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Pierre Blondeau, l’aveugle qui aimait les films

Aveugle, Pierre Blondeau continue de «voir» des films à travers les yeux de sa femme Simone. solothurnerfilmtage.ch

Octogénaire, Pierre Blondeau anime le ciné-club de Pontarlier, où il «voit» les films grâce aux yeux de sa femme Simone. Le producteur vaudois Jean-Louis Porchet a rendu un hommage à ce couple de cinéphiles dans un court-métrage projeté au festival de Soleure.

Les ciné-clubs de province, la magie du cinéma, la nostalgique «Dernière séance», les fauteuils rouges élimés et le vieux projectionniste de «Cinéma Paradiso». Il y a tout cela dans «Les yeux de Simone», un court-métrage qui n’était pas passé inaperçu l’été dernier à Locarno.

L’histoire de Pierre et Simone Blondeau avait en effet ému la Piazza, et leur apparition après la projection avait déclenché un tonnerre d’applaudissements.

Depuis 1961, les Blondeau animent le ciné-club Jean Becker de Pontarlier, qu’ils ont fondé. Et c’est là que le réalisateur vaudois Jean-Louis Porchet les a filmés.

En sept minutes, son court-métrage montre Irène Jacob, qui joue son propre rôle, venue assister à la projection de «Rouge» de Krzysytof Kieslowski.

L’actrice découvre alors que Simone raconte le film à l’oreille de son mari. Ses yeux à lui sont levés au ciel, mais définitivement fermés, alors que tout son visage est tendu, comme pour s’immerger complètement dans l’univers sonore du film.

En fin de séance, Pierre Blondeau se lève et, de sa voix tonnante de vieux militant anarchiste, se lance dans un plaidoyer intransigeant en faveur du cinéma. «Encore faudrait-il que les princes de ce monde, les dirigeants politiques et financiers des G8 et des G20, pensent à donner quelques miettes pour sauvegarder cette fenêtre ouverte sur le monde», martèle-t-il, jouant, lui aussi et plus que jamais, son propre rôle.

A l’affiche comme à la vie

«C’est un personnage», s’exclame enthousiaste Jean-Louis Porchet à propos de cet ancien instituteur aujourd’hui âgé de plus de 80 ans et devenu aveugle autour de la cinquantaine, non sans avoir vu des centaines et des centaines de films avant d’être plongé dans l’obscurité.

Leur rencontre a eu lieu à la Cinémathèque à Lausanne, mais elle s’est prolongée grâce à une rétrospective que les Blondeau ont organisée en novembre 2008 à Pontarlier autour des films de CAB Productions, la société de production créée en 1984 par Jean-Louis Porchet et son associé Gérard Ruey.

«Pendant toute la rétrospective, j’ai assisté à cette scène fabuleuse, celle qui fait l’affiche de notre court-métrage, ce couple, elle qui lui parle à l’oreille pour lui raconter les images et lui qui regarde en l’air. Quand la lumière se rallume, elle lui donne un petit coup de coude et il vient dire à chaque fois combien il est important de sauver le cinéma», se souvient Jean-Louis Porchet.

Conscient que «Pontarlier, c’est loin de Paris», le producteur vaudois – «celui qu’on imagine débarquer en hélicoptère les poches pleines de fric juste parce qu’il est suisse» – a donc décidé, à 60 ans, de passer derrière la caméra pour la première fois de sa vie.

Schlöndorff et Tanner

Et s’il a choisi la forme du court-métrage de fiction plutôt que celle du documentaire, c’est pour que son hommage bénéficie de la plus large diffusion possible, comme au temps où on projetait les petits films avant les grands.

Un pari réussi puisque «Les yeux de Simone» est notamment passé en avant-première dans les salles françaises et qu’il a été projeté dans plusieurs festivals, dont actuellement celui de Biarritz. Articles et émissions radio ont suivi. De quoi assurer un peu de reconnaissance publique au ciné-club de Pontarlier et à ses fondateurs, qui songent à passer gentiment le relais.

Resteront les films et les noms. Ceux des «grands du cinéma», qui, touchés certainement par la cinéphilie des Blondeau, ont fait halte en toute simplicité à Pontarlier. Kazan, les Taviani, Risi, Scola, Angelopoulos, Tavernier, Schlöndorff et Tanner, tous y ont défilé à l’occasion d’une intégrale montée autour de leur œuvre.

«Ma plus belle histoire»

«Aller chez Pierre et Simone à Pontarlier, c’est faire une halte d’amour sur le long chemin du cinéma», résume d’ailleurs une citation de l’écrivain et réalisateur Jean-Claude Carrière sur laquelle s’attarde la caméra de Jean-Louis Porchet. Et c’est sur les notes de «Ma plus belle histoire d’amour c’est vous» que cette dernière se sépare des Blondeau.

«Le neveu de Barbara, qui a les droits, voulait les réserver à un grand film. Mais il a craqué quand nous lui avons montré notre projet», se réjouit le producteur vaudois, pour qui «Les yeux de Simone» est avant tout un film d’amour. «Ce couple est magnifique, fascinant. Ils ont une intimité incroyable. Ils me bouleversent. Aujourd’hui encore, je ne sais pas comment ils fonctionnent», témoigne-t-il.

Un secret aussi mystérieux que la manière dont Simone s’y prendra pour raconter «Avatar» à Pierre. Jean-Louis Porchet en est cependant convaincu, elle y parviendra. Aimera-t-il ? Sûrement, d’autant que «les images qu’il décrit après avoir ‘vu’ un film sont dix fois plus belles que celles qu’il y a l’écran», s’amuse-t-il. Et de confier que pour sa part, sa rencontre avec les Blondeau l’a surtout décidé à regarder la vie «avec les yeux un peu mi-clos plutôt que toujours grands ouverts.»

Carole Wälti, Soleure, swissinfo.ch

Les Journées cinématographiques de Soleure se déroulent cette année du 21 au 28 janvier.

C’est la première fois qu’elles ont lieu de jeudi à jeudi et non plus de lundi à dimanche.

Avec les festivals de Locarno, Zurich et Nyon (documentaires), Soleure fait partie des rendez-vous importants du cinéma helvétique.

Tout est parti d’une réunion consacrée au «cinéma suisse actuel» organisée en 1966 à Soleure en réaction à la rareté des films suisses dans les salles. Ce rendez-vous qui devait servir de vitrine à la production de l’année écoulée a été maintenu.

Plusieurs prix sont décernés dans le cadre des Journées de Soleure. Les deux plus significatifs sont le Prix de Soleure (60’000 francs) et le Prix du public (20’000 francs).

Les films et personnalités nominés pour le Prix du cinéma suisse, qui sera remis le 6 mars prochain à Lucerne, seront en outre rendus publics mercredi soir à Soleure.

Quelque 300 films et documentaires suisses sont projetés cette année à Soleure.

Au total, 521 œuvres ont été envoyées en vue d’être sélectionnées pour le festival.

Cinq documentaires et trois fictions sont en compétition pour le Prix de Soleure.

Treize films se disputent par ailleurs le Prix du public.

Le budget des Journées de Soleure se monte à 2,8 millions de francs.

Les organisateurs attendent 45’000 spectateurs et professionnels de la branche.

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