Luc Bondy, pleins feux sur la terreur

Luc Bondy et Martin Crimp. Ruth Waltz

Le metteur en scène zurichois est invité à présenter à Lyon «Cruel and Tender » du dramaturge anglais Martin Crimp.

L’artiste et l’écrivain ont pensé ensemble cette pièce qui s’attaque aux extrémismes, source de violence.

Pour certains auteurs dramatiques, la question du terrorisme est devenue un des passages obligés de toute réflexion sur le fanatisme et l’exacerbation des passions.

Ceux qui parmi les écrivains ont compris les conséquences de la terreur sur le monde prennent volontiers position contre cette machine infernale.

Pour preuve «Opération Métastases», la pièce du dramaturge romand Dominique Ziegler, jouée au Théâtre de Carouge, à Genève. Autre témoignage, celui de l’auteur anglais Martin Crimp (48 ans) dont la pièce «Cruel and Tender» a été donnée en création mondiale, la saison dernière, à Londres.

Parler des extrémismes

C’est le Zurichois Luc Bondy qui en assurait la mise en scène. Et c’est cette même version qui fut présentée fin septembre à Paris, avant son passage à Lyon, programmé du 13 au 17 octobre, au Théâtre National Populaire.

Depuis quelque temps, une complicité lie Luc Bondy, un des ténors de la mise en scène en Europe, et Martin Crimp, dramaturge engagé dont les écrits questionnent avec virulence notre quotidien.

Déjà en 2002, le Zurichois révélait Crimp au public alémanique en montant au Schauspielhaus de Zurich « Auf dem Land » (‘La Campagne’) de l’auteur anglais.

Aussi, c’est à ce dernier que Bondy s’est tout naturellement adressé lorsqu’il a voulu parler des extrémismes qui génèrent tant de violence aujourd’hui.

On peut même dire que le metteur en scène et l’écrivain ont pensé ensemble « Cruel and Tender ». Le premier ayant en quelque sorte guidé l’inspiration du second en lui suggérant, en amont de sa pièce, la lecture des ‘Trachiniennes’ de Sophocle.

L’Irak et le suicide de David Kelly

A la presse française, le Zurichois confiait d’ailleurs récemment: «J’ai donné à Crimp la pièce de Sophocle et il m’a dit: ‘Mais cela ressemble à mon théâtre!’. Ensuite, il est passé à l’écriture. C’était au moment du déclenchement de la guerre en Irak et du suicide de David Kelly, l’expert en armements».

Des ‘Trachiniennes’, l’Anglais n’a gardé que l’ossature. Déjanire, épouse d’Héraclès, guerrier farouche, souffre de l’absence de son mari toujours sur les lieux du conflit.

Un jour qu’elle le soupçonne de trahison conjugale, elle décide de le récupérer en lui envoyant une tunique trempée dans un philtre d’amour. Erreur: le philtre s’avère être un poison.

Une transposition d’identité

Réinventée par Crimp, Déjanire devient Amélia et son mari Héraclès s’appelle Le Général. Cette transposition d’identité s’accompagne d’un ancrage dans notre réel que Bondy a enfermé dans un bunker. Un lieu coupé du monde et habité par une population (Amélia, son fils, ses suivantes…) victime de psychoses que Le Général entretient.

Ce bunker ne protège de rien. Au contraire, il finit par céder devant la fièvre rageuse du Général dont les propos pourraient aisément être mis dans la bouche d’un George Bush.

Jugez plutôt: « Par le feu, j’ai débarrassé le monde du terrorisme (…), je l’ai traqué dans le désert à la lueur des étoiles(…), je l’ai enfumé pour le faire sortir de sa grotte… ».

Résultat: une famille, en l’occurrence l’Amérique, déboussolée; et un monde, le nôtre, disloqué.

swissinfo, Ghania Adamo

Faits

«Cruel and Tender», à voir à Lyon, Théâtre National Populaire, du 13 au 17 octobre.
Tel: [phone].