Les années Tanner de retour au Quartier latin
A l’occasion de la sortie de «Paul s’en va», nouveau film d’Alain Tanner, le cinéma Saint André des Arts, à Paris, reprogramme «La Salamandre».
Un film qui, en 1971, avait fait les belles heures de la salle parisienne et rendu célèbre le réalisateur genevois.
Le nouveau film d’Alain Tanner, «Paul s’en va», sort mercredi 28 janvier. A cette occasion, le cinéma Saint André des Arts, rue Gît-le-Cœur, en plein Quartier latin, se souvient de ses débuts en programmant «La Salamandre».
Car c’est avec «La Salamandre» que ce légendaire cinéma d’art et d’essai, qui comporte aujourd’hui trois salles, avait été inauguré en 1971. Le film y fut projeté durant une année entière, réunissant 200’000 spectateurs.
Roger Diamantis, le propriétaire, qui avait vu «Charles mort ou vif» deux ans auparavant, s’était enthousiasmé pour ce film. Cherchant à rencontrer le réalisateur suisse, il le croise lors du Festival de Cannes, par hasard selon la légende.
L’affaire est conclue. «La Salamandre» va lancer le Saint André des Arts, et le Saint André des Arts participer largement au succès français d’Alain Tanner.
Au bon moment, au bon endroit
Une année de programmation, cela signifie une belle convergence entre un film, une salle et un public. Roger Diamantis a-t-il une explication? «Ce film arrivait au bon moment. Trois ans après mai 68, cela fonctionnait très bien.»
«On y parlait de choses graves, le racisme, le travail, des choses très actuelles encore aujourd’hui, mais sur un ton sérieux et drôle à la fois. Les gens riaient. C’était le film que les gens attendaient».
Pourquoi le cinéma romand de l’époque a-t-il eu un tel succès? Parce que la collaboration entre des personnalités comme Tanner, Goretta, Soutter brassait les idées, répond Roger Diamantis.
Et aussi parce qu’en France, on ne parlait guère de la Suisse, sinon en termes de banques, de chocolat et de montres. Et ces cinéastes-là ont su casser le cliché avec talent.
Et puis la présence de comédiens connus en France – Bulle Ogier dans «La Salamandre», Marie Dubois dans «Les arpenteurs» – soulignait un cousinage franco-suisse qui contribua à faire se déplacer le public.
Les temps changent
Dès le 28 janvier, le Saint André des Arts propose donc «La Salamandre» et «Paul s’en va», un nouveau film réalisé à partir d’un scénario de l’écrivain Bernard Comment.
L’action de «Paul s’en va» se déroule dans l’enceinte de l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique de Genève, et les 17 comédiens présents sont issus de l’établissement. Ce long métrage est l’occasion pour Alain Tanner d’aborder encore un peu plus le thème du passage de témoin, qui traverse une large partie de son œuvre.
Qu’est-ce que Roger Diamantis attend de ce nouveau film de Tanner? «Je pense que cela va être difficile. Le film est bien, mais destiné à un public plus restreint, je crois. Encore qu’on peut avoir une surprise… En projetant également ‘La Salamandre’, on va peut-être pouvoir créer un climat particulier autour de ces deux films.»
On le souhaite, pour Alain Tanner, et pour Roger Diamantis. Car faire survivre aujourd’hui un cinéma d’art et d’essai au cœur du Quartier latin est un combat quotidien. D’ailleurs, Diamantis, retraité, travaille bénévolement dans son propre cinéma.
Pour de telles salles, on parle généralement de «cinémas indépendants». A l’heure actuelle, «cinéma de résistance» serait plus juste.
swissinfo, Bernard Léchot
– Dès le 28 janvier, le cinéma Saint André des Arts, à Paris projette «Paul s’en va», nouveau film d’Alain Tanner, et «La Salamandre», signé par le cinéaste genevois en 1971.
– «La Salamandre» avait été le premier film projeté par le célèbre cinéma d’art et d’essai, et était resté une année à l’affiche.
– Alain Tanner est né en 1929. Etudie les sciences économiques à l’université de Genève, et signe son premier film avec Claude Goretta en 1957.
– Parmi ses œuvres les plus connues: «Charles, mort ou vif» (1968), Le retour d’Afrique (1973), «Jonas, qui aura vingt-cinq ans en l’an 2000» (1976), «Les Années lumières» (1981), «Dans la ville blanche» (1983), «Fourbi» (1995).
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