Le crime et ses multiples variantes
Au Théâtre du Grütli, à Genève, Fredy Porras crée «La preuve du contraire» d'Olivier Chiacchiari.
Le metteur en scène reprend avec humour les codes esthétiques de la comédie policière.
Dans les années 1996-1998, il fut la coqueluche des scènes genevoises. Olivier Chiacchiari, auteur dramatique d’origine italienne, 34 ans, signait à cette époque deux pièces, «10-Le Livre des Machines» et «Le Drame»; ainsi qu’une adaptation scénique du célèbre roman de William Golding: «Sa Majesté-des-Mouches».
Le premier ouvrage avait été créé au Théâtre Saint-Gervais. Les deux autres à La Comédie, dans la mise en scène de Claude Stratz alors directeur des lieux. Et puis silence. Chiacchiari volatilisé.
Chiacchiari, le retour
Le voilà qui revient avec «La preuve du contraire» son dernier opus que monte au Théâtre du Grütli le très astucieux Fredy Porras. Lequel n’a rien à envier, en matière de plastique théâtrale, à son frère Omar, metteur en scène doté d’une imagination florissante.
Avec Fredy Porras aux commandes, Chiacchiari risquait peu la déroute. Fin scénographe au regard avisé, Porras sait donner du volume au contenu. Ce que nécessitait justement cette «Preuve du contraire», brillante dans sa forme, nettement moins ambitieuse dans son propos.
Que raconte donc Chiacchiari? L’histoire d’un homme appelé «Le Sujet» (joué par Christian Scheidt, excellent) qui un soir de mauvaise fortune reçoit la visite de quatre intrus. Ceux-ci le somment de dénoncer son meilleur ami Théo pour un crime que ledit ami n’a sans doute pas commis.
Dix hypothèses
A partir de cette donnée de base, l’auteur développe dix hypothèses – déclinées en dix scènes – sur la probabilité de ce crime. Avec à chaque fois un retour à la case départ et un regain de tension introduit par le suspens, les fausses pistes, les rebondissements…
D’une hypothèse à l’autre, on retrouve des répliques et des situations identiques. Mais le ton, le comportement des personnages et l’architecture des scènes diffèrent.
Il est difficile ici de ne pas saluer l’habileté formelle de l’auteur, même si en la matière il a des devanciers. Que l’on songe, par exemple, à «Trois versions de la vie», la pièce de Yasmina Reza qui dans un tout autre registre (la comédie boulevardière) réussit à multiplier les regards sur une réalité en principe identique.
De cet exercice de style, Chiacchiari se sort donc très honorablement. Ce qui n’empêche pas son lecteur de se demander: quel message l’écrivain aurait-il voulu livrer?
A cette question qui traduit le sentiment de vacuité, Fredy Porras répond en truffant sa très drôle mise en scène de références à la bande dessinée, au thriller américain, à la comédie policière façon frères Coen (on pense à «Fargo»), aux personnages robotisés des films de science fiction, à la marionnette…
Autant d’expressions artistiques qui toutes ont traitées du crime. Chacune d’elles devenant sur scène la duplication à la fois inutile et nécessaire de l’autre. Inutile parce que déjà vue. Et nécessaire parce qu’elle anime encore et toujours le pauvre cirque humain.
swissinfo, Ghania Adamo
«La preuve du contraire», à Genève, Théâtre du Grütli; jusqu’au 30 mars. Tel: 022/328 98 78.
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