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Le Montreux Jazz Festival accompagne la relève

Premier vainqueur du concours piano solo de Montreux il y a dix ans, le Genevois Léo Tardin s'est installé à New York. sp

Montreux ne se résume pas à une programmation à rendre jaloux la planète entière. Le festival organise aussi des concours, utiles aux musiciens et peut-être à l'avenir du jazz, explique Stéphanie-Aloysia Moretti, cheffe de projet de la Fondation2 qui chapeaute ces opérations.

En 1999, un premier concours était ouvert aux pianistes de jazz (solo). La guitare et la voix ont suivi. Ainsi que, depuis cette année, une compétition ouverte aux talents des régions françaises et suisses des bords du Lac Léman.

swissinfo: Qu’est-ce qui a incité le Montreux Jazz Festival à organiser des concours?

Stéphanie-Aloysia Moretti: Le festival a toujours voulu profiter de sa chance d’avoir des musiciens sur place durant plusieurs jours. A Montreux, les musiciens aiment bien prendre des jours off. Beaucoup en profitent pour avoir des cartes blanches lors des workshops, dans l’idée de rencontrer différemment leur public.

Depuis quarante ans déjà, cela nous a permis de développer une palette didactique intéressante. Il y a dix ans, on s’est demandé comment aider et lancer les jeunes artistes à l’échelle mondiale. Le biais du concours nous est apparu le meilleur moyen, même si cette idée est absolument anti-jazz. Mais notre idée du concours est différente de celle des concours classiques.

L’automne, je fais une demande à tous les clubs, les conservatoires et écoles de jazz du monde entier, à des professeurs indépendants. Pour diffuser l’information, je travaille aussi avec les entités culturelles, les ambassades suisses à l’étranger et les ambassades étrangères en Suisse.

swissinfo: Le fonctionnement concret de ces concours?

S.-A.M.: Nous recevons une centaine de candidatures environ par catégorie (piano solo, guitare, voix) venant d’une cinquantaine de pays. Ces musiciens ont moins de 30 ans (35 pour la voix). Au-delà du jeu, les pianistes doivent aussi composer, les chanteurs-chanteuses et les guitaristes doivent arranger. Ils nous envoient une maquette avec leurs compositions personnelles, leurs arrangements, ainsi qu’une courte biographie.

Sur la centaine de candidats par catégorie, nous faisons venir à Montreux le groupe de tête – entre dix et quinze musiciens. Et c’est là qu’on essaie de faire de l’esprit. Ces musiciens ont plus ou moins le même niveau, le même âge, mais ne se seraient jamais rencontrés. Nous leur proposons un véritable échange culturel. On fait en sorte qu’ils vivent dans le même genre d’hôtel, qu’ils répètent ensemble, qu’ils aillent aux concerts ensemble, etc.

Il en sort des choses assez intéressantes. Il y a bien sûr les vainqueurs (1er, 2e, 3e prix et prix du public) mais tous les autres aussi vivent une expérience enrichissante. Nous ne perdons pas le contact avec eux et nous savons que cette idée d’échange culturel fonctionne.

La notion de continuité concerne aussi le jury. Nous demandons à des musiciens programmés dans les salles principales de rester comme membre des jurys.

Nous allons même un pas plus loin avec les gagnants des trois catégories. Ils se retrouvent ensemble en studio, à l’automne en Suisse, et se créent ensemble un répertoire.

Cette année, le pianiste est cubain, le guitariste italien et la chanteuse de République dominicaine. Ils ont dû trouver un langage commun. Avec un batteur et un bassiste, ils ont enregistré un CD collectif envoyé à toutes les directions de l’Association des festivals de jazz européens. Cet été, ils tournent dans ces festivals.

swissinfo: Ces concours découlent-ils aussi de la volonté de mieux imposer le label Montreux Jazz Festival sur la planète?

S.-A.M.: Ce n’était pas l’idée départ. Il ne faut pas oublier que notre directeur (Claude Nobs) est un «music lover» et qu’en général, il a pris ses décisions par amour de la musique. C’est sa motivation principale. L’idée était de voir ce que nous pouvions faire pour assurer le relève dans le milieu du jazz.

On peut estimer que les concours du festival de Montreux influent sur la relève du jazz et surtout sur le style du jazz. Le jazz est une musique codifiée américaine, une musique classique américaine. Mais il a bien sûr d’autres influences.

Chez nous, les vainqueurs sont souvent cubains, arméniens, roumains, bulgares. Ce qui relève de l’optique choisie: démystifier l’idée que le festival de jazz de Montreux usurpe son nom et faire ressortir cette autre idée que le jazz, comme le dit Claude Nobs, est un grand bouquet de fleurs, porteur de l’influence des musiques folkloriques.

Ces gens qui viennent du Nord ou de l’Est, avec leur patrimoine folklorique et culturel, gagnent chez nous. Ils nourrissent et font naître ce jazz. Le futur du jazz passe peut-être aussi par-là.

swissinfo: Parvenez-vous à mesurer l’impact de vos concours sur les scènes musicales et sur les musiciens?

S.-A.M.: Le vainqueur du tout premier concours par exemple, il y a dix ans, était un Suisse. Léo Tardin. Il a gagné une bourse qui lui a permis de partir aux Etats-Unis. Il n’est jamais revenu de New York. Nous l’avons invité le 12 juillet à Montreux. On a pu mesurer son évolution. Très clairement, Montreux lui a permis de faire ce dont il rêvait mais qu’il n’osait pas concrétiser.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson à Montreux

«Magnifique édition» et «qualité exceptionnelle» sont les mots des organisateurs pour qualifier cette 42e édition du Montreux Jazz Festival au moment du bilan. 87’000 billets ont été vendus.

Pour la deuxième année consécutive, le festival est dans les chiffres noirs après quatre ans de pertes (budget: 18 millions de francs). Ses organisateurs y voient la confirmation des choix stratégiques effectués en 2007 (réduction à deux scènes payantes notamment).

Aux côtés des «grands» comme Leonard Cohen, Joan Baez, Paul Simon, Alicia Keys ou du 75e anniversaire de Quincy Jones, des artistes «émergents» ont marqué cette édition – Adele, Sophie Hunger et Concha Buika notamment.

Fondateur du festival en 1967, Claude Nobs estime que le modèle de Montreux (pas de prix d’entrée global pour une enceinte mais une grande majorité de concerts gratuits) doit lui permettre de résister à l’inflation des festivals en Europe.

L’édition 2009 aura lieu du 3 au 18 juillet. Une soirée spéciale autour des 50 ans de la maison Island Records créée par Chris Blackwell est notamment prévue.

Né à Genève et exilé à New York depuis l’obtention de son bachelor à la New School University en 2000, Leo Tardin s’est produit avec des jazzmen tels que Roy Ayers, Frank Morgan, Toots Thielemans, Charles Tolliver, Enrico Rava, Maria João, Erik Truffaz et a co-dirigé un groupe avec l’harmoniciste Grégoire Maret.

Dans son premier album Grand Pianoramax, il explore les possibilités de la confrontation de divers claviers (Minimoog, piano syncopé, Fender Rhodes) et de la batterie, avec aussi divers invités poètes et rappeurs.

Concours, workshops, master class, événements spéciaux, patrimoine du festival: tous ces éléments hors de la programmation principale du festival sont chapeautés depuis 2007 par la Fondation2.

Reconnue d’utilité publique, cette entité bénéficie de soutiens privés et publics.

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