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Maurice Béjart: dernier pas de deux avec la mort

Keystone Archive

Le chorégraphe français est mort à 80 ans dans la nuit de mercredi à jeudi à l'hôpital universitaire de Lausanne (CHUV). Il souffrait de problèmes cardiaques et rénaux.

Hommages et réactions de tristesse en Suisse notamment, où ce créateur très populaire vivait et dirigeait sa compagnie depuis 1987.

«Il est sans doute déjà en train de faire danser les étoiles», a déclaré l’ancien danseur français Patrick Dupond, qui a notamment interprété le «Boléro», l’une des plus célèbres créations du chorégraphe.

Le ministre suisse de la Culture a déclaré que sa mort représentait une grande perte pour l’art et la danse. Pascal Couchepin a également estimé que le chorégraphqe avait marqué la vie culturelle du monde entier et que sa venue en Suisse avait été une grande chance.

L’art du XXe siècle

Hospitalisé depuis plusieurs jours au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne, Maurice Béjart avait dû réduire son activité au Béjart Ballet Lausanne depuis quelque temps déjà. Il a finalement esquissé son dernier pas de deux avec la mort à 80 ans.

Né à Marseille en 1927, Maurice Béjart s’était installé à Lausanne en 1987. Figurant parmi les plus grands chorégraphes du 20e siècle, il avait pour ambition de faire de la danse «l’art du XXe siècle.»

«J’ai sorti la danse des salles d’opéra pour l’implanter au Palais des sports, aux Jeux Olympiques, au Festival d’Avignon», aimait-il dire, fier d’avoir fait connaître sa discipline à un large public.

Changer la danse

Avec ses yeux d’un bleu perçant, sa carrure de colosse et sa barbichette pointue, Maurice Béjart, qui s’était converti à l’islam en 1973, se sentait investi d’une mission quasi messianique. Conservant la technique classique, il a changé l’esprit de la danse, qu’il a rendue à la fois sacrée et sensuelle.

S’il a révolutionné le spectacle vivant dès sa première création, «Symphonie pour un homme seul» en 1955, Maurice Béjart a aussi permis à ses danseurs de prendre vie et de laisser libre cours à leur sensibilité.

Dénonçant un art «coupé des masses», il a favorisé le remplacement du tutu par le collant et l’irruption du blue-jeans sur scène, sans jamais céder devant la réticence des cercles traditionnels.

Partir dignement

Ses réalisations ont fait le tour du monde, mais toutefois sans jamais parvenir à l’imposer dans les pays anglo-saxons. Mais Maurice Béjart a avant tout construit sa carrière en Belgique, où il a dirigé sa troupe durant 27 ans, et en Suisse.

Il était sans doute «le créateur chorégraphique le plus populaire de tous les temps», a ainsi souligné le journaliste spécialiste de la danse Jean-Pierre Pastori sur les ondes de la radio suisse romande. Il va manquer.»

«Très triste», cet ami du danseur ne cache toutefois pas «qu’il valait mieux que les choses ne se prolongent pas». «Ses forces déclinaient et il souffrait, a-t-il révélé dans son hommage radiophonique. Maurice Béjart est allé si haut qu’il devait partir dignement.»

De son côté, l’écrivain belge François Weyergans, proche ami du chorégraphe, a salué un «créateur d’une fécondité exceptionnelle». «Très peu de gens ont travaillé autant que lui», a ajouté François Weyergans, qui était au côté du créateur au moment de sa mort, «cette nuit à 00h25 au CHUV de Lausanne.»

Transmettre son art

Déconcertant par la variété de son inspiration, l’artiste à la barbichette a créé quelque 140 chorégraphies, qui toutes expriment sa passion du voyage et son goût du métissage. Ses créations, parfois démesurées, mêlent les genres – cinéma, théâtre ou opéra – et traversent diverses époques, styles et civilisations.

Pédagogue, Maurice Béjart a aussi tenu à transmettre son art. Ses deux écoles – dont le nom fait référence à des divinités indiennes – «Mudra» à Bruxelles (1970) et Dakar (1977), «Rudra» à Lausanne (1992), ont formé quelques-uns des plus grands danseurs contemporains.

Reste que le fait qu’on l’ait statufié de son vivant l’amenait surtout à une sorte de schizophrénie étonnée: «On me demande toujours de parler de Béjart… alors finalement, cela devient un objet qui s’est détaché de moi. Le soir dans mon lit, c’est moi, mais lorsque c’est ce monsieur qu’on couvre d’honneurs ou d’opprobre, je ne sais pas très bien qui c’est», avait-il confié à swissinfo il y a quelques années.

swissinfo et les agences

Né à Marseille le 1er janvier 1927, Maurice Béjart est le fils du philosophe Gaston Berger. Il entre très tôt dans la danse «comme au monastère», dit-il.

Maurice Béjart apprend son métier dans sa ville natale, à Paris et à Londres. Il obtient aussi une licence en philosophie.

En 1945, il débute à Marseille et, en 1951, monte «Symphonie pour un homme seul» avec sa propre compagnie, les «Ballets de l’Etoile».

En 1960, celle-ci devient le ‘Ballet du XXe siècle’ et se produit au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles.

Les créations chorégraphiques les plus marquantes de cette époque sont le «Boléro», avec Jorge Donn en soliste, la «Messe pour le temps présent» et «L’Oiseau de feu».

En 1987, la compagnie de Maurice Béjart devient le ‘Béjart Ballet Lausanne’ à l’occasion du déménagement du chorégraphe dans la capitale vaudoise.

Maurice Béjart a créé quelque 200 spectacles. Il a également mis en scène des pièces de théâtre et des opéras. Il a également réalisé des films, publié plusieurs livres et monté des chorégraphies dans le monde entier.

Parmi une foule d’autres distinctions, il a notamment reçu, en 1993, le «Praemium Imperiale» du Japon, considéré comme le Prix Nobel des Arts.

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