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Paléo, le monstre sympathique

En 1980, Paléo fleure encore bon Woodstock... Image tirée du livre, D. R.

Livre bilan, livre souvenir, «Paléo – Au cœur de la légende» raconte les 30 premières années du Paléo Festival de Nyon. Du modeste et couvert «First Folk Festival» au gigantesque open air qui, depuis plusieurs années, se joue à guichets fermés.

L’été, en Suisse romande, on ne va pas voir l’artiste X ou Y à Nyon. Non, on va «au Paléo». Là où, à fin juillet, naît chaque année une ville qui, en termes de population, peut rivaliser avec Fribourg ou Neuchâtel, soit environ 30 à 35.000 habitants. En l’occurrence, on dit ‘festivaliers’.

Au-delà des artistes invités, vedettes en devenir ou stars confirmées, les visiteurs viennent pour participer à l’événement. Pour s’immerger dans la fête. Se saouler de mouvement, de bruit, de foule, de retrouvailles, de rencontres. Et tant mieux si la musique est là pour faire prendre la sauce.

Le «Paléo», un événement musical sans doute, mais largement dépassé par sa dimension sociale, un événement qui voit jeunes et vieux, néo-punks et babas, «yo», gothiques et autres amateurs de chanson française se croiser aux hasard des scènes et des stands de kebab ou de crevettes à la sauce aigre douce.

Une dimension que Daniel Rossellat et ses compères n’avait sans doute pas envisagé au début des années 70, lorsque après avoir fait venir à Nyon le «Bluegrass Connection», ils parvinrent à faire se déplacer Maxime Le Forestier, puis Claude Nougaro, tout en rêvant de monter un festival…

Folie et pragmatisme

Encore que. Leur modèle, à l’époque, s’appelle «Woodstock», qui fut un événement largement aussi sociétal que musical.

Cette génération-là a été marquée à vie par ces «3 days of peace & music», qui se sont tenus en 1969 aux Etats-Unis. Et du fond de sa petite cité vaudoise, Daniel Rossellat a des rêves plein la tête. Or Rossellat est un «idéaliste concret», selon la formule de Pierre-Louis Chantre, l’auteur des textes du livre.

Cet idéalisme concret va traverser toute l’aventure Paléo. Comment construire une machine à faire rêver, à faire danser, à faire aimer, mais une machine quand même. De plus en plus lourde, de plus en plus complexe, de plus en plus ambitieuse. Garder en tête la finalité de la machine, mais ne pas négliger ses boulons. Folie et pragmatisme.

C’est en sachant maîtriser ces deux paramètres que Daniel Rossellat et ses équipiers, en particulier le copain de toujours Jacques Monnier, programmateur musical de la manifestation depuis sa première édition en 1976, vont parvenir à faire du Paléo Festival le monstre sympathique qu’il est devenu aujourd’hui.

Du sépia au noir blanc

«Paléo – Au cœur de la légende», à travers la plume de Pierre-Louis Chantre, raconte tout cela, année après année. Et 250 photos illustrent son propos. En sépia, pour les années pré-festival, Rossellat presque encore ado et Le Forestier plus hirsute que jamais.

En noir et blanc pour les années 1976-1989. C’est-à-dire la 1ère édition, sous le toit de la salle communale de Nyon (Malicorne, John Renbourn), et les suivantes, à Colovray, sur la rive du Lac Léman.

Les visages de François Béranger, Buffy St-Marie, Richie Havens, Bernard Lavilliers, Rory Gallagher, Renaud, Stray Cats, Cure, Stephan Eicher, Ray Charles défilent…

Et puis ces images venues en droite ligne du modèle Woodstock: hamacs suspendus dans les arbres, jupes longues et chemises indiennes tourbillonnant au rythme des danses, barbus en tous genres, jeune femme aux seins nus, juchée sur les épaules de son compagnon, le regard tendu vers la scène…

En couleur

Paléo aurait pu mourir avec la fin des années 80. Pas par manque de public, mais par manque d’espace. Les différends avec les propriétaires du terrain de Colovray ont plombé, pour les organisateurs, la seconde moitié des eighties.

Avec les années 90, le festival émigre sur les hauteurs de Nyon, sur un vaste terrain longeant un petit ruisseau, l’Asse. C’est là que la manifestation va trouver son assise définitive, et connaître l’envol qu’on lui connaît.

Victime de son succès, Paléo va introduire dès 1996 une limitation à 35.000 du nombre de spectateurs – payants – quotidiens. Une mesure délicate et dangereuse… qui finalement, «boostera» son succès. Depuis l’édition 2000, Paléo se joue à guichets fermés, et chaque année, il faut être un peu plus rapide pour avoir une chance de participer à l’événement…

L’iconographie du livre, alors, éclate de couleurs. Johnny Clegg, Miles Davis, Neil Young, Chrissie Hynde, Bob Dylan baignant dans le rouge, Pleymo en lévitation, les Chedid père et fils, Manu Chao, Peter Gabriel («l’un des plus vieux rêves du Paléo»), la liste ne peut être qu’incomplète.

«Paléo – Au cœur de la légende» se conclut par un long chapitre consacré à la 30ème édition, le texte racontant le compte à rebours de cette édition maousse, les images évoquant les artistes (de Juliette à Rammstein!), mais surtout le gigantisme des infrastructures et l’esthétisme de la fête.

Cerise sur le gâteau: le livre est accompagné d’un CD, réalisé par la Radio suisse romande. Des sons d’époque, mais aussi les témoignages parfois hilares, parfois émus, d’une bande de copains qui, partis de pas grand chose, ont su fabriquer l’une des plus grosses mécaniques festivalières d’Europe, apparemment sans y perdre leurs rêves.

Bernard Léchot, swissinfo.ch

Pendant la période des fêtes, swissinfo vous présente quelques ‘beaux livres’ parus en 2005.
«Paléo – Au cœur de la légende» est publié aux Editions Favre. L’histoire, richement illustrée, du festival, de 1976 à 2005.
Textes de Pierre-Louis Chantre.
192 pages, 250 photos.
En annexe, toutes les affiches du festival en miniature et la liste exhaustive des artistes ayant joué à Nyon.
Le livre est accompagné d’un CD produit par la Radio suisse romande où les principaux protagonistes évoquent de multiples anecdotes.

– En trente ans, le Paléo Festival de Nyon est devenu le plus grand événement musical open air de Suisse et l’un des importants rendez-vous européens de l’été.

– A sa naissance en 1976, le festival s’appelait «First Folk Festival» avant de s’intituler «Nyon Folk Festival» de 1977 à 1985.

– En 1986, il est rebaptisé «Paléo», du nom d’un cheval de course que possédait le père d’un des organisateurs.

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