Louis de Funès, bel éclairage romand
Au Théâtre de Vidy-Lausanne, Sandra Gaudin et sa compagnie Un Air de rien rendent hommage à l’immense acteur populaire. Leur spectacle, en tournée romande, redore le blason d’un comique boulevardier français, aujourd’hui appauvri par la vulgarité.
Louis de Funès survole l’éternité avec comme viatique son rire franc, saccadé, joyeux, étonné, agacé, solennel, goguenard… Un rire reconnaissable entre mille, semblable à une suite de notations mélodiques qui résonnaient l’autre soir à Vidy comme un salut amical au public.
Là-haut, dans le ciel du théâtre, Louis de Funès rit. En cette fin de représentation, il apparaît auréolé d’étoiles. Une effigie? Non, juste un paraphe apposé à un spectacle généreux, intelligent, très drôle, comme le fut le jeu de Louis de Funès. Comme l’est aussi celui de cinq comédiens romands qui livrent ici un portrait très juste et très accrocheur de «Louis Germain David de Funès de Galarza».
Un nom à particules qui dit les origines espagnoles et nobles de la star française. Qui donne aussi son titre à ce spectacle signé Sandra Gaudin et joué par Shin Iglesias, Anne-Catherine Savoy Rossier, Pierre Mifsud (prodigieux), Fred Mudry et Christian Scheidt. Chacun d’eux est un tourbillon qui se transforme en mille visages.
Chefs tyranniques, soubrettes sottes
Les garçons d’abord. Tour à tour chef tyrannique, gendarme buté, fossoyeur maladroit, père sourcilleux, ils s’échangent, à une vitesse vertigineuse, les multiples rôles de la star du comique. Coiffés à la Louis de Funès, ils envoient leur texte assis, couchés, debout, soupirant dans un râle, criant comme un chien à la mort.
A leurs côtés, les filles, des personnages récurrents, vus souvent dans les films de Louis de Funès. Elles jouent les épouses zélées et naïves, les fiancées passablement garces, les soubrettes sottes. Leurs personnages sont interchangeables, là aussi, mais identifiables au premier geste, à la première mimique ou démarche.
On reconnaît ainsi Dominique Page, Claude Gensac, Claude Rich, Michel Galabru, Paul Préboist, et tant d’autres acteurs qui jouèrent dans les films de Louis de Funès. Chacun trouve sa place dans le spectacle. Tout y passe, par flashs ou par séquences entières: la série des «Gendarmes», «La Grande vadrouille», «Les Aventures de Rabbi Jacob», et surtout «Oscar», «Jo» et «Pouic Pouic». On aurait dit des dizaines de bobines enchevêtrées, dont se dégage avec une netteté époustouflante la figure de Louis de Funès, l’universalité de sa personne et de son talent.
La star du comique vit dans la mémoire collective qui se réveille le temps d’une représentation. De la salle surgit, à un moment donné, un homme. Il se jette sur les planches et dit vouloir lui aussi imiter de Funès, qu’il connaît par cœur. On le laisse faire. Il s’exécute avec beaucoup d’ardeur.
«Un trapéziste de l’âme comique»
L’énergie folle dépensée par les comédiens sur la scène est à la hauteur de leur ambition: dire que le théâtre peut réussir en deux heures ce que le cinéma offre en une semaine (ou plus) lorsqu’il organise une rétrospective honorant tel ou tel artiste.
A sa manière, chaleureuse et légère, Sandra Gaudin et sa compagnie Un Air de rien rendent hommage à «un athlète du rire», à «un trapéziste de l’âme comique»; à celui qui railla les travers des hommes en jouant «dans la majorité de ses films un petit chef mesquin, obsédé par le pouvoir et l’appât du gain»; à celui que l’écrivain franco-genevois Valère Novarina (cité dans le spectacle) considère comme un «Louis de Funèbre et de Lumière»; à celui qui inspira ces mots à Nicolas Sarkozy: «Je serai un président comme Louis de Funès dans «Le Grand restaurant»: servile avec les puissants, ignoble avec les faibles. J’adore».
Nous aussi on adore, pas pour les mêmes raisons bien sûr. On adore ce spectacle romand qui, l’air de rien, redore le blason d’un comique boulevardier français, appauvri aujourd’hui par un humour vulgaire et laborieux.
«C’est pour la première fois, je crois, que Louis de Funès fait l’objet d’une mise en scène», nous confiait l’autre soir Sandra Gaudin. Son spectacle qui ira à Monthey, Fribourg et Genève, après Lausanne, mérite un passage par la France. Cela a failli se faire pour sa précédente création «Pierrot le fou», le film de Jean-Luc Godard que Sandra Gaudin adaptait à la scène il y a 3 ans. «A Paris, le Théâtre du Rond-Point s’y était intéressé, mais le projet n’a pas abouti», regrette la jeune Vaudoise. Aura-t-elle plus de chance avec de Funès? On l’espère.
«Louis Germain David de Funès de Galarza ». A voir au Théâtre de Vidy-Lausanne, jusqu’au 13 février.
Théâtre du Crochetan, Monthey, le 25 février
Théâtre Nuithonie, Fribourg, du 8 au 10 avril
Théâtre du Loup, Genève, du 14 au 21 avril
Metteuse en scène
et comédienne vaudoise, elle suit les cours du Conservatoire de Lausanne puis termine ses études à l’INSAS, à Bruxelles.
Prix.
Après sa formation, elle crée et coécrit des spectacles, dont «Camping et petites fourmis», qui reçoit un prix de la Société Suisse des Auteurs.
Pièce.
Parallèlement, elle joue sous la direction de Denis Maillefer, Nicolas Rossier et Geneviève Pasquier.
Compagnie.
Avec ses partenaires comédiens, elle fonde la Compagnie «Un Air de rien» qui monte des pièces confrontant scène et vidéo.
Films.
Le travail sur l’image l’intéresse. Elle réalise des films et joue au cinéma.
Succès.
Ses deniers spectacles «Je vais te manger le cœur avec mes petites dents», et « Pierrot le fou » ont rencontré en Suisse romande beaucoup de succès.
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