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Le tournage, un voyage initiatique aussi…

Pour réaliser «Au Sud des Nuages», Jean-François Amiguet est parti six semaines, seul, en repérage.

De son village valaisan jusqu’à Pékin, il a découvert que, finalement, il ressemblait à ses personnages, plus qu’il ne l’imaginait. Interview.

swissinfo: Pourquoi avez-vous eu l’envie de raconter cette histoire-là?

Jean-François Amiguet: J’avais envie de voyager, de me balader avec des hommes apparemment très différents de moi. Des hommes de la montagne, plus âgés que moi. Parce que je trouve poétique le décalage qu’il y a à placer des hommes qui sont dans la tradition suisse dans des lieux improbables. Tout à coup, il y a une forme d’humour qui naît de ce décalage. Les déplacer me fait aimer ces traditions, ces clichés.

swissinfo: Vous vivez dans un petit village valaisan. Ces hommes-là, les avez-vous rencontrés?

J.-F. A.: Ils existent. Mais, bien sûr, ce n’est pas un documentaire, c’est une fiction. Il y a tout un travail autour du scénario. Anne Gonthier et moi avons essayé de scanner l’âme de ces êtres.

Plutôt que de dire des banalités sur l’alcoolisme ou le suicide, qui ressembleraient à un séminaire de sciences politiques, on a voulu voir avec tendresse ce qui les constituait tout au fond.

En les aimant, on a pu apercevoir que ce qui ressortait c’était une forme de mutisme, de silence intérieur, et donc de solitude, qui les empêchait de vivre.

En fait, on a essayé de raconter une fable sur le silence des hommes. Raconter comment à travers un voyage, qui devient initiatique, ces hommes cassent les murs qui les enferment pour s’ouvrir au monde et se mettre à parler de leur intimité.

swissinfo: Finalement, qu’est-ce qu’il y a au bout du voyage, au Sud des nuages?

J.-F. A.: On trouve peut-être une façon de respirer plus librement sa propre vie et de laisser derrière soi les gros nuages noirs.

Et la trajectoire d’Adrien qui se décide finalement à parler, à une femme chinoise qui ne comprend pas un mot de sa langue, est une façon de se libérer.

swissinfo: Un seul va jusqu’au bout, Adrien. Pourquoi lui?

J.-F.A: Parce que ce dont il souffre au départ est peut-être plus grave que ce que vivent les autres. Donc son drame intérieur est tel qu’il ne peut plus se dérober. Il doit aller au bout du voyage. Il sait que c’est le prix à payer pour retrouver un sens à son existence.

Les autres ne sont pas encore à ce carrefour de leur existence où la nécessité s’impose d’aller tout au bout.

swissinfo: Pour réaliser ce film, vous êtes parti seul pendant six semaines en repérage. Un voyage initiatique aussi?

J.-F.A.: Le film s’est fait en slalomant dans le réel… Avec quelques difficultés.

Je suis un garçon qui s’exporte assez mal. Je ne parle pas les langues, j’aime mon confort, j’ai peur partout, j’ai peur d’aller en avion.

Pour moi, un voyage ressemble beaucoup à ce que les personnages ont pu ressentir. Ce voyage, seul, en train, a été un immense choc. J’ai énormément appris.

swissinfo: Qu’avez-vous découvert?

J.-F. A: Ce qui c’est passé est assez magique. Au départ, je pensais que ces personnages étaient très loin de moi.

Et, en écrivant le scénario avec Anne Gonthier, je me suis aperçu que, d’une certaine façon, ce qui se passait dans leur tête se passait aussi chez moi. Ces hommes de la montagne… Je m’y retrouve.

Interview swissinfo: Alexandra Richard

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