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Promenade mexicaine pour le jeune roman suisse

Christoph Simon, un auteur suisse à la Foire internationale du Livre de Guadalajara. Keystone/Bilgerverlag

La Foire internationale du Livre (FIL) de Guadalajara (Mexique) a accueilli une réflexion poétique venue de Suisse sur l’art de la promenade comme manière de découvrir le monde...

Originaire de Langnau, Christoph Simon y a lu des extraits de son œuvre. L’une des jeunes voix de la littérature suisse – il est né en 1972 – Christoph Simon a étudié le jazz à Berne avant de devenir un voyageur passionné. Son œuvre comprend cinq romans, un livre pour enfants et un volume de poésie. Simon vit et travaille à Berne.

swissinfo.ch: Vous avez fait vos débuts en 2001. Dix plus tard, vous publiez votre cinquième roman. Comment percevez-vous votre évolution?

Christoph Simon: Mes trois premiers romans avait pour protagonistes des personnages jeunes, entre 20 et 30 ans. C’était des outsiders bons vivants sans attaches familiales. Dans mon dernier roman, j’embrasse toute la vie d’un protagoniste de 87 ans. Depuis quelque temps, je me dirige vers la narration épique et je m’éloigne de plus en plus du “roman-feuilleton”.

swissinfo.ch: La critique a accueilli votre dernier roman avec enthousiasme. Vous attendiez-vous a un tel accueil? Quelle importance a pour vous la critique?

C.S: Ces réactions positives m’ont soulagé. Je sais que c’est un cliché mais pendant trois ans, je me suis vraiment donné à fond pour ce roman. Je suis heureux que ces efforts soient récompensés. J’ai mis tout ce que je pouvais d’amour, d’esprit et de raison dans ce livre et je craignais qu’il soit perçu comme provincial ou niais.

Mais pour ce qui est de la critique, elle ne m’empêchera jamais de continuer à écrire, aussi mauvaise soit elle.

swissinfo.ch: Le scénario de ‘Spaziergänger Zbinden’ est assez simple. L’action se déroule dans une maison pour personnes âgées. Comment avez-vous travaillé la trame romanesque?

C.S: J’ai toujours écrit sur l’art de la promenade mais ici le récit passe par la voix d’un vieil homme, Lukas Zbinden. Accompagné par Kazim, un objecteur de conscience qui fait son service civil dans cet établissement, il monologue sur l’art de la promenade sans se rendre compte que ce qu’il fait en réalité, c’est raconter l’histoire de sa défunte femme. Un homme âgé et son assistant se promènent et croisent sur leur chemin d’autres résidents du lieu: c’est une trame simple comme vous le dites.

swissinfo.ch: Quelles ont été vos expériences les plus marquantes durant la rédaction du roman?

C.S: Il me semble y avoir mis beaucoup de souvenirs. L’agencement de tous ces souvenirs – ceux de l’épouse morte et d’amis importants et ceux de l’école où Zbinden enseignait – a rendu la rédaction compliquée parce qu’un roman vit d’une trame dynamique. Et une promenade, surtout celle d’un homme âgé, affligé qui plus est d’un problème de hanche, n’est pas ce qu’il y a de plus efficace a priori pour la fluidité narrative.

Un certain dynamisme est nécessaire au déroulement d’un roman. On ne peut pas se permettre de perdre le fil en accumulant les flashbacks. Il faut pouvoir laisser affluer les souvenirs du protagoniste sans perdre de vue l’action. Cela a été l’aspect technique le plus difficile à résoudre.

Un autre thème dominant du roman est la relation père-fils. Le père a l’occasion, à ce moment de sa vie, d’avoir avec son fils des conversations importantes. Ce fil narratif qui court dans le présent donne sa force au roman.

swissinfo.ch: La relation avec le protagoniste a-t-elle évolué à mesure que vous écriviez?

C.S.: Oui, bien sur. En trois ans, les expériences s’accumulent. Au début, on n’encore que des silhouettes. L’idée qu’on se fait des personnages évolue à mesure qu’on avance dans l’histoire. Avec le temps, ils acquièrent une dynamique propre, il se mettent à agir et parler différemment de ce qu’on pensait au début. C’est un processus d’apprentissage. A la fin, dans le meilleur des cas, ils sont devenus des amis. Quand on passe tellement de temps avec des personnages, il est normal qu’on finisse par éprouver à leur égard une certaine tendresse.

swissinfo.ch: La critique a vu dans le protagoniste un personnage réel, l’écrivain Gerhard Meir. Les jeunes auteurs trouvent souvent leur style en s’inspirant de modèles littéraires. Qui sont les auteurs qui vous ont le plus influencé?

