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Le silence des hommes

Roger (à gauche) et Adrien, pour un film tendre et humain. pardo.ch

Le réalisateur suisse Jean-François Amiguet a ouvert la compétition internationale à Locarno avec «Au Sud des Nuages».

Un voyage initiatique qui emmène un paysan valaisan jusqu’en Chine. Loin de son alpage. Et un peu plus près de lui.

Adrien vit là-haut, dans son alpage du Tsaté. Il vit dans son silence. Un homme de la terre. Un dur. Un paysan valaisan.

Roger, lui, est parti pour Genève, «parce que là-haut, il n’y a que deux saisons: l’hiver passé et l’hiver prochain». Il ne quitte jamais son badge du FC Servette.

Le hasard va faire se rencontrer ces deux hommes que rien ne réunit à priori.

Chaque année, Adrien part avec ses amis chasseurs faire un voyage. Une sortie de contemporains… Cette fois, ce sera la Chine. L’un d’eux doit renoncer et c’est Roger qui va partir à sa place.

Des vaches, encore des vaches

L’histoire débute en Suisse… ça on le comprend dès les premières secondes. Il y a les vaches, les combats de reines, le car postal. L’histoire se déroule. Lentement, très lentement.

«Il faut partir des clichés pour mieux leur tordre le cou ensuite, argumente Jean-François Amiguet. Nous avons voulu scanner l’âme des êtres, de ces paysans de montagne. Pour cela, il faut s’adapter à leur cadre et à leur rythme de vie.»

Le rythme du film, c’est celui du train qui emmène les personnages vers la Chine. Un parcours difficile – ils abandonnent les uns après les autres. Un parcours initiatique – il va leur permettre de s’ouvrir au monde et de sortir de leur mutisme.

Les taiseux

«Le pari de ce film était de montrer une humanité fruste et profonde, celle des hommes habitués à la solitude des montagnes et dont la dignité, face aux grands deuils de l’existence, consiste à se réfugier dans un silence obstiné», explique encore le réalisateur.

Et Jean-François Amiguet y parvient. Sans doute grâce au regard tendre qu’il porte sur ses personnages qui se révèlent progressivement.

Adrien (Bernard Verley), qui répond «où sont les toilettes?» quand on lui demande s’il a déjà pensé au mariage, va finalement accepter de dévoiler ses émotions.

«Il fallait trouver un comédien qui ait une présence forte, explique le réalisateur. Je crois qu’il prononce trois ou quatre mots! C’est incroyable tout ce qu’il sait faire passer par son regard.»

Quant à Roger (François Morel), il fait d’abord sourire sous son bob de beauf. Puis, il devient touchant.

«Il est différent des autres, les taiseux. Lui, il parle beaucoup. Il est capable de pleurer en public, raconte François Morel. Et puis, il évolue beaucoup, même physiquement, du début, où il est ridicule sur le quai de gare, jusqu’à sa rencontre avec la contorsionniste chinoise.»

Bref. «Au Sud des Nuages» est un film simple. Un film tendre et humain. «Il ressemble à Jean-François Amiguet», conclut François Morel.

swissinfo, Alexandra Richard, Locarno

A propos de Jean-François Amiguet:

Né en 1950 à Vevey, Jean-François Amiguet étudie les Sciences Politiques à l’Université de Lausanne avant de se lancer dans le cinéma.
Il sera alors technicien sur plusieurs films, entre autres pour Alain Tanner, Marcel Schüpbach et Yves Yersin.
En 1991, il fonde, avec Bertrand Liechti, la société de production Zagora Films SA à Genève.

Filmographie:

1971: Petit film ordinaire (court métrage)
1973: Prolongation (court métrage)
1977: Le gaz des champs (documentaire)
1978: La jacinthe d’eau (documentaire)
1982: Alexandre (long métrage)
1985: Au 10 août (documentaire)
1987: La méridienne (long métrage)
1990: Les pionniers (documentaire)
1992: L’écrivain public (long métrage)
1997: Cinq Corners Penalty (documentaire)
2000: L’écharpe rouge (court métrage)
2003: Au sud des nuages (long métrage)

A propos de François Morel:

François Morel commence sa carrière de comédien au théâtre. A la fin des années 80, il entre dans la troupe des Deschiens. C’est grâce à l’émission télévisée des Deschiens sur Canal plus qu’il se fera remarquer.

Parallèlement, il commence à faire des apparitions au cinéma, comme dans ‘Une journée chez ma mère’ en 1993, ‘Le Bonheur est dans le pré’ d’Etienne Chatiliez (1995), ‘Fallait pas!…’ de Gérard Jugnot (1996) et Alliance cherche doigt de Jean-Pierre Mocky (1997).

L’année dernière, François Morel a donné la réplique à Jean-Pierre Darroussin dans la comédie ‘Ah! si j’étais riche’ de Michel Munz et Gérard Bitton.

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