dont la musique soul aurait très bien convenu à Montreux) et Montreux Arcade Fire (dont le rock insolite aurait très bien convenu à Paléo).

Mais voilà. Paléo a perdu sa championne (Amy Winehouse a annulé sa tournée suite à sa prestation aussi imbibée que catastrophique à Belgrade), qui sera remplacée le 23 juillet par le sémillant Mika. Par contre, Arcade Fire, groupe star de la planète Terre en 2011, était bel et bien à Montreux dimanche soir.

Phénomène

Trois albums audacieux, trois coups qui font mouche. Et dès le départ, Arcade Fire semble avoir été béni des dieux, ou de ce qui en tient lieu. Médias unanimes, hordes de fans grossissant de mois en mois, sans compter les coups de pouce divers et variés.

Ainsi, en 2005 lors du Vertigo Tour, U2 choisit Wake Up, un morceau du premier album encore tout frais d’Arcade Fire pour son entrée en scène, et les invite à assurer leurs première partie au Canada. David Byrne, David Bowie et autres Bruce Springsteen se disent fans du groupe. Et Peter Gabriel inclut une reprise de My Body Is A Cage dans son album Scratch my back, sorti en 2010. Dans un autre registre, Barak Obama, qu’ils ont soutenu, les invite à sa soirée d’investiture.

En 2011, ils remportent le Grammy Award du meilleur album pour leur troisième opus, The Suburbs, devant une audience considérablement médusée de voir ces individus plutôt hors des canons de l’US show-biz rafler la mise, devant les poules aux œufs d’or que sont Eminem ou Lady Gaga.

Jusqu’au vice-président de l’Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal, Pierre Bellerose, qui, se réjouissant du succès touristique que connaît actuellement Montréal, déclarait récemment: «C’est un paquet de choses mises ensemble qui fait qu’une ville est un buzz. Arcade Fire y participe».

Authenticité

Pourtant, il serait injuste de parler de ce dimanche soir à Montreux sans évoquer d’abord la prestation du premier artiste de la soirée, l’Irlandais James Vincent McMorrow, qui n’en revient pas lui-même de jouer au Montreux Jazz Festival, Auditorium Stravinsky, en première partie d’Arcade Fire de surcroît. James Vincent McMorrow, riche d’un seul album pour le moment, «Early In The Morning»; mais sa déclinaison scénique vaut le détour.

Voix haut-perchée, folk de brume et de soleil à la fois, sensibilité à fleur de peau, il y a en lui quelque chose d’un Bon Iver qui aurait renoncé à l’épure pour mieux ciseler sa musique – grâce notamment à la guitare slide de Bury Alan et aux harmonies vocales éthérées de la mandoliniste Jill Deering.

Timidité et authenticité d’un artiste qui sera accueilli d’abord par une salle quelque peu clairsemée, et qui jouera ses rappels – notamment une superbe reprise en solitaire de Wicked Games de Chris Isaak – devant une audience dense, suspendue à ses lèvres.

Pour détourner ainsi l’attention du public venu pour Arcade Fire et lui faire faire un premier voyage réussi, il fallait beaucoup de talent…

Oh-oh-oh-oh-oh

Car les fans d’Arcade Fire sont manifestement de vrais fans. Les accueillant en dieux vivants, chantant leurs paroles par cœur, entonnant à pleins poumons les refrains faits de oh-oh-oh-oh-oh qui ponctuent leurs chansons les plus épiques, et ne sifflant pas – ou si peu – quand après une modeste heure et demie de spectacle, le groupe quitte la scène, alors que la nuit aurait pu être à eux. Les fans d’Arcade Fire, un vaste club auquel j’ai réalisé, ce soir, que je n’appartiens pas, malgré le plaisir que j’ai à écouter leurs albums…

Arcade Fire en scène, c’est certain, ne lésine pas sur l’énergie. Pour les morceaux néo-punks bien sûr – Ready To Start en ouverture du show, Month of May pour le relancer, Keep The Car Running en premier rappel – mais aussi dans le reste de leur répertoire. Win Butler habité par son chant et sa musique, entouré d’un groupe lourd et déchaîné.