C.S: Gerhard Meier est certainement important. Mais le personnage de Zbinden ne prétend pas être son portrait. J’ai connu Gerhard Meier deux ans avant sa mort et il est toujours très présent pour moi. Sa manière de raconter, sous forme de monologue, correspondait a sa manière d’écrire. Je trouve fascinante sa capacité à raconter en suivant une spirale, sans interruption.

swissinfo.ch: quels sont les autres auteurs qui vous ont influencé?

C.S: Il y en a beaucoup. L’Américain Richard Ford m’a appris tout ce qui a rapport au langage, à l’élaboration des personnages, au maniement du temps et des conflits fictionnels. Je pourrais en mentionner d’autres. Mais je me considère d’abord comme un lecteur qui essaie d’élaborer les thèmes qui lui tiennent à cœur: l’amour, le bonheur, le courage, l’espérance et l’amitié.

swissinfo.ch: Vous avez reçu le prix de la Ville de Berne pour votre dernier roman. Que signifie pour vous cet hommage? Que représente pour vous la ville de Berne?

C.S: Je me considère d’abord comme Bernois et ensuite comme Suisse. Etre Bernois a pour moi beaucoup de sens. Je suis né dans l’Emmenthal, j’ai grandi dans l’Oberland bernois, je vis dans la capitale et la personne qui partage ma vie est de Bienne: d’une certaine manière, nous couvrons toute la géographie cantonale! Le canton est une entité à ma mesure et mes livres ont toujours pour cadre des lieux ou des microcosmes familiers. Je dois aussi dire que le canton me soutient depuis une dizaine d’années et c’est grâce à ce soutien que j’ai pu développer mon travail.

swissinfo.ch: Vous êtes aussi un passionné de voyages et vous avez étudié le jazz. Comment passe-t-on du jazz à la littérature? Comment la musique intervient-elle dans votre création littéraire?

C.S: Je me considère comme un artiste de manière générale: que ce soit par la musique, le dessin ou la littérature, il s’agit toujours de s’exprimer à travers l’art et c’est pour moi un privilège de pouvoir vivre de la littérature.

Même si la musique joue pour l’instant un rôle secondaire, elle reste importante quand il s’agit du langage. N’importe quel auteur vous parlera de l’importance du rythme. La musique détermine notre perception acoustique et un texte, quel qu’il soit, ne fonctionne qu’en respectant un rythme donné.

Christoph Simon a publié six livres. Franz oder warum Antilopen nebeneinander laufen, son premier roman, raconte la vie d’un élève à la recherche du sens à donner sa vie et s’inscrit dans la tradition du roman d’apprentissage.

Après Luna Llena (2003) et Planet Obrist (2005) son dernier roman, Spaziergänger Zbinden (2010) – que la Neue Zürcher Zeitung, (10.07.2010) qualifie de «diamant poli» – est une réflexion poétique sur l’art de la promenade. Dans ce roman, les dialogues entre Lukas Zbinden et le jeune Kazim tournent autour de la solitude, la passion et l’amour, le vieillissement et le sens de la vie au quotidien.

Christoph Simon est aussi l’auteur d’un livre pour enfant (Hasin Mels und Hase Fitz, 2008) ainsi que d’un volume de poésie (Ein Pony in nachbars park, ein rennpferd in meinem 2009).

Né en 1972 et originaire de Langnau (BE), Christoph Simon, vit et travaille à Berne.

Il a étudié le jazz. Voyageur passionné, il a parcouru Israël, la Jordanie, l’Egypte, la Pologne et l’Amérique Latine, Londres et New York.

Dans le cadre du projet alémano-argentin Rayuela, il a passé un mois à Buenos Aires comme auteur en résidence.

La Foire internationale du Livre (FIL) de Guadalajara (du 27 novembre au 5 décembre) est la plus grande manifestation éditoriale d’Amérique Latine.

Elle reçoit chaque année en moyenne 600’000 visiteurs, 17’000 professionnels du livre, 1600 journalistes et environ 2000 maisons d’édition de 40 pays.

La 24ème édition a pour invité d’honneur la Communauté autonome de Castille et León, «berceau de la langue espagnole».

(Traduction de l’espagnol: Elisabeth Gilles)

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