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Ruxandra Zenide et Ryna prennent leur envol

Ruxandra Zenide fait l'ouverture du 11ème 'Cinéma tout écran'. swissinfo.ch

C'est «Ryna», de la cinéaste roumano-suisse Ruxandra Zenide, qui a ouvert lundi soir à Genève la 11ème édition du festival «Cinéma tout écran».

Un premier long métrage en forme de portrait, dans une Roumanie du bout du monde où le poids du passé tyrannise le présent.

C’est un portrait fort, à la fois violent et nuancé, que les spectateurs ont pu découvrir lors de la soirée inaugurale du 11ème «Cinéma tout écran», à Genève. Le portrait de «Ryna», une jeune fille roumaine de 16 ans, qui donne son titre au premier long métrage de fiction que signe Ruxandra Zenide, née en Roumanie et grandie en Suisse.

Un film en compétition, qui a déjà été primé à Bordeaux et s’envolera dans deux jours à Los Angeles pour le festival «New Faces in European Cinema», qui se tient du 3 au 13 novembre.

«C’est génial! J’ai travaillé pour l’organisation de ‘Cinéma tout écran’ en 1998, je n’avais encore rien fait, même pas un court métrage, et sept ans après, je fais l’ouverture avec un long métrage! C’est un rêve!» s’enthousiasme la jeune cinéaste.

L’Est et l’Ouest

Avant le cinéma, Ruxandra Zenide est passée par l’Institut universitaire de hautes études internationales (HEI), à Genève. Plutôt pour rassurer ses parents. Puis elle s’est lancée dans ce qu’elle avait réellement envie de faire, en allant suivre une formation de réalisatrice à Prague et à New York.

L’Europe centrale et les USA, deux approches assez différentes du 7ème Art… «New York, c’est efficace et professionnel. Le deuxième jour, on nous a donné des caméras Bolex pour aller tourner dans la rue! Prague, c’était plutôt une certaine tradition du cinéma, un cinéma classique, avec une recherche d’esthétisme et de dramaturgie», explique Ruxandra Zenide.

«Ce que j’ai aussi appris à Prague, c’est à vivre dans la famille cinéma. C’est-à-dire être entourée par des professionnels. Parce que dans cette école, il y avait différentes sections – scénario, caméra, production, réalisation. C’était donc intéressant de pouvoir apprendre à collaborer avec les autres professions.»

Tourner la page

Même si son premier long métrage est coproduit par la Télévision suisse romande, c’est dans son pays d’origine que Ruxandra Zenide a choisi de le tourner. «Ryna», tout en faisant appel à des sentiments universels, est même profondément ancré dans le terreau roumain.

«Je voulais découvrir le delta du Danube, que je ne connaissais pas. Un endroit intéressant, parce qu’entouré par l’eau. C’est marécageux, isolé, sauvage. Et je voulais raconter cette histoire un peu sauvage dans cet endroit».

Histoire sauvage, en effet. Dans cet endroit hors du monde, Ryna (Dorotheea Petre) travaille dans le garage de son père, qui l’exploite sans scrupules et surtout, lui dénie tout droit à la moindre féminité. Cheveux rasés, salopette permanente, interdiction de sortir… Le père tyrannique veille avec possessivité sur sa fille, apparemment comme on veille sur une vache ou une chèvre qui permet de faire tourner le ménage.

Immoral jusqu’au bout, le père ira jusqu’à laisser un notable local abuser de sa fille, juste par intérêt. Deux figures positives illuminent toutefois le quotidien sordide de Ryna: un jeune chercheur français débarqué dans la région, et le grand-père, figure tutélaire.

Univers perdu, hors du temps, mâle et égoïste, un univers chargé de silences et de non-dits… Communication difficile. On a presque l’impression que Ruxandra Zenide avait un compte à régler avec cette Roumanie-là.

«Le film évoque aussi cette génération sacrifiée, qui a vécu le communisme. Et qui doit maintenant passer à autre chose, trouver une identité propre dans la démocratie. Dans cette région reculée et arriérée, le changement vient difficilement… Il y a des traces de l’ancien régime qui restent très fortes».

Ryna finira effectivement par prendre la décision de partir, et de céder à ses envies. Ryna, portrait d’une adolescente et de sa difficulté à s’affirmer, mais, pour Ruxandra Zenide, également le portrait d’une nouvelle génération roumaine.

Après le Danube, Genève

«Ryna» a été coproduit par la TSR, mais c’est un film de cinéma. Il a été tourné en cinémascope. Ruxandra Zenide vit actuellement dans l’attente de savoir si son film sera distribué en salles ou non, avec l’espoir d’une sortie suisse ce printemps. «J’espère que le public pourra le voir, c’est tout!», dit-elle tranquillement.

Un festival comme «Cinéma tout écran» peut-il avoir un impact sur la sortie en salles? «Oui. Toute reconnaissance d’un festival, ou de la presse, peut jouer un rôle dans le choix des distributeurs, puisqu’il y a tant de films qui sortent et si peu de salles, surtout pour ce genre de films», répond-elle.

L’avenir pour Ruxandra Zenide, c’est aussi la production d’un long métrage dont l’action se déroulera à Genève, et le sujet d’un nouveau film sur lequel elle travaille déjà.

Mais c’est un peu tôt pour en parler. Il faut d’abord que Ryna vive sa vie. A Genève. A Los Angeles. Et ailleurs.

swissinfo, Bernard Léchot à Genève

Le 11ème festival «Cinéma tout écran» se tient à Genève jusqu’au 6 novembre, à la Maison des Arts du Grütli et dans diverses autres salles de cinéma.
Avec une programmation axée sur des films souvent politiques, la manifestation continue de construire un pont entre production télévisuelle et cinématographique.
Le festival dispose d’un budget de 1,4 million de francs.

Ruxandra Zenide:

– 1975: Naissance à Bucarest, Roumanie.

– 1998: Licence en Relations Internationales du HEI (Institut universitaire des hautes études internationales) à Genève.

– 1999: New York University, section cinéma.

– 2000: Ecole de cinéma (FAMU) à Prague.

– Plusieurs courts métrages:
«The Hole» (1999)
«Dust» (2002)
«Green Oaks» (2003)

– 2005: «Ryna», 1er long métrage. A été sélectionné au festival ‘Films du Monde’ de Montréal, à Sarajevo, a reçu la’Vague d’or’ à Bordeaux (Festival international du cinéma au féminin à Bordeaux) et participera au «New Faces in European Cinema» à Los Angeles (3-13 novembre).

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