Quelques perles étincellent: la balade désenchantée The Suburbs, le beau Rococo, sombre et bizarre, qui se termine en live par un crescendo apocalyptique, ou, plus ancien, Intervention, tiré de Neon Bible, et ses grandes orgues.

Les morceaux s’enchaînent, jouant de transitions bruitistes pour permettre aux musiciens de prendre le temps de changer d’instruments, le multi-instrumentisme étant la caractéristique de pratiquement chaque membre du groupe. Et sur l’écran géant perché au-dessus de la scène défilent des images illustrant les thématiques des chansons, notamment des extraits du moyen métrage Scenes From the Suburbs de Spike Jonze, mêlées à celles saisies en direct. Plein les oreilles, plein les yeux.

Mais voilà. Si des albums d’Arcade Fire émane un univers atypique, contrasté, se permettant de mêler orchestrations minimalistes, énergie rock et parfois grandiloquence, la scène nivelle largement tout cela. En faisant d’eux une sorte de monstre sonore éructant des thèmes au pompiérisme appuyé qui, soudain, s’additionnant les uns aux autres, semblent calibrés pour caresser cette fibre hymnique, voire martiale, qui sommeille chez la plupart des humains. Lassitude.

Jusqu’à ce Wake Up final qui, soudain, ressemble à une caricature du genre.

Oh-oh-oh-oh-oh…

Montréal. Le groupe s’est créé à Montréal en 2002 autour du couple que forment le Texan Win Butler et Régine Chassagne, d’origine haïtienne.

 

Polyvalence. Le groupe qui se caractérise notamment par la polyvalence musicale de ses membres, lesquels passent presque tous d’un instrument à l’autre, est constitué actuellement de Win Butler, Régine Chassagne, Will Butler (frère de Win), Richard Parry, Tim Kingsbury, Sarah Neufeld et Jeremy Gara.

 

Funeral. Leur 1er album, Funeral, sort en 2004. Accueil très positif de la critique. U2 choisit le titre Wake Up pour son entrée en scène. Tournée américaine et européenne.

 

Neon Bible. Ce 2e album sort en 2007, enregistré dans le studio qu’ils se sont montés dans une église à Farnham. Large tournée des deux côtés de l’Atlantique, ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande. En 2010, Peter Gabriel reprend le titre My Body Is A Cage sur son album Scratch My Back, tout comme Jeanne Cherhal sur Charade.

 

Film. Miroir Noir, réalisé par Vincent Morrisset et publié en 2009, évoque l’enregistrement de l’album Neon Bible et la tournée qui le suivit.

 

The Suburbs. Leur 3e album paraît en été 2010. Il décroche le titre d’album de l’année aux Grammy Awards 2011.

 

Bis. Une nouvelle édition de The Suburbs est sortie cet été, incluant deux nouvelles chansons, Speaking in Tongues et Culture War, ainsi qu’un moyen métrage signé Spike Jonze, Scenes From the Suburbs.

45ème. L’édition 2011 du Montreux Jazz Festival se tient du 1er au 16 juillet.

Concerts payants. A l’Auditorium Stravinsky (4000 places) et au Miles Davis Hall (2500 places)…. voir document joint.

 

Musique en mouvement. Plusieurs trains et bateaux se transforment en lieux de concerts et d’animation.

Montreux Jazz Café: Dès 20h30, le Festival propose de revivre des concerts issus de ses archives. Dans la soirée, des groupes internationaux sont programmés, dans tous les genres musicaux.

 

 Music In The Park: Concerts gratuits en plein air au Parc Vernex.

 

Workshops: Les artistes rencontrent le public. Démonstration technique, débat, parcours personnel…

Concours: Piano, voix, Tremplin lémanique… Trois concours visent à faire émerger de nouveaux talents.

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