Roger Pfund, polygame pictural
Roger Pfund, graphiste, bien sûr... Mais c'est le peintre qui s'expose à la Galerie Ramseyer & Kaelin, à Berne, où il est né il y a soixante ans.
Rencontre avec un homme qui accumule les strates de couleurs pour mieux dire la transparence.
Tout le monde ou presque a déjà tenu une œuvre de Roger Pfund dans ses mains: les billets de banque français – Saint-Exupéry, Gustave Eiffel, les Frères Lumière, le couple Curie, bref, les billets qui ont été détrônés par l’euro, c’était lui.
De la même manière qu’il est l’auteur de la série de réserve de la Banque nationale suisse, et d’innombrables affiches à caractère culturel ou humanitaire. Ou encore du passeport helvétique actuel.
A son actif également, la muséographie du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à Genève, celle de l’exposition permanente du Musée des Transports à Lucerne. Sans compter un certain nombre de meubles ou autres objets utilitaires et néanmoins… beaux.
Mais avant tout cela, et pendant tout cela, il y a la peinture.
De Maria Callas à l’Indien
Vastes toiles, souvent éclatantes. Accumulation de strates, de couches de matière. Evidente parfois, masquée souvent, la photo qui a suscité le travail du peintre. Car depuis longtemps, Roger Pfund peint à partir de, ou autour d’une photo.
Ainsi un portrait de la Callas l’accompagne depuis 1986. On en découvre ici de nouvelles déclinaisons. Tout récent par contre: le visage de l’Indien. «C’est une thématique qui est apparue en 2002, mais à laquelle je pense depuis 1977», précise Roger Pfund.
«Il y avait eu le grand congrès international sur les minorités aux Nations-Unies, à Genève. J’ai trouvé dans la presse cette photo magnifique d’un Indien d’Amérique du Nord. Et elle m’a travaillé jusqu’à l’année passée. J’ai alors décidé d’aborder le thème de la minorité au travers de cette image de l’Indien».
Opacité et transparence
C’est au travers de diptyques que le peintre-graphiste gravite autour de ce nouveau visage. Tout en poursuivant sa réflexion sur la transparence:
«Je travaille de façons différentes des couches que je superpose. Il y a un petit côté billet de banque, m’a-t-on dit… Ce qui n’est pas faux, parce que l’idée de transparence me passionne autant dans la peinture que dans la gravure et l’aquatinte.»
Alors les couleurs s’additionnent, se superposent. «J’aime savoir qu’il y a quelque chose dessous, j’aime pouvoir imaginer que la radiographie d’une peinture pourrait révéler qu’il y a là-derrière des couches qui ont été intéressantes», relève Roger Pfund.
Et ce travail d’ajouts successifs se fait généralement sur plusieurs mois… Quand l’artiste sait-il que la toile est terminée? «Tout à coup, le visage-paysage vous regarde. Il y a un échange. A un moment, il me dit: je suis terminé».
«Une piste importante»
Il y a donc d’un côté le graphiste et son atelier carougeois à succès. Et de l’autre, le peintre, pour lequel la peinture relève de la sphère privée.
Goût des contrastes: «Je connais bien l’informatique. Mais j’adore le carton, le papier, le fusain, les pigments, le crayon, j’adore toutes ces conneries qu’on a utilisées depuis la nuit des temps. Là, il y a le côté humain, sensuel, manuel, dont j’ai besoin. En fait, j’ai besoin des deux: c’est une polygamie picturale qui est intéressante!»
Dans les salles de la Galerie Ramseyer & Kaelin, l’artiste, né en 1943 à Berne, retrouve moult témoins de son enfance et de sa jeunesse. Certains se souviennent sans doute du jazzman Roger Pfund, puisque jusqu’en 1971, c’est sa contrebasse qui fut son principal moyen d’expression.
Mais le graphisme a balayé la musique: «J’ai découvert un monde exceptionnel», s’enflamme-t-il. Et cet enthousiasme, il veut le transmettre: «Pour moi, graphisme et peinture s’influencent de façon permanente, tous les jours. Aux jeunes qui travaillent avec moi, je dis régulièrement que c’est une piste importante.»
Et de conclure: «Une piste qui nous apporté le succès: l’atelier, ce n’est pas seulement une agence de pub, Photoshop, merci beaucoup, au-revoir et bonne nuit!»
En effet.
swissinfo, Bernard Léchot
Exposition «Roger Pfund, Visage Paysage», jusqu’au 1er février à la Galerie Ramseyer & Kaelin, Junkerngasse 1. A noter, le week-end du 18/19 janvier, un circuit des galeries bernoises qui inclut la Galerie Ramseyer & Kaelin. Roger Pfund sera présent.
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