Des perspectives suisses en 10 langues

Les voyages extraordinaires du MEG l’enchanteur

Masque initiatique de Zambie, d'avant 1930.

Le Musée d'ethnographie de Genève invite ses visiteurs à suivre le fil rouge, à même le sol, à l'entrée de «Medusa en Afrique», exposition de cent vingt masques et sculptures, témoins magnifiques de l'art africain de la fin du 19e au début du 20e siècle.

Boris Wastiau, anthropologue et conservateur des départements Afrique et Amériques, a conçu l’exposition du MEG, à voir jusqu’au 31 décembre 2009, en choisissant des pièces exceptionnelles du musée. Nouveau directeur du musée genevois dès février 2009, il met en scène le pouvoir de fascination que ces masques et sculptures continuent à exercer sur le spectateur d’aujourd’hui.

«Le parti pris de l’exposition consiste à proposer une manière différente de présenter les objets. Au départ de l’agrandissement du musée, c’est une excellente occasion de mettre l’accent sur ces sculptures», explique Boris Wastiau.

«Il s’agit pour le MEG de montrer la richesse de ses collections, de les protéger et de convaincre. Ces masques et sculptures sont des pièces majeures du musée et sont là pour dire que le musée peut captiver le public avec des œuvres d’exception».

Avec «Medusa en Afrique» et «la sculpture de l’enchantement», le MEG tisse des liens entre son espace actuel et son agrandissement à venir, ces prochaines années.

L’espace de l’exposition accueille les visiteurs en mettant la scénographie et les lumières au service des objets. La mise en scène représente le voyage rituel qui permet au public de se laisser prendre, étape après étape, par l’attrait des masques et sculptures. Ce parcours initiatique mène à la rencontre avec l’art africain à travers l’une de ses facettes.

Un conte initiatique

A l’arrivée, au bout d’un long couloir sombre, un masque faiblement éclairé fascine et tient à distance le visiteur qui s’engage dans la salle où sont réunis les masques, têtes sans corps, à la fascination dangereuse.

Le mythe grec de Persée, chargé de tuer la Gorgone Medusa, sert de fil conducteur à la visite. Armé d’un bouclier poli comme un miroir, Persée évite le danger du regard de la Méduse et lui tranche la tête. Au-delà de la mort, l’œil de la Méduse continue à pétrifier ceux qui affrontent son regard. Sous ce thème du pouvoir du regard se poursuit la révélation des sculptures et de leur puissance d’enchantement.

Des rideaux noirs forment des espaces veloutés et denses, des «salles» où les sculptures sont visibles. Couleur du mystère, le noir met en avant la force qui émane des objets. «Les objets doivent être au centre. Si on adopte un point de vue moins centré sur l’être humain (anthropocentrique), on peut penser que c’est la force des objets qui les protège», note Boris Wastiau.

Eclairer les objets

«La qualité des éclairages est essentielle, car elle doit donner au public la possibilité de percevoir les masques et sculptures dans leur qualité originelle», déclare le conservateur. Dans leur contexte, ils étaient chargés d’agir sur le monde.

La scénographie et les lumières, confiées au bureau d’architectes, Croubalian, Delacoste et Neerman, éclairent la progression de la découverte des œuvres et de leurs fonctions rituelles, initiatiques, thérapeutiques et religieuses, notamment.

«Ce sont des œuvres qui permettent de gérer le rapport à l’autre», affirme Boris Wastiau. Les statues de la fertilité, les cultes thérapeutiques règlent des relations qui seraient délicates, voire dangereuses sans leur intervention.

«Concernant les chimères, leur faculté de métamorphose n’est pas si différente de la transformation des Batman et des Spiderman pour accomplir des exploits qu’ils ne pourraient faire sous leur apparence habituelle».

La mise en scène est peut-être ce bouclier qui, au terme de l’exposition, permet au public d’entrer dans une vision différente et de se laisser enchanter jusqu’au bout. A moins que le public, comme Persée, doive ruser pour connaître l’enchantement sans risquer de rester pétrifié. Comme dans les rituels, la magie agit par l’objet dans le regard du spectateur.

Un écrin plus spacieux

Le Musée d’ethnographie de Genève, inauguré en 1901, connaîtra ces prochaines années un espace agrandi pour mieux mettre en valeur les joyaux de sa collection.

Le Neuchâtelois Jacques Hainard continuera à participer à cette étape aux côtés du nouveau directeur, Boris Wastiau et de l’équipe du musée. L’exposition actuelle du MEG représente donc également un rite de passage entre les deux directions, du musée actuel à son agrandissement, dans la continuité d’une démarche résolument tournée vers le présent et le futur.

swissinfo, Sima Dakkus

Choisis parmi les 16’500 pièces de sa collection, le MEG présente jusqu’au 30 décembre 2009 120 masques et sculptures. Des pièces venant principalement d’Afrique subsaharienne de la fin du 19e et du début du 20e siècle, acquises entre 1922 et 1989.

«Medusa en Afrique, La sculpture de l’enchantement» est le titre du catalogue de textes de Boris Wastiau et photos de Johnathan Watts, disponible aussi en version anglaise.

Parmi les expositions, «Nous autres» est présenté au Musée d’ethnographie de Budapest et «Le vodou, un art de vivre», actuellement au Tropenmuseum d’Amsterdam, poursuit son voyage en Europe jusqu’en 2011.

Boris Wastiau, Belge de 38 ans, succèdera à Jacques Hainard à la tête du MEG en février 2009.

Diplômé en sciences sociales et anthropologie de l’Université libre de Bruxelles et docteur en anthropologie de l’art de Norwich, en Grande-Bretagne, il a une formation mixte d’africaniste et d’américaniste.

Il a mené des recherches en Afrique centrale, en Zambie, en Angola, au Rwanda, au Brésil et au Surinam.

Il a été conservateur à la section d’ethnographie du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren, en Belgique et a collaboré à la réalisation de nombreuses expositions et publications.

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